Les visions de Sainte Françoise Romaine nous permettent de se rapprocher de Notre-Seigneur et notre Dieu. Elle a reçu de grandes grâces de la main de Jésus-Christ.
VISION 67 (LXVII)
Quelques jours après, son père spirituel étant venu la voir, lui demanda si elle voyait quelque chose d’extraordinaire. Oui, mon père, répondit-elle, je vois dans la main de mon ange une lettre écrite par l’apôtre saint-Paul, et aussitôt elle lui en fit la lecture. Or, dans cette lettre, c’était le Sauveur qui parlait à sa servante et voici ce qu’il lui disait :
« Âme, ma bien-aimée, parce que vous avez fidèlement conservé, augmenté, perfectionne la foi que mon Esprit déposa dans votre âme, je vous ai donné la pureté, celte parure ravissante que vous avez reçue dans ma vérité, qui correspond à la divine charité.
O âme ! J’ai désiré de toute éternité, et avec un amour incroyable, de vous avoir sous la main de ma volonté Ayez donc une ferme confiance en mon amour, qui veille à votre garde. De votre côté, cependant, il est nécessaire que vous vous occupiez de moi de telle sorte qu’aucune autre affaire ne vous arrête dans cette voie d’amour ou vous marchez.
Âme, tachez de bien sentir ce que je désire : il faut que vous vous conserviez dans la justice, que vous soyez forte et généreuse, et que votre cœur soit toujours avec moi. Moyennant cela, je serai moi-même avec vous en toutes vos affaires, et vous ferai jouir d’un repos constant. Soyez toujours sur vos gardes, pour éviter les déceptions, discrète et modérée dans toutes vos œuvres. Cependant, votre conversation avec moi doit être continuelle : car plus on se met en rapport avec moi, et plus on m’aime. Dans ces entretiens continuels avec moi, l’âme devient en quelque sorte domestique, sensible a tout ce qui me touche et finit par se liquéfier au feu de mon amour. Or, ceci est l’indice d’une âme qui répond à la vérité ; car la vérité a dit que l’âme, en présence de la charité, se fond comme la cire.
Âme, puisque j’ai bien voulu vous admettre à la communication de mes secrets, n’ayez plus de repos jusqu’à ce que vous me soyez parfaitement soumise. Vous voici devenue capable d’obéissance, a ma satisfaction ; accomplissez-la promptement et avec ferveur, si vous voulez être victorieuse. Cherchez en tout mon bon plaisir, et vous trouverez des choses précieuses ; vos mains demeureront innocentes ; votre cœur, éloignant toutes les affections infectes, acquerra une pureté charmante, et bientôt vous serez toute légère et pleine d’ardeur.
Âme, embrasez-vous de mon amour, et votre voyage se fera sans peine, et vous pourrez vous élever légèrement sur la montagne, et vous présenter aux regards du vrai Dieu. Cette ascension dont je parle est celle qu’avait en vue le Prophète, lorsqu’il disait : Quel est celui qui montera sur la montagne du Seigneur ? Eh bien ! Ce sera vous qui monterez, appuyé sur mon amour.
Âme, qui êtes ma bien-aimée, entrez toujours dans mes désirs, et conservez-vous pure et nette, afin que je puisse me reposer en vous. Or, je me repose en vous, avec une grande joie, lorsque je vous trouve reposant en moi-même. Que votre zèle aille toujours croissant avec l’intention de me contenter. Soyez ferme et stable, et vous comprendrez ma volonté sainte. Tenez votre esprit tranquille, et ma lumière l’éclairera, et il sera transformé. Alors vous vivrez avec moi dans une union étroite et constante, et vous chercherez en vain votre cœur en vous-même, parce qu’il demeurera toujours en moi.
Âme, puisque vous vous donnez à moi, c’est un signe que vous voulez que je sois à vous. J’y consens aux conditions que vous vivrez d’une manière céleste, et que vos actions seront toujours conformes à mes intentions. Âme bénie, faites en sorte de bien comprendre cette lettre, qui vous est envoyée pour récompenser votre obéissance. »
À mesure que Françoise la lisait, les paroles s’effaçaient sur le papier que tenait son ange, en sorte que, la lecture étant achevée, toute l’écriture avait disparu.
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VISION 68 (LXVIII)
Le jour où l’Église célèbre la fête de la Conversion de saint-Paul, Françoise eut la dévotion d’aller visiter son église, ou elle se fit accompagner par plusieurs de ses filles en Jésus-Christ. Lorsqu’elle était à genoux devant le maitre-autel, appliquée à l’oraison, elle eut une extase qui dura depuis le grand matin jusqu’à l’heure des Complies. Ses filles, voyant que la nuit approchait, commencèrent à s’inquiéter, ne sachant ce qu’elles devaient faire, car elles n’osaient la troubler dans son extase ; mais le Seigneur vint à leur secours, comme il avait fait souvent en pareilles occasions.
Par une opération de sa volonté sainte, elle entendit une voix intérieure qui lui prescrivait, en vertu de la sainte obéissance, de retourner dans sa maison. Cela suffit, Père tout-puissant, répondit-elle : je pars, puisque tel est votre bon plaisir. En effet, elle se leva aussitôt, et se mit en chemin, les bras croisés sur la poitrine, et les yeux élevés vers le ciel, ce qui ne l’empêchait pas de marcher d’un pied sûr et ferme, comme à l’ordinaire. Elle fit ainsi en silence la moitié du chemin, et revint alors à ses sens naturels.
Quelle heure est-il ? Demanda-t-elle à ses filles, et pourquoi sommes-nous dans ce chemin public ? Mais, ma mère, répondit la plus jeune d’entre elles, qui se nommait Catherine Guidolini, nous revenons de la basilique de Saint-Paul ; nous voici bientôt à la porte de la ville, et fort heureusement, car le jour va finir.
Dieu vous pardonne, mes filles, reprit Françoise ; mais vous auriez dû m’avertir qu’il se faisait tard. Sentant alors ses forces défaillir, comme il arrive à la suite des extases, elle s’appuya sur les bras de ses compagnes, pour continuer sa route ; mais son visage était si resplendissant, qu’elles n’en pouvaient supporter la vue. Ceci arriva en 1437.
VISION 69 (LXIX)
Dieu, voulant enrichir sa servante de nouvelles grâces, ordonna à son ange de changer de travail. En conséquence, il quitta son fuseau, et fit un ouvroir pour tisser de la toile, et dit à la servante de Dieu :
« Je vais faire d’abord une toile de cent lames ; j’en ferai ensuite une de soixante, et enfin une de trente. »
Or, il disait cela d’une voix très-douce, mais qui, au dire de Françoise, paraissait venir de fort loin. Tandis qu’il travaillait à son ouvroir, des chiens et des chats vinrent, à travers ses fils, se livrer bataille. (C’était une image de la contrariété).
Cela parut donner à l’ange de l’ennui ; mais cet ennui n’était qu’apparent ; car les passions sont étrangères aux anges. Lorsque Françoise faisait quelque reproche général à ses filles en Jésus-Christ, l’ange interrompait son travail et l’écoutait attentivement, avec un air d’obéissance. Lorsqu’elle disait le Confiteor, ce qu’elle faisait chaque soir avant de prendre son repos, l’ange demeurait encore attentif et sans rien faire. II en usait de même toutes les fois qu’elle récitait les diverses heures de l’office divin, et alors il paraissait tout transformé dans les louanges divines, et Françoise voyait sur sa tête une colonne de lumière qui s’élevée jusqu’au ciel, et disparaissait aussitôt que l’office était terminé.
Il est à remarquer encore que pendant tout le temps que duraient les heures, il avait les yeux constamment élevés vers le ciel. Le corps de cet ange était pour Françoise comme un miroir dans lequel elle voyait les choses présentes et futures beaucoup plus parfaitement que dans celui qu’elle avait auparavant. Toutes les grâces qu’elle recevait par son ministère étaient aussi beaucoup plus puissantes et plus parfaites ; mais elle n’avait pas la consolation de le regarder comme le premier, sa splendeur étant tellement éclatante, que celle de l’archange ne semblait qu’un nuage obscur en comparaison.
La bienheureuse eut cette vision le jour de l’Assomption de la sainte Vierge, en l’année 1439.
VISION 70 (LXX)
Le jour de Noël de l’année 1439, Françoise, voyant dans son extase la divine Marie qui tenait entre ses bras l’enfant Jésus, se mit à conjurer cette auguste Mère de le lui confier pour quelques instants. Sa prière fut on ne peut plus pressante ; cependant elle n’obtint pas ce qu’elle désirait. Prenez patience, lui répondit la Reine du ciel, un peu plus tard je vous accorderai cette grâce.
Le lendemain, Françoise se rendit à l’église de Saint-Laurent hors des Murs, pour visiter le corps de saint Etienne, dont l’église faisait la fête. Au retour, ayant eu la dévotion d’entrer dans la basilique de Saint-Jean de Latran, elle alla se mettre à genoux en face du maitre-autel, et tout aussitôt fut élevée en extase.
C’était le moment où l’auguste Marie voulait tenir sa promesse. En conséquence, elle mit son cher Fils entre les bras de la bienheureuse qui, suivant l’impulsion de la puissance divine, se leva et s’en alla, tout extasiée qu’elle était, jusqu’à Sainte-Marie la Neuve, emportant avec elle son précieux trésor. Or, elle marchait d’un pas plus ferme et plus léger que si elle eut été dans son état naturel.
Arrivée dans cette Église, elle dit à ses compagnes d’aller chercher le père Hypolithe qui était alors prieur du monastère, et s’avança jusqu’à la grille du chœur ou elle demeura debout, en face du maitre-autel. Le père Hypolithe étant venu à son appel, ouvrit la porte de la grille pour la faire entrer dans le sanctuaire ; elle y entra en effet, et parvenue au pied de l’autel, elle dit à ce religieux :
« La sainte Vierge me promit hier de me livrer son divin Fils, aujourd’hui elle a daignée accomplir sa promesse, je tiens dans mes bras ce très cher Enfant, et je veux le déposer sur cet autel. Voudriez-vous, mon père, le prendre et l’y placer vous-même. »
En même temps elle fit un mouvement de ses bras pour le lui livrer en disant :
« Remarquez bien, mon père, que vous devrez me le rendre lorsque Dieu le voudra. »
Le religieux ne prit rien, parce que le divin Enfant ne s’était rendu sensible que pour elle ; mais il Ia quitta, et alors, s’étant mise à genoux, les mains jointes, l’extase continua. Le père Hypolithe avait souvent prié Françoise, lorsqu’elle demeurait encore dans la maison de son mari, de le prendre pour son fils spirituel ; mais elle lui avait constamment refusé cette grâce, par un sentiment de vraie humilité, disant qu’il ne convenait pas qu’un religieux appelât une pécheresse sa mère.
Le père, ce jour-la, ayant réitéré sa demande, obtint enfin ce qu’il désirait. Oui, lui répondit-elle, je vous reçois aujourd’hui pour fils, pour frère et pour père. Cela dit, elle se leva sans sortir de son extase et s’en retourna dans sa maison.
VISION 71 (LXXI)
Un jour, pendant une extase immobile, elle entendit une voix fort douce qui venait du ciel, et lui disait :
« Je suis cet amour qui ai donné la vie au genre humain, qui le soutiens et le gouverne. Je suis ce Verbe qui ai pris chair pour vous, passant pour cela neuf mois dans un sein virginal ; après quoi je me suis produit au jour et ai vécu dans le monde, ou j’ai été rassasié pour vous d’opprobres et de tourments.
Cependant, en venant sur la terre, je n’ai pas pour cela quitté mon Père ; sans sortir de son sein, j’ai accompli ses ordres avec une parfaite obéissance, j’ai répandu mon sang et donné ma vie, j’ai établi un sacrement ou je me suis renfermé afin d’être votre nourriture, et j’ai fait tout cela pour vous renouveler et vous sauver.
Quiconque me reçoit avec une âme pure, je me donne à lui sans réserve, je lui communique une foi vive et le remplis d’une ardente charité, je le fais se transformer en amour, et par cet amour ma divinité le soutient et lui fait gouter les biens que je lui donne.
Devenu vraiment humble, il est content de tout ce qui lui arrive, et ne contredit jamais la volonté du Créateur qui la fait bruler du feu de son amour. »
Après avoir entendu ces paroles, la servante de Dieu descendit à l’extase mobile, et se mit à dire parlant à son époux :
« Vous êtes mon défenseur, mon soutien et ma vie ; mais, mon très doux Jésus, puisque vous avez daigné vous incarner pour moi, vivre avec les hommes pour m’instruite et me faire sentir les douceurs de votre amour, faites-moi la grâce de vous demeurer toujours fidèle et de vous servir constamment avec une pure et droite intention. Puisque vous m’avez renouvelée dans votre sang précieux, gardez-moi près de vous, et ne me forcez pas à me séparer des biens dont je jouis ici par votre grâce. »
VISION 72 (LXXII)
Un jour, après une extase immobile, son confesseur lui ayant demandé si elle avait eu quelque vision, elle répondit : Lorsque vous m’avez donné la sainte hostie, je l’ai vue tout en flamme ; ensuite mon esprit ayant été élevé fort haut, j’ai entendu une voix harmonieuse qui me disait :
« Je suis le feu qui brule les âmes de ceux qui m’aiment sans les consumer ; je les amène dans ce lieu de repos, ou elles entendent un doux cantique ; elles voudraient y rester toujours, et ne plus descendre ; mais je ne les garde qu’autant qu’il me plait. Du reste, elles sont dans l’admiration des choses que je fais et des dons précieux que je leur accorde. »
Source : Vie de Sainte Françoise Romaine – Par M. l’Abbé BARBIER