Pour trois raisons principales, les chrétiens doivent aimer la Sainte Vierge : d’abord, parce qu’elle est la Mère de notre Seigneur et très-doux Rédempteur Jésus-Christ ; puis parce qu’elle est notre Mère, à nous, membres vivants et frères de Jésus-Christ ; enfin, parce qu’elle est parfaitement sainte, parfaitement bonne, parfaitement digne de tendresse et d’amour.
En premier lieu, nous devons aimer la Sainte-Vierge, parce qu’elle est la Mère de Jésus, la vraie Mère de notre Dieu. L’amour que nous portons à Notre-Seigneur ne peut pas ne point rejaillir sur sa Mère, sur Celle qui l’a donné au monde et sans laquelle nous n’aurions pas eu notre Sauveur.
C’est par la Vierge-Marie que Dieu le Père a voulu donner au monde son Fils unique ; c’est par elle, et par elle seule, que le Fils de Dieu a voulu se faire homme, pour nous sauver de la damnation éternelle et nous rouvrir le ciel, que le péché nous avait fermé.
C’est en elle, c’est dans le sein virginal de Marie que le Saint-Esprit a voulu opérer ce grand prodige qui s’appelle l’Incarnation, qui du Fils éternel de Dieu a fait le vrai Fils de Marie, et qui par conséquent a élevé Marie à la dignité ineffable, presque divine de Mère de DIEU.
« Mais, dira-t-on peut-être, la Sainte-Vierge n’a pas donné à Jésus-Christ sa divinité ; elle ne lui a donné que son humanité ; elle peut être la Mère de Jésus en tant qu’il est homme, mais non pas en tant qu’il est Dieu. Elle n’est donc pas véritablement la Mère de Dieu. »
— Si fait, et voici comment : La foi nous enseigne qu’il n’y a en Notre-Seigneur qu’une seule personne, qui est la personne divine, éternelle, infinie du Verbe de Dieu. Tout le monde sait cela. Or, la Sainte-Vierge étant, par la grâce de la maternité divine, la vraie Mère de Notre-Seigneur, il s’ensuit de toute nécessité qu’elle est réellement et véritablement la Mère de Dieu .
Peu importe qu’elle ne lui ait donné que son humanité, elle n’en est pas moins sa Mère, sa vraie Mère, et cela suffît. La même chose n’a-t-elle pas lieu pour chacun de nous ? En nous mettant au monde, notre mère ne nous donne que notre corps ; elle ne nous donne point notre âme, que le bon Dieu crée directement sans le concours de personne.
Notre mère, dites-moi, en est-elle moins réellement, moins véritablement notre mère, parce qu’elle ne nous donne directement que notre corps ? Donc la Très-Sainte Vierge, vraie Mère de Jésus, est la vraie Mère de Dieu ; et dès lors, comment, si nous croyons tout de bon en Jésus-Christ, pourrions-nous ne pas unir dans un même amour et le Fils et la Mère, et Jésus, Fils de Marie, et Marie, Mère de Jésus ?
En second lieu, nous devons aimer la Sainte-Vierge, Mère de Dieu, parce qu’elle est devenue notre Mère dans l’ordre de la grâce et du salut. Elle est la vraie Mère de Jésus selon la nature ; et pour nous, frères adoptifs de Jésus, membres vivants de Jésus, par la grâce, elle est notre Mère spirituelle, la Mère de nos âmes, la Mère qui nous enfante incessamment à la vie de la grâce et au salut éternel.
Cette maternité de la Sainte-Vierge à notre égard est, bien que d’une autre nature, aussi réelle que sa maternité divine à l’égard de Jésus, dans l’Incarnation. Du haut de sa Croix, Notre-Seigneur a voulu le proclamer solennellement. « Voici votre fils« , a-t-il dit de sa voix mourante à la Sainte-Vierge, en lui montrant du regard le disciple qu’il aimait. »Voici ta mère« , ajouta-t-il, en se tournant vers saint Jean et en lui désignant la Bienheureuse Vierge.
Or, saint Jean, le disciple bien-aimé, nous représentait tous en cet instant suprême ; et c’est à nous tous, c’est à chacun de nous que Jésus mourant a donné ainsi pour Mère sa Mère bien-aimée. Donc, puisque nous sommes de droit divin les enfants de la Sainte-Vierge, n’est-il pas évident que nous devons l’aimer ?
Nous devons aimer notre Mère : est-il besoin de le prouver ? Et n’est-ce point là, pour tout chrétien, une de ces vérités de sens commun plus lumineuse que le jour ? El puis, pensons-y bien, par sa sainte grâce, Notre-Seigneur habite et vit en chacun de nous, avec son Père céleste et l’Esprit-Saint ; et c’est de là, du fond de ce vivant sanctuaire, qu’il communique à tous ses fidèles les sentiments de son divin Cœur : l’amour le plus tendre, le plus religieux et le plus filial envers son Père céleste, et, tout ensemble, envers sa Bienheureuse Mère.
Jésus veut que nous lui soyons conformes le plus possible dans l’amour parfait qu’il portait et qu’il porte éternellement et à son Père et à sa Mère, au bon Dieu et à la bonne Vierge, O douce volonté du Dieu de notre cœur ! O saint et consolant amour filial qui nous est commun avec Jésus lui-même !
Troisièmement enfin, nous devons, si nous voulons être de vrais et dignes chrétiens, aimer la Sainte-Vierge Marie de tout notre cœur, parce qu’elle est parfaitement digne d’amour. Pour faire de cette nature privilégiée un véritable chef-d’œuvre de grâce et de sainteté, aussi digne que possible de devenir la Mère de son Fils unique et adorable, le Père céleste
L’a comblée de toutes les bénédictions dont une pure créature était capable. Il l’a créée pleine de grâce ; pour elle seule, il a opéré le prodige de l’Immaculée-Conception, c’est-à-dire qu’il l’a préservée du péché originel. Il a voulu que, par un miracle également unique, elle demeura vierge en devenant mère.
L’Esprit-Saint l’a enveloppée tout entière et comme imprégnée de la grâce sanctifiante, l’élevant ainsi à une perfection si accomplie, à une sainteté si incompréhensible, que nulle créature, pas plus au ciel que sur la terre, ne peut lui être comparée, même de loin. Aussi l’Église a-t-elle dû, pour nous faire comprendre que l’excellence prodigieuse de la sainte Mère de Dieu exige un culte à part, donner à ce culte le nom d’ « hyperdulie », c’est-à-dire « vénération au-dessus de la vénération que nous devons aux Anges et aux Saints. »
À cette perfection sublime de la Sainte-Vierge correspond l’ensemble parfait de toutes les vertus, de toutes les qualités aimables, de toutes les bontés, de toutes les douceurs maternelles qui rendent une créature digne d’être aimée, en même temps que vénérée.
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Et c’est au milieu de ces splendeurs d’amour, de bonté et de beauté que le Père et le Fils et le Saint-Esprit nous présentent la Sainte-Vierge, afin que nous la vénérions de toute la puissance de notre foi et que nous l’aimions do toutes les forces de notre cœur.
Voilà les trois principales raisons pour lesquelles tout chrétien, tout vrai enfant de Dieu, tout vrai disciple de Jésus-Christ doit aimer de tout son cœur la Bienheureuse Vierge Marie.
Source : Monseigneur de Ségur – L’Enfer – 1893