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La prophétie d’Orval par Albert de Bec 1871

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Etude sur la prophétie d'Orval par Albert de Bec 1871

Il n’est aucune prophétie qui ait attiré l’attention de toute la France et dont la réputation soit mieux établie et plus populaire que celle d’Orval. Cela tient à l’extrême clarté de ses détails, et aussi à la précision merveilleuse avec laquelle elle s’est toujours accomplie. Il convient, par suite, de la choisir comme type dans ce travail et de l’étudier d’une façon plus particulière.

Avant d’aborder le texte, il est bon de dire quelque chose de son origine et de résumer les débats auxquels son authenticité a donné lieu; car s’il est vrai de dire que c’est elle qui a été la plus attaquée, sans doute à cause de sa haute valeur et parce qu’on pensait porter un coup mortel à toutes les autres prophéties si l’on parvenait à renverser celle-là, il faut avouer aussi qu’elle a été toujours victorieusement défendue.

Critique historique

L’abbaye d’Orval (Aurea Valls), de l’ordre de Cîteaux, est située au milieu de la forêt de Chiny, dans le grand-duché de Luxembourg, à 12 kilomètres de Montmédy (Meuse). Ce monastère, dit M. de Stenay dans l’Avenir dévoilé, était de la filiation de celui de Clairvaux par celui des Trois-Fontaines (Haute-Marne). Il fut fondé au commencement du XIIe siècle.

Pillé et incendié en 1793, il n’en reste plus que des ruines, mais encore si importantes que les touristes et les archéologues aiment à les visiter. M. Amédée Nicolas, dans une récente brochure, pour venger la prophétie des attaques de la Semaine liturgique de Marseille, a résumé en quelques paragraphes l’historique des débats qu’a occasionnés cette prédiction.

Elle fut publiée pour la première fois de nos jours, dit-il, le 20 juin 1839, par le Journal des villes et des campagnes, qui remplaça par des points le passage relatif à la chute du gouvernement de Juillet :

« Mais il n’était pas bien assis, et voilà que Dieu le jette bas. »

Le mois suivant, l’Invariable de Fribourg en

Suisse profita de son impression à l’étranger pour donner, dans son quatorzième volume, le même texte avec les mots omis dans le journal que je viens de citer. Le 16 janvier 1840 parut l’Oracle pour 1840, édité par un prêtre sous le pseudonyme de Henri Dujardin.

Ce petit livre, où se trouvait un mémoire de M. D***, curé de Belleville (Meuse), fournissait un texte un peu différent du premier, en ce que le futur était, presque partout, remplacé par le présent, que certains mots étaient substitués à d’autres, qu’au lieu de termes du milieu du XVIe siècle on en lisait de plus anciens, de surannés, et qu’il s’y trouvait de plus un alinéa entier ainsi conçu :

« Dieu est saoul d’avoir baillé des miséricordes; cependant il veut pour ses bons prolonger la paix pendant dix fois douze lunes.« 

L »Invariable reproduisit cette deuxième version en 1840, dans son quinzième volume, et plusieurs suppléments à l’Oracle furent publiés successivement par M. Dujardin.

De 1840 à 1848, on ne s’occupa de la prédiction que dans des cercles restreints et peu nombreux. Mais, à partir du 24 février, l’attention publique se reporta vivement sur elle ; chacun voulait la lire ou relire et la posséder. Ayant les deux textes imprimés dans l’Invariable, j’en laissai prendre, chez moi, environ 800 copies. D’autre part, ceux qui avaient en main l’Oracle, et qui savaient par là que le curé auteur du mémoire habitait dans le département de la Meuse, en écrivirent à Mgr l’évêque de Verdun, pour savoir ce qu’il fallait en penser.

C’est ainsi, comme sur la demande de M. Dujardin lui-même faite tardivement, bien après l’apparition de l’Oracle et de ses suppléments, que ce prélat fut amené à s’informer, à interroger M. l’abbé D***, et à écrire à ses confrères la lettre du 6 février 1849.

La conclusion de cette lettre, dite confidentielle, et qui néanmoins se trouvait quelques jours après dans tous les journaux, ne fut pas approuvée par tous les hauts personnages auxquels elle était adressée. Mgr l’archevêque de Bordeaux, ayant appris son insolite publication, la remit le 3 mars à un membre de son chapitre, M. le chanoine Timothée Lacombe, prêtre pieux, instruit, versé dans ces matières et aussi théologien, afin qu’il l’étudiât et la discutât.

M. Lacombe s’acquitta de la mission, et à la fin de l’année 1849, il adressa en réponse, à l’adresse de l’évêque de Verdun, quatre lettres formant un volume in-18 de 250 pages (la Prophétie d’Orval rendue à la publicité depuis l’an 1793 par des preuves matérielles, logiques et mathématiques appuyées par de nombreux témoignages contemporains déposés à la bibliothèque publique de Bordeaux).

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Ces lettres formèrent une réponse victorieuse au jugement mal défini de l’évêque. Celui-ci, par une méprise inconcevable, avait confondu les changements opérés par un faussaire, lequel avouait, dans son mémoire, avoir fait des altérations par substitution et des remplissages à une pièce qu’il disait être d’inspiration divine, avec le texte authentique de la prophétie elle-même, et avait enveloppé le tout, sans examen, dans une condamnation générale. Il résulte de l’ouvrage de M. Lacombe que si le nom de l’auteur de la prédiction nous est resté inconnu, il n’en est pas moins certain qu’elle émanait probablement d’un religieux de l’abbaye d’Orval, où elle était du reste religieusement conservée.

En second lieu, que son texte était en vieux langage et tel que nous le possédons encore. Plusieurs attestations respectables disent qu’elle avait été primitivement écrite en latin. Enfin M. Lacombe a réuni, en faveur de la prophétie, des masses de témoignages qu’on trouvera plus développés et augmentés dans la brochure de M. Amédée Nicolas, témoignages irrécusables qui prouvent qu’elle était connue dès 1793, selon le texte publié par le Journal des villes et des campagnes et par le quatorzième volume de l’Invariable, et qu’en conséquence l’auteur du mémoire avait bien pu publier des copies altérées, mais non inventer le texte primitif, que l’on possédait sept ans avant la naissance du faussaire.

Une fois les falsifications connues, il n’y avait rien de plus simple à faire que de les condamner pour restituer au texte primitif toute sa valeur.

Mais Mgr de Verdun s’est si peu occupé de la prophétie elle-même, que le mémoire lui révélant des altérations par substitution et des remplissages, il ne s’est pas enquis des termes primitifs, des blancs qui avaient existé ; qu’il ne s’est pas informé s’il y avait eu des additions; que le curé lui ayant dit avoir composé la prédiction, depuis l’Empire, avec des lambeaux d’anciennes prophéties empruntées à des recueils inconnus (pour le public et non pour lui), il n’a pas demandé le titre de ces recueils, la distinction de ce qu’on avait emprunté à chacun d’eux, et qu’il n’a pas même discuté l’argument puissant qui naissait en faveur des prévisions de leur accomplissement littéral et complet depuis le mois de février 1828 jusqu’au même mois de 1849, c’est-à-dire pendant vingt et un ans consécutifs.

Je mets en effet au défi d’avoir pu en février 1828 annoncer sans être prophète :

1° Les fameuses ordonnances du 16 juin.

2° Non seulement la chute de Charles X, qu’on aurait pu à la rigueur prévoir humainement.

3° Mais encore que celui qui lui succéderait serait un grand, qui ne prendrait pas le nom de roi de
France, mais de roi du peuple, ou roi des Français.

4° Que la couronne serait posée sur sa tête par mains d’ouvriers qui auront combattu dans Paris.

5° Que cette révolution de Juillet si funeste à l’Eglise aurait un retentissement général en Europe.

6° Qu’au bout de dix-huit ans de règne le roi du peuple serait jeté à bas.

7° Qu’aucun roi ne lui succéderait, mais que les fils de Brutus gouverneraient après lui jusqu’au moment où eux-mêmes seraient dévorés par les bêtes, etc.

S’il est impossible qu’aucun homme ait pu savoir humainement des choses si imprévues, il est certain que nous sommes en présence d’une prophétie véritable. Je citerai maintenant deux témoignages, tirés l’un de la brochure de M. Lacombe et l’autre de celle de M. Nicolas, pour les personnes qui, n’ayant pu se procurer ces ouvrages, désireraient avoir connaissance de quelques unes des attestations qui prouvent l’existence de la prophétie dès l’année 1793.

Témoignages de Mgr l’évêque de Saint-Claude, émigré, et de M. Girod, son vicaire général, recueillis par A. Lacordaire.

« Mes fonctions m’ont mis en rapport avec Mgr l’évêque de Saint-Claude, l’un des derniers témoins vivants de certains faits qui paraissent établir d’une manière incontestable l’origine de cette prophétie d’Orval, et j’ai pu recueillir de la bouche même de ce vénérable vieillard, dont l’esprit a conservé toute son activité, des détails que je suis heureux de vous communiquer, vous priant, monsieur, de recevoir mes sincères excuses du long silence que j’ai cru devoir garder.« 

C’est à l’abbaye d’Orval même, en 1793, que Mgr de Saint-Claude, alors en émigration, entendit pour la première fois parler de la prophétie, attribuée à un ancien moine de cette abbaye, et conservée, depuis plusieurs siècles, dans ses archives. Elle y fut lue devant lui et plus de quarante personnes étrangères au monastère, parmi lesquelles se trouvait un prêtre de ses amis fuyant, comme lui, la persécution.

Cet ami demanda au supérieur et obtint de lui la permission de copier la pièce. Elle contenait non seulement ce qui est relatif à la Révolution française, mais encore tous les événements antérieurs, et en remontant jusqu’au personnage inspiré à qui on doit ces prévisions. La lecture en était difficile; il fallait à chaque instant chercher le sens des mots surannés, rétablir en plusieurs places le texte à demi effacé et faire une sorte de traduction. A ces difficultés s’ajoutait celle plus grave encore de l’intelligence de prévisions aussi compliquées, très claires sans doute pour nous qui voyons les faits accomplis (du moins en grande partie), mais étranges, incroyables pour ceux qui ne les voyaient que dans les futurs contingents.

Aussi la nombreuse compagnie devant laquelle se faisait cette lecture n’y porta pas grand intérêt.

« Quel était ce personnage mystérieux, cet homme d’outre-mer à qui la Providence réservait un si prodigieux rôle? Des gens sérieux ne pouvaient, disait on, s’arrêter un instant devant une telle fantasmagorie… « 

Tous n’éprouvèrent pas ce sentiment. Les deux amis, jugeant de l’importance de ces prévisions pour l’avenir par ce qu’il s’en était ponctuellement réalisé pendant un si grand nombre d’années, y reconnurent l’esprit prophétique. L’un d’eux vit même, en 1796, que Bonaparte pouvait bien être l’homme de la Providence, celui qui devait dominer les fils de Brutus et abaisser les hauts.

Pressés par le temps, rebutés peut-être par la difficulté de la transcription, ils ne prirent que la partie des prévisions qui commence environ en 1796. Cette copie fut par eux emportée dans les pays où s’étendit l’émigration, puis communiquée à un grand nombre de personnes qui en prirent des copies plus ou moins fidèles, mais en général exactes quant aux faits principaux. Le texte, inséré dans l’Invariable à une époque récente (en 1840), a été communiqué au directeur de ce journal par la personne même qui se trouvait à l’abbaye d’Orval avec Mgr de Saint-Claude.

Quelque temps après, Mgr de Saint-Claude arriva à Vienne (Autriche) et eut entre les mains le fameux livre de Holzhauser. Il y vit, avec une profonde surprise,; que nombre de passages prophétiques coïncidaient avec la prophétie d’Orval, et présentaient la plupart des faits avec un développement plus grand que cette dernière. Il fit une traduction de ce livre en français, et fut aidé des conseils de huit évoques français, exilés comme lui et résidant à Vienne.

Cette traduction, communiquée à la cour impériale, s’y trouvait encore à l’époque de la prise de Vienne par les Français. Elle y fut lue par Napoléon, passa de main en main parmi les personnes de sa suite, puis disparut et ne put être recouvrée par son auteur.

« Je crois, monsieur, vous avoir fidèlement rapporté ce qu’a bien voulu raconter Mgr l’évêque de Saint-Claude en présence de M. Girod, vicaire général, qui, de son côté, a eu la bonté de me communiquer une copie de la prophétie d’Orval conservée depuis 1816 par M. le curé de la Rixouse, près Saint-Claude. J’ai comparé cette copie au texte que vous donnez dans la deuxième partie de votre ouvrage, sous la lettre B, et je n’y ai trouvé aucune différence. »
(A. Lacordaire, architecte diocésain de Besançon et de Saint-Claude, lettre datée de Savigny le 6 septembre 1849,)

II résulte des propres paroles de Mgr l’évêque de Saint-Claude que la copie faite sous ses yeux sur le manuscrit original par l’ami qui l’accompagnait alors en émigration, fut conservée par ce dernier, puis communiquée à un certain nombre de personnes qui purent à leur tour en prendre copie et répandre la prophétie tant en France que dans les divers lieux
où s’étendit l’émigration.

Texte vrai de la prédiction d’Orval, avec notes et développements.

En ce temps-là un jeune homme venu d’outre-mer (1) dans le pays du Celte-Gaulois (2) se manifestera par conseils de force (3); mais les grands qu’il ombragera (4) l’enverront guerroyer dans la terre de la captivité (5). La victoire (6) le ramènera au pays premier (7). Les fils de Brutus (8) moult stupides seront à son approche (9), car il les dominera (10), et prendra nom empereur (11).

Moult hauts et puissants rois seront en crainte vraie (12), et son aigle enlèvera moult sceptres et moult couronnes(13). Piétons et cavaliers portant aigle et sang, autant que moucherons dans les airs, courront avec lui dans toute l’Europe, qui sera moult ébahie et moult sanglante (14). Il sera tant fort que Dieu sera cru guerroyer d’avec lui (18). L’Eglise de Dieu moult désolée (16) se consolera tant peu, en voyant ouvrir encore les temples (17) à ses brebis tout plein égarées (18) ; et Dieu sera béni (19).

Mais c’est fait : les lunes seront passées (20) ; le vieillard de Sion (21) maltraité (22) criera a Dieu(23), et voilà que le puissant sera aveuglé (24) pour péchés et crimes (25). Il quittera la grande ville (26) avec une armée si belle que aucune fut jamais si pareille (27). Mais oncques guerroyer (28) ne tiendra bon devant la face du temps (29); la tierce part et encore la tierce part de son armée périra par le froid (30) du Seigneur (31) puissant.

Alors deux lustres (32) seront passés depuis le siècle de la désolation (33) ; les veuves et les orphelins crieront à Dieu (34), et voilà que les hauts abaissés reprendront force (35); ils s’uniront (36) pour abattre l’homme tant redouté. Voici venir avec maints guerroyers (37) le vieux sang des siècles (38), qui reprendra place et lieu en la grande ville (39).

Alors l’homme tant redouté s’en ira tout abaissé (40) dans le pays d’outre-mer d’où il était advenu (41) Dieu seul est grand (42) ! La lune onzième n’aura pas encore relui, et le fouet sanguinolent du Seigneur reviendra en la grande ville (43) ; le vieux sang quittera la grande ville (44). Dieu seul est grand ! Il aime (45) son peuple et a le sang en haine (46). La cinquième (47) lune reluira sur maints et maints (48) guerroyers d’Orient (49) ; la Gaule est couverte d’hommes et de machines de guerre (50). C’est fait de l’homme de mer (81) ; voici venir encore le vieux sang (52) de l’homme de la Cap (53).

Dieu veut la paix et que son saint nom soit béni (54). Or, paix grande sera dans le pays du Celte-Gaulois ; la fleur (55) blanche sera en honneur moult grand ; les maisons de Dieu ouïront moult saints cantiques(56). Mais les fils de Brutus, haïssant (57) la fleur blanche, obtiennent règlements puissants (88), dont Dieu est moult encore fâché (59), à cause des siens (60) ; le grand jour est encore profané (61). Ce pourtant Dieu veut éprouver le retour (62) par dix-huit fois douze
lunes (63).

Dieu seul est grand (64) ! Il purge son peuple par maintes tribulations (65); mais toujours les mauvais auront fin (66). En ce temps-là (67), une grande conspiration contre la fleur blanche (68) cheminera dans l’ombre par mains de compagnies (69) maudites, et le pauvre vieux sang quittera la grande ville (70), et moult grandiront les fils de Brutus (71). Les serviteurs de Dieu crieront tout plein à Dieu (72), mais Dieu pour ce jour-là sera sourd (73), parce qu’il retrempera ses flèches pour bientôt les mettre au sein des mauvais (74).

Malheur (75) au Celte-Gaulois! Le coq (76) effacera la fleur blanche (77), et un grand (78) s’appellera roi du peuple (79). Grande commotion se fer sentir chez les gens (80), parce que la couronne sera placée parmains d’ouvriers qui auront guerroyé dans la grande ville (81). Dieu seul est grand (82)! Le règne des méchants sera vu croître (83), mais qu’ils se hâtent (84) ! Voilà que les pensées du Celte-Gaulois se choquent, et que grande division est dans leur entendement (85). Le roi du peuple assis sera vu en abord moult faible (86), et pourtant contre ira bien des méchants (87).

Mais il n’était pas bien assis (88), et voilà que Dieu le jette bas (89). Hurlez, fils de Brutus(90), appelez par vos cris (91) les bêtes (92) qui vont vous manger (92 bis). Dieu grand ! quel bruit d’armes (93) ! Il n’y a pas encore un nombre plein de lunes(94), et voici venir maints guerroyer (95).

C’est fait (96) : la montagne (97) de Dieu désolée (98) a crié à Dieu (99); les fils de Juda (100) ont crié à Dieu de la terre étrangère(101), et voilà que Dieu n’est plus sourd (102). Quel feu va avec ses flèches (103)! Dix fois six lunes et pas encore dix fois six lunes ont nourri sa colère (104). Malheur à toi, grande ville (105) ! voici dix rois (106) armés par le
Seigneur, mais déjà le feu (107) t’a égalée à la terre. Pourtant tes justes (108) ne périront pas; Dieu les a écoutés.

La place du crime (109) est purgée par le feu; le grand ruisseau (110) a conduit ses eaux rouges de sang (111) ; la Gaule, vue comme délabrée (112), va se rejoindre (113) Dieu aime la paix (114). Venez, jeune prince (115), quittez l’île de la captivité (116); joignez le lion (117) à la fleur blanche (118). Ce qui est prévu, Dieu le veut (119). Le vieux sang des siècles (120) terminera encore de longues divisions (121). Lors un seul (122) pasteur (123) sera vu dans la Celte-Gaule ; l’homme puissant par Dieu (124) s’assiéra bien (125).

Moult sages règlements (126) appelleront la paix ; Dieu sera cru guerroyer (127) avec lui, tant prudent et sage sera le rejeton de la Cap (128). Grâce au Père de la miséricorde (129) ! la sainte Sion rechante (130) dans les temples un seul Dieu grand. Moult brebis égarées s’en viendront boire au ruisseau vif (131); trois princes et rois mettront bas le manteau de l’erreur et verront clair en la foi de Dieu (132); un grand peuple de la mer reprendra vraie croyance en deux tierces (133) parts.

Dieu est encore béni pendant quatorze fois six lunes et six fois treize lunes (134). Dieu seul est grand ! Les biens sont faits, les saints vont souffrir. L’homme du mal arrive de deux sangs (135) ; il prend croissance. La fleur Manche s’obscurcit (136) pendant dix fois six lunes et vingt-six fois vingt lunes, et disparaît (137) pour ne plus paraître. Moult mal, peu de bien seront en ce temps-là; moult grandes villes périront, Israël reviendra à Dieu Christ tout de bon (138); sectes maudites et fidèles seront en deux parties bien marquées, C’est fait, Dieu seul sera cru, et la tierce part de la Gaule et encore la tierce part et demie n’aura plus de croyance (139), comme aussi les autres gens (140). Et voilà déjà six fois trois lunes et quatre fois cinq lunes qui sont séparées, et le siècle de fin a commencé après le nombre non fait de ces lunes.

Dieu combat par ses deux justes (141), et l’homme de mal a le dessus (141 bis). Mais c’est fait : le haut Dieu met un mur de feu qui obscurcit mon entendement, et je n’y vois plus. Qu’il soit béni à jamais!

Amen. Ainsi soit-il.


(1) Napoléon Bonaparte, 2e fils de Charles Bonaparte et de Letizia Ramolino, né à Ajaccio le 13 août 1769, entré à l’école de Brienne en 1779, d’où en 1784 il passa à l’école militaire de Paris, fut nommé sous-lieutenant d’artillerie dès 1785, à l’âge de seize ans, et passa capitaine en 1793 pour avoir canonné les Marseillais fédéralistes.

(2) La France est appelée le pays du Celte-Gaulois parce que les Celtes (Celtoe), peuple issu de la race indo-germanique, après s’être répandus de l’est à l’ouest dans la partie centrale de l’Europe, se fixèrent en grandes masses dans les Gaules, et y formèrent des établissements qui conservèrent leur nom. Selon plusieurs auteurs, le nom de Gall ou Gaël (Gallus) est synonyme de Celte demeurant dans les Gaules; selon d’autres, il désigne la population indigène primitive, avec laquelle les Celtes, qui ne seraient autre chose que les Kymris, partagèrent le pays. Quoi qu’il en soit, ce sont les Gallo-Celtes qui formèrent la population primitive de la France actuelle.

(3) Le prophète ne pouvait désigner par une expression plus heureuse la prudence consommée et la force que manifesta Bonaparte dès les premiers jours. Nommé colonel en 1793 au siège de Toulon, il eut une part essentielle à la prise de cette ville sur les Anglais, et en fut récompensé par le grade de général de brigade. Choisi pour second par Barras durant l’insurrection parisienne du 13 vendémiaire (5 octobre 1795) contre la Convention, il mitrailla les insurgés devant Saint-Roch, leur tua 1,200 hommes, et obtint en récompense le grade de général de division. L’année suivante, il reçut le commandement en chef de l’armée d’Italie, alors battue, désorganisée et sans argent, et en un an il mit en pleine déroute et détruisit cinq armées, chacune plus forte que la sienne.

(4) Des succès aussi rapides et aussi glorieux, l’enthousiasme populaire pour le jeune général, et l’affection de l’armée qu’il savait électriser, effrayèrent bientôt le Directoire, qui résolut d’écarter un homme qui lui portait ombrage, et pouvait d’un jour à l’autre prétendre à s’emparer du pouvoir à son profit.

(5) Aussi, le 19 mai 1798, Bonaparte s’embarquait à Toulon avec une flotte de quatre cents voiles. On l’avait chargé de diriger en Egypte (terre de la captivité des Hébreux) une expédition qui coloniserait ce pays une fois conquis, et serait un point d’appui pour attaquer les Anglais dans l’Inde. Le Directoire pensait par ce moyen se débarrasser de Bonaparte pour longtemps.

(6) Il prit Alexandrie, gagna la bataille des Pyramides, et soumit tout le pays.

(7) Il s’embarqua pour la France le 22 août 1799, traversa malgré les vaisseaux anglais, la Méditerranée sans encombre dans toute sa longueur, débarqua sur les côtes de Provence à l’improviste, et arriva droit à Paris sans avoir subi de quarantaine.

(8) Les fils de Brutus. Ce n’est pas sans raison que le prophète appelle de ce nom les républicains. De tout temps Brutus, à cause de l’assassinat de César, a passé pour le type accompli du républicain démocrate. Du reste, cette expression offre un tel caractère de justesse, que Lamartine lui-même s’en est servi précisément pour le fait qui nous occupe. Il dit en effet en parlant de l’arrivée au pouvoir de Bonaparte : D’un peuple de Brutus la gloire te fit roi! (Médit.)

(9) Le Directoire était désorganisé ; il était tombé dans le discrédit, et les factions n’avaient aucun chef capable. La république déjà languissante touchait à sa dernière heure, et tout le monde sentait que la Révolution française devait, suivant le sort attaché à toutes les révolutions démocratiques, finir par le despotisme militaire et tomber entre les mains d’un général plus adroit, ou plus audacieux, ou plus heureux que les autres. Bonaparte, rappelé en France par une faction déjà puissante et soutenu par l’éclat de ses victoires, résolut de tenter la fortune; aussi ce ne fut pas sans un sinistre pressentiment que les purs républicains le virent arriver à Paris.

(10) Bonaparte devint bientôt le centre d’un parti puissant. Aidé de Sieyes, de son frère Lucien, du général Leclerc, il renversa le Directoire à la fameuse journée du 18 brumaire an VIII (9 novembre 1799), se fit nommer premier consul pour dix ans, et se donna pour collègues deux hommes prêts à le seconder, Cambacérès et Lebrun.

(11) Le sénat, qui l’avait nommé consul à vie en 1802, le proclama empereur en 1804 le 18 mai ; et il fut sacré en cette qualité, sous le nom de Napoléon, par le pape Pie V, venu à Paris exprès pour cette cérémonie (2 décembre).

(12) Les puissances de l’Europe, victorieuses de la France durant les derniers jours du Directoire, ne virent pas dans le nouvel ordre de choses une raison de poser les armes. Elles redoublèrent leurs efforts et parvinrent à chasser les Français d’Italie. Mais Bonaparte rétablit la fortune des armes françaises, détruisit les armées autrichiennes, et conclut un traité avec cette puissance en 1801, et l’année suivante avec l’Angleterre aux abois. L’Italie était conquise.

(13) A peine nommé empereur, que l’année suivante il se fit proclamer roi d’Italie. Par la paix de Presbourg, qui mit fin aux hostilités contre l’Angleterre, l’Autriche, la Russie et les Deux-Siciles, il ajouta au royaume d’Italie les Etats de Venise, créa en faveur de ses alliés les royaumes de Wurtemberg et de Bavière. Le roi des Deux-Siciles Ferdinand IV, dépouillé du royaume de Naples (1806), céda la place à Joseph Bonaparte. Louis Bonaparte devint roi de Hollande. La Confédération du Rhin prit naissance; quatorze princes y accédèrent, l’empire d’Allemagne cessa, et Napoléon, sous le titre de protecteur, fut officiellement reconnu président perpétuel de cette agglomération de princes, qui tous devaient prendre part à ses guerres et l’appeler à leur secours en cas d’attaque. En vertu de la paix de Tilsitt signée par Alexandre et Napoléon, celui-ci dépouilla la monarchie prussienne de la moitié de ses provinces, donna à Jérôme Bonaparte le royaume de Westphalie, changea la Saxe en royaume, et de la Prusse polonaise fit le grand-duché de Varsovie. Des articles secrets autorisaient la Russie à s’emparer de la Finlande, ce qu’elle mit à exécution en 1809, et la France à s’adjuger l’Espagne, dont Napoléon donna la couronne à son frère Joseph en En 1807, la Toscane fut réunie à l’empire et le Portugal envahi. Enfin, après la bataille de Wagram, Napoléon prit à la monarchie autrichienne les provinces illyriennes.

(14) Qui pourra dépeindre la consternation de l’Europe à la vue des maux sans nombre qu’entraînaient des guerres si effroyables, alors que Bonaparte versait sans relâche par torrents le sang humain sur tous les champs de bataille de l’Europe? La guerre d’Espagne seule devora en cinq ans (1808-1813) 400,000 soldats français, allemands, italiens et polonais, sans compter les Espagnols qui succombèrent dans les combats contre les envahisseurs!…

(15) Il semble que l’on entende les paroles que le Seigneur disait à Isaïe : «…Ma vengeance est entre mes mains. Je l’enverrai contre une nation perfide, contre le peuple de ma colère. Qu’il s’enrichisse de ses dépouilles, qu’il le mette au pillage, qu’il le foule aux pieds comme la boue !… Son coeur ne respirera que le ravage et la ruine des nations. Il dira : « Les grands de ma maison ne sont-ils pas autant de rois?… J’ai réuni sous ma puissance tous les peuples « de la terre comme on rassemble des oeufs abandonnés. »

(16) Depuis 1792, l’anarchie régnait dans l’Eglise de France, qui était en proie aux conventionnels et aux intrus.

(17) Concordat avec Pie VII en 1801. La joie de l’Eglise n’est pas pleine.  » Elle se consolera tant peu, » dit le prophète. En effet, les articles organiques insidieusement ajoutés au Corcordat par Bonaparte, et contre lesquels protesta vainement Pie VII, n’étaient pas de nature à faire bien augurer des sentiments religieux de l’empereur. Aussi des jours mauvais ne tardèrent-ils pas à s’élever pour l’Église.

(18) Dans quel état se trouvait la religion en France après une révolution aussi inouïe et une persécution qui avait obligé la plupart des prêtres à s’exiler, et avait forcé durant plusieurs années à ne plus offrir le saint sacrifice que dans les caves, en présence de témoins rares et choisis!…

(19) L’Eglise de France une fois réorganisée et ayant désormais une existence légale, Dieu sera béni dans les temples rendus au culte et dans le coeur des fidèles, qui remercieront le Seigneur de ce bienfait.

(20) Mais le temps de prospérité pour l’Eglise ne sera pas de longue durée.

(21) C’est à juste titre que le Pape est appelé le vieillard de Sion. En effet, les Souverains Pontifes sont presque toujours des vieillards, et Pie VII, dont il s’agit ici, avait soixante ans lorsqu’il monta sur le trône de Pierre. Et puis tous les prêtres sont appelés vieillards (itplaëuç, dont on a fait prêtre, veut dire ancien, vieillard), et le Souverain Pontife possédant la plénitude du sacerdoce est le vieillard ou prêtre par excellence. L’Eglise est la nouvelle Sion; elle a remplacé la Synagogue infidèle.

(22) En 1805, six mois après que le Pape eut quitté la France, les troupes de Napoléon s’étaient emparées de la ville d’Ancône, et se rendirent aussi maîtresses des principautés de Bénévent et de Ponte-Corvo appartenant aux Etats de l’Eglise. Le 2 février 1808, l’armée française entra à Rome sous les ordres du général Miollis, le collège des cardinaux fut dispersé, et le 17 mai 1809 un décret impérial soumit les Etats-Romains au gouvernement français : la spoliation était consommée. Le 6 juillet de la même année, une heure avant l’aurore, les troupes s’emparèrent de toutes les issues du Quirinal; un attroupement composé de repris de justice et de la lie des faubourgs donna l’assaut aux murailles de l’édifice. Les portes furent enfoncées à coups de hache, et les soldats de Miollis, ayant à leur tête le général Radel, pénétrèrent dans les appartement. Sur le refus du Pape de consentir à la renonciation de ses droits sur les Etats de l’Eglise, on le fit monter à la porte du palais avec le cardinal Pacca dans une voiture qu’un gendarme ferma à clef, et on partit pour la France. Les marches furent tellement précipitées et forcées, que la voiture se brisa en chemin, et que le Pape, au milieu des infirmités de son âge, eut énormément à souffrir des chaleurs de la saison la plus brûlante. Le Souverain Pontife et son ministre n’emportèrent qu’environ quarante sous. A .Turin Pie VII se trouva mal. Amené d’abord à Grenoble, où on le sépara du cardinal dévoué qui le consolait dans l’exil, il fut ensuite conduit à Savone.

(23) Pie VII, dans l’excès de ses douleurs, n’eut de refuge qu’en Dieu, mais ce ne fut point en vain qu’il cria vers lui. Le 9 juin 1812, il reçut l’ordre de se préparer pour rentrer en France; il fut contraint par ses persécuteurs de changer d’habits, afin qu’on ne pût le reconnaître en route et que les populations ne changeassent point son voyage en triomphe. On avait perfectionné la manière de le tourmenter. On le fit partir dans la matinée du 10. Après un pénible voyage, sans aucun repos, il arriva à l’hospice du mont Cenis pendant la nuit. Il y tomba si dangereusement malade, que les officiers qui l’escortaient crurent devoir transmettre cette nouvelle au gouvernement de Turin. Ordre leur fut enjoint de poursuivre la route. En conséquence, quoique le Pape vînt de recevoir l’Extrême-Onction dans la matinée du 14, la nuit suivante on lui fit continuer son voyage. Le Pontife survécut à tant d’outrages et de barbarie. On marchait jour et nuit. Le 20 juin au matin, on arriva à Fontainebleau. Pendant tout ce trajet, il ne sortit pas de voiture, et quand il devait prendre quelque nourriture, on la lui portait dans le carrosse, qu’on fermait à clef dans les remises de la poste des villes les moins peuplées. Lorsque Pie VII arriva à Fontainebleau, le concierge ne put l’admettre parce qu’il n’en avait pas encore reçu l’ordre du ministère de Paris, et on conduisit le Pape dans une maison voisine. Napoléon se proposait, en le rapprochant de Paris, de l’entourer de personnes qui, à force d’instances et de sollicitations, l’engageassent à consentir à toutes ses propositions.

(24) Le 24 juin, Napoléon passa le Niémen; il s’avança de là dans la Lithuanie, et Wilna devint le poste d’où il s’élança dans le coeur de la Russie. Uniquement occupé à chercher l’armée russe qui fuyait devant lui, il s’enfonça dans le pays ennemi, sans souci des moyens d’assurer le retour et le salut de ses troupes. Déjà toute la Pologne était entre les Français et leurs magasins ; souvent ils se trouvaient réduits à des racines et à l’eau des marais qu’ils rencontraient. On passa la Dwina, puis le Dnieper, mais les Russes incendièrent la ville de Smolensk, et les vainqueurs ne possédèrent que des ruines (18 août). On s’était flatté que Napoléon, déjà à six cents lieues de la France, se bornerait à ces conquêtes, et attendrait le printemps pour s’engager dans des climats sauvages où la disette et l’hiver ne pourraient tarder à devenir ses plus cruels ennemis. Mais il passa outre, et s’aventura, sans magasins, sans vivres, sans hôpitaux, sur une route déserte… Dieu avait entendu la plainte de son Vicaire et de son Eglise; il allait briser la verge dont il avait flagellé le monde.

(25) Outre les crimes qui signalèrent les derniers jours du Consulat, à savoir : la mort de Pichegru, étranglé en prison par la main du bourreau, et l’exil de Moreau, deux rivaux qui lui paraissaient redoutables, et surtout l’assassinat du duc d’Enghien, arrêté en Allemagne contre le droit des gens, ramené en France et fusillé dans les fossés de Vincennes, il faut signaler les guerres injustes et surtout celle d’Espagne, la spoliation des biens de l’Eglise, les horribles traitements infligés à Pie VII, l’intrusion dans le domaine spirituel et la persécution des ministres de l’Eglise, le divorce et l’adultère.

(26) La grande ville, c’est la capitale de l’empire, Paris. Départ de Napoléon pour la campagne de Russie le 9 mars 1812.

(27) Napoléon quitta la France à la tête de 450,000 hommes, la plus belle armée qui ait jamais existé. En même temps il réunit, de gré ou de force, sous ses drapeaux les troupes de toutes les puissances d’Allemagne, du Württemberg, de la Westphalie, de la Bavière, de la Saxe, de la Prusse, de l’Autriche elle-même, et bientôt il se trouva prêt à entrer en Russie, traînant à sa suite 780,000 hommes, 176,000 chevaux et 1,200 pièces de canon.

(28) Oncques guerroyer, aucun guerrier.

(29) Au fléau de la famine vint s’ajouter, le 6 novembre, celui d’un froid d’une excessive rigueur, et la neige commença à tomber sur la terre à gros flocons. Les soldats, enveloppés dans des tourbillons de neige, mal chaussés, à demi nus, sans nourriture et sans boisson, tombaient sur la terre, et le soir, accablés de fatigue, se couchaient pour ne plus se relever. On ne les distinguait bientôt plus qu’aux monceaux de neige qui recouvraient leurs cadavres, et qui, sur toute la route, formaient des ondulations semblables à celles des cimetières.

(30) A Smolensk, on ne trouva que des ruines et point de pain ; il fallut camper dans les rues par un froid de -22 degrés. Bientôt après le thermomètre descendit à -26 degrés. Enfin au passage de la Bérésina périt presque tout ce qui restait d’une si formidable armée.

(31) Bonaparte, écrivant au vice-roi d’Italie une lettre où il se plaignait amèrement du Pape, avait tracé ces lignes : « Que peut faire Pie VII en me dénonçant à la chrétienté? Mettre mon trône en interdit, m’excommunier? Pense-t-on alors que les armes tomberont des mains de mes soldats ? » Il ne comptait pas avec les fléaux de Dieu : Nix, glacies, spiritus procellarum, quoe faciunt verbum ejus (Ps. 148) ; il ne pensait pas que la neige, les glaces, le feu et les tempêtes obéissent à sa voix. Or, à quelque temps de là, voilà que « tout, jusqu’à leurs armes-, encore offensives à Malo Jarolasvitz, mais depuis seulement défensives, se tourna contre eux-mêmes ; elles parurent à leurs bras engourdis un poids insupportable. Dans les chutes fréquentes qu’ils faisaient, elles s’échappaient de leurs mains, elles se brisaient ou se perdaient dans la neige. S’ils se relevaient, c’était sans elles ; car ils ne les jetèrent point, la faim et le froid les leur arrachèrent. » (Ségur, liv. IX, ch. XI.) Ainsi le Seigneur puissant s’était chargé de combattre pour son ministre faible et désarmé.

(32) Dix ans.

(33) Le prophète, après avoir décrit les désastres de la grande armée, en arrive immédiatement à désigner les événements de 1814 comme étant leur conséquence et leur conclusion. Il fait en effet durer le siècle de désolation jusqu’en 1804, époque de la proclamation de l’Empire, considérant la période qui suivit le 18 brumaire comme une des phases du mouvement révolutionnaire qui depuis 1789 avait revêtu des formes si différentes, parce que les fils de Brutus étaient censés conserver le pouvoir sous le Consulat, Et, du reste, il n’est pas moins certain que ce fut pour monter sur le trône que Bonaparte dut alors donner comme gage à la Révolution, c’est-à-dire aux jacobins et aux régicides, le sang du petit-fils du grand Condé. Deux lustres, ou dix ans, ajoutés à 1804, donnent 1814.

(34) Le prophète reprend le détail des événements qui ont amené directement les événements de 1814. Dieu se laisse toucher par les cris des veuves et des orphelins, qui demandent au ciel vengeance contre tant de sang injustement répandu.

(35) En conséquence, il permet que les puissances de l’Europe, jusque là abaissées sous le sceptre de fer de Bonaparte, reprennent leur force contre lui. Wellington, à la tête des troupes anglaises, espagnoles et portugaises, chasse, en Espagne, les Français devant lui, et détruit l’armée de Joseph à la bataille de’ Vittoria (1813).

(36) Toutes les puissances de l’Europe, y compris l’Autriche., malgré les liens qui l’attachent à Bonaparte, se coalisent contre lui. Bernadotte entre dans la ligue européenne, et conduit contre sa patrie un corps de 25,000 Suédois.

(37) Battu à Leipsick par les alliés, Napoléon rentre à Paris le 9 novembre 1813. Pendant que leur armée se disposait à passer le Rhin, Wellington au midi, vainqueur des Français, entamait le territoire national le 10 novembre. L’année 1813 n’était pas expirée que plus de 400,000 étrangers armés foulaient le sol de la France, qui fut partout envahi.

(38) Ce n’est pas sans raison que le descendant des Bourbons, Louis XVIII, est appelé le vieux sang des siècles; car depuis Hugues Capet, chef de la troisième race de nos rois, la couronne de France avait toujours été portée, durant une période de huit siècles, par les petits-fils de ce roi. Le 30 mars 1814 Paris capitulait, et le 31 Alexandre et Guillaume y faisaient leur entrée solennelle au milieu d’une foule de princes et de généraux, suivis de 30,000 hommes.

(39) Le 1er avril, la municipalité de Paris renonça, par un acte solennel, à l’obéissance à Napoléon, et redemanda Louis XVIII. Le lendemain, le sénat fit la même renonciation; une députation alla chercher le roi en Angleterre. Ce fut le 25 avril qu’il quitta Douvres et mit à la voile. Le 3 mai, il fit son entrée à Paris, dans une calèche découverte, avec les princes du sang. Les généraux, les seigneurs, les magistrats, tous les grands personnages de l’Etat formaient le cortége. Les spectateurs étaient de toutes les nations de l’Europe, qui, mêlés et confondus parmi des millions de Français, partageaient leur ivresse, et semblaient ne plus former avec eux en ce moment qu’un même peuple.

(40) Rien ne saurait égaler l’abaissement profond dans lequel tomba tout à coup Bonaparte. L’histoire nous a conservé des détails qui montrent mieux que par les paroles combien son humiliation fut grande lorsqu’il traversa la France pour se rendre à l’île d’Elbe; nous en citerons quelques uns, extraits de l’Histoire de la Restauration et des Terribles Châtiments des révolutionnaires. Le 20 avril, Napoléon quitta Fontainebleau avec les quatre commissaires désignés par les puissances coalisées pour l’accompagner jusqu’au port de l’embarquement. Le 24, à midi, on rencontra, près de Valence, le maréchal Augereau. Napoléon et le maréchal descendirent de voiture et allèrent au devant l’un de l’autre. Ils s’embrassèrent; mais tandis que le premier ôta son chapeau, le second resta tête couverte. Ce qu’il respectait dans son ancien souverain, c’était la puissance et non un droit ; cette puissance tombée, il se retrouvait de niveau avec lui, et, reprenant la fierté républicaine, il tutoya l’empereur, qui l’avait tutoyé en lui reprochant sa proclamation injurieuse contre lui, et lui rendit reproche pour reproche en lui rappelant l’ambition insatiable à laquelle il avait sacrifié la France. Napoléon ennuyé se retourna brusquement de son côté, l’embrassa encore, le salua et se jeta dans la voiture. Augereau, les mains derrière le dos, le laissa partir, sans même porter la main à sa casquette de voyage; et lorsque l’empereur fut monté en voiture, il lui fit pour tout adieu un geste équivoque. Depuis Orange, où le cortège passa, il fut accueilli par les cris de Vive le roi! auxquels se mêlaient des imprécations contre l’empereur déchu. A Orgon, on éleva une potence avec un mannequin tout couvert de sang devant l’auberge où les voitures devaient relayer. Les mères, les orphelins et les veuves lui redemandaient leurs maris, leurs pères et leurs enfants. Le comte Schouwaloff, pour sauver la vie de Napoléon, dut haranguer la multitude en furie ; il lui représenta « le profond abaissement de celui qu’elle voulait punir, » ajoutant que a le mépris était la seule arme qu’on dût employer contre un homme qui avait cessé d’être dangereux. » La relation Waldbourg ajoute : « L’empereur se cachait derrière le général Bertrand le plus qu’il pouvait ; il était pâle, défait, et ne disait mot. Il fit des signes d’approbation à Schouwaloff, et le remercia du service qu’il lui avait rendu en apaisant le peuple. A un quart de lieue d’Orgon, Napoléon crut nécessaire à sa sûreté de prendre un déguisement; il se revêtit d’une mauvaise redingote bleue, se couvrit la tête d’un chapeau rond avec une cocarde blanche, et monta sur un cheval de poste pour galoper devant la voiture en se faisant passer pour un courrier. Toute sa suite, depuis le général jusqu’au marmiton, dit la relation, était couverte de cocardes blanches. Puis il eut l’idée de revêtir l’uniforme autrichien du général Kolher, et, pour dérouter les soupçons, il sollicita de ses compagnons des marques de familiarité; il demanda au cocher du général Kolher de fumer, et au général de chanter ou de siffler dans la voiture. C’est ainsi qu’il arriva à Saint-Maximin, jouant toujours le rôle de général autrichien, tandis que l’aide-de-camp du général Schouwaloff, le major Olewieff, prenait sa place dans la voiture, et jouait, à sa prière, celui d’empereur. »

(41) Napoléon était sorti d’un pays d’outre-mer, et il était condamné à retourner dans un pays d’outre-mer. Il avait abdiqué à Fontainebleau le 4 avril, et reçu, en échange du grand empire qu’il perdait, la propriété de la petite île d’Elbe, dans la Méditerranée.

(42) Après avoir raconté la chute ignominieuse de Napoléon et la restauration de l’ordre en France, le prophète ne peut retenir cette exclamation : Dieu seul est grand! en présence des maux que les Cent Jours vont de nouveau accumuler en France. C’est que l’homme, en effet, peut bien connaître quelques unes des raisons qui portent la Providence à permettre ces malheurs; et ce sont surtout, sans aucun doute, le manque d’actions de grâces pour la délivrance du joug de Bonaparte et l’impiété des hommes qui l’ont alors emporté dans la balance de la justice divine. Mais après cela nous sommes obligés de dire encore :  » Que ses jugements sont impénétrables et ses voies incompréhensibles !  » (Saint Paul aux Romains, chap. XI.)

(43) Napoléon était parti pour l’île d’Elbe le 20 avril 1814 ; la lune onzième n’aura pas encore relui, c’est-à-dire qu’il n’y avait pas encore onze mois complets depuis son départ lorsque le fouet sanglant du Seigneur rentra en France. Napoléon quitta l’île d’Elbe le 26 février 1815, et se dirigea vers Cannes. Le prophète suppute par mois lunaires; ils ont une durée d’environ vingt-neuf jours et demi.

(44) Louis XVIII, trahi par les uns, abandonné par les autres, se vit contraint de quitter Paris et de prendre le chemin de la Flandre. Le lendemain 20 mars, Napoléon se présenta le soir aux portes de la capitale et y entra aux acclamations de ses partisans.

(45) Si Dieu n’avait pas aimé son peuple, il l’aurait livré sans merci à la verge de l’oppresseur. Mais cette verge devait châtier son enfant rebelle et ne point le frapper jusqu’à lui donner la mort.

(46) Puisque Dieu a le sang en haine et ne frappe que pour convertir, comment concevoir ces historiens qui exaltent les conquérants qui passent comme l’ouragan, ne laissant que des débris, jusqu’à les placer au rang des demi-dieux? Quand Brennus, dit le P. Lacordaire, jetait son « épée dans la balance au pied du Capitole, alors la force pesait dans les destinées du monde. Mais depuis que le sang de Jésus-Christ est tombé dans cette balance, rien ne peut plus en contrebalancer le poids; et quand le dernier des Césars voulut, il y a quelques années, y jeter son épée, il la retira brisée et en tronçons.« 

(47) Napoléon quitta l’île d’Elbe le 26 février et débarqua en France le 1er mars. Le 18 juin, il était battu à Waterloo, et, le 6 juillet, les alliés rentraient dans Paris. La supputation du prophète se trouve donc réalisée.

(48) A peine Napoléon avait-il remis le pied en France que la coalition se reforma contre lui.

(49) Les Autrichiens, les Prussiens et les Russes, formant les trois quarts des alliés, sont situés à l’orient de la France.

(50) Wellington entra brusquement en France à la suite des débris de l’armée fugitive. Le 6 juillet, les alliés firent leur entrée à Paris:

(51) Napoléon, venu du pays d’outre-mer, croyant à la magnanimité des Anglais, se confia à eux le 13 juillet à Rochefort sur le Bellérophon. Il comptait que l’Angleterre lui accorderait l’hospitalité; mais le cabinet anglais le déclara prisonnier de la coalition, et fut chargé par les alliés de le garder à Sainte-Hélène, située au milieu de l’Océan Atlantique. (Homme de mer.)

(52-53) Louis XVIII rentra à Paris le 5 juillet. Il est appelé homme de la Cap, comme descendant de Hugues Capet.

(54) C’est pour le bonheur de la France que la paix lui est rendue avec son roi légitime. La Restauration avait une grande mission à remplir : non seulement elle devait unir et pacifier, mais encore rétablir la religion, travailler à la conversion de la France et au salut des âmes. La suite nous montrera que c’est pour avoir failli à leur mission que les Bourbons perdirent la couronne.

(55) La fleur de lys est l’armoirie des rois de France, et par suite le symbole de leur royauté.

(56) La joie renaît dans la maison du Seigneur. En effet, en 1814 et en 1815, on publie une loi sur l’observation du dimanche et des fêtes ; puis les processions de la Fête-Dieu, interrompues en beaucoup d’endroits, et notamment à Paris, sont rétablies; les congrégations religieuses se reforment; les Jésuites rentrent en France; les missions, abolies par un décret de Napoléon en 1809, sont reconstituées, et de zélés missionnaires parcourent le pays, recueillant partout des fruits abondants de leurs travaux; enfin, en 1822, le concordat signé le 11 juin 1817 entre le roi et Pie VII finit par être en partie adopté par la Chambre, et le Pape statue qu’il y aurait dans le royaume quatorze archevêchés et soixante-dix évêchés.

(57) C’est un enseignement utile que de voir la Révolution poursuivre d’une égale haine les deux autorités légitimes qui gouvernent ce monde au nom de l’autorité même de Dieu : le Pape et le roi. Le parti révolutionnaire, vaincu mais non découragé, méditait dans l’ombre le moyen de renverser le gouvernement et d’arrêter l’essor du bien pour replonger la France dans de nouveaux malheurs; il s’unit en conséquence au libéralisme et fit cause commune avec lui. L’opposition dynastique, fortifiée et encouragée par les faiblesses du pouvoir, devenait toujours plus menaçante. Ce dernier tolérait une foule de publications impies et incendiaires, et les excès de la presse libérale et irréligieuse, qui corrompait de plus en plus l’opinion publique; ce devait être sa perte.

(58) En 1815, Talleyrand, parlant à Louis XVIII des moyens à employer pour pacifier les esprits et consolider le trône, donna ce conseil au roi : « Sire, Votre Majesté espère se maintenir aux Tuileries; il importe donc de prendre des précautions. Une sage et forte éducation peut seule préparer les générations nouvelles à ce calme intérieur dont chacun proclame le besoin. Le remède le plus efficace pour y arriver sans secousse, c’est la reconstitution légale de la Compagnie de Jésus. Non seulement ce conseil ne fut pas suivi, mais bientôt les Jésuites, rentrés en France par le bénéfice du droit commun octroyé par la Charte, étant les ennemis les plus redoutables de l’esprit révolutionnaire, devinrent l’objet des attaques les plus furieuses des vétérans de 93. L’orage allait toujours grossissant, lorsqu’en 1828 l’opposition obtint la majorité dans la Chambre. Alors elle arrêta la marche du gouvernement et lui imposa ses conditions. Le ministère Villèle se retira, refusant de s’y soumettre. Celui qui le remplaça, le ministère de Martignac, Portalis et Feutrier, fut obligé de les accepter. Les conditions imposées au gouvernement par l’opposition et le libéralisme constituent les deux fameuses ordonnances du 16 juin 1828, lancées contre les Jésuites et contre les séminaires. La première, contresignée par le comte Portalis, ministre de la justice, statuait qu’à partir du 1er octobre, les huit maisons d’éducation dirigées par les Jésuites seraient soumises au régime de l’Université, et que dorénavant nul ne pourrait enseigner, s’il n’affirmait par écrit n’appartenir à aucune congrégation non légalement établie en France. La seconde, contresignée par M. Feutrier, évêque de Beauvais, ministre des affaires ecclésiastiques, portait que le nombre des séminaires serait limité dans chaque diocèse, que celui de tous les élèves ne dépasserait jamais vingt mille, qu’aucun externe n’y serait admis, et que chaque élève serait tenu de porter l’habit ecclésiastique.

(59) Jamais, même durant les plus mauvais jours de la persécution de l’Eglise sous les empereurs païens de Rome antique, une ordonnance aussi contraire au droit naturel et divin n’avait été portée.

(60) L’Université a été le moyen le plus affreusement satanique employé par l’enfer pour déchristianiser et anéantir la France. Qu’on juge de ses effets démoralisateurs sur les intelligences par ces quelques extraits d’un rapport adressé à Mgr l’archevêque de *** par les aumôniers des colléges royaux de ***, rapport fait peu après 1830 et publié dans l’Invariable par un des signataires. Les aumôniers déclarent tout d’abord à l’archevêque qu’ils vont ne lui donner qu’une peinture affaiblie du triste état de la religion dans leurs collèges.
1° Les aumôniers sont dans un abattement profond et dans un dégoût qu’aucun terme ne saurait exprimer, à cause de l’impuissance presque absolue de leur ministère, quoiqu’ils n’aient négligé ni soins ni études pour le rendre fructueux.
2° Les enfants qui leur sont confiés sont à peine entrés à l’Université, que déjà les bons sentiments qu’ils ont puisés dans leurs familles commencent à s’altérer.
3° S’il en est quelques uns qui demeurent fidèles à leurs premiers sentiments, ils cherchent à les cacher comme un secret funeste. On les verra demander grâce « en mille façons de valoir un peu mieux que leurs condisciples. Le respect humain fatigue ainsi ces âmes tendres par une persécution sourde et continuelle, quelquefois même plus ouverte.
4° Leur foi n’a pas encore péri, mais un peu plus tard, entre quatorze et quinze ans révolus, nos efforts deviennent inutiles.
5° Or, ce n’est ni l’indifférence ni les passions seules qui les amènent à un oubli général et si précoce de leur Dieu, mais une incrédulité positive. Comment, en effet, croiraient-ils, en voyant tant de mépris pour la religion, en prêtant l’oreille, tous les jours de leur vie, à des discours si contradictoires; en ne trouvant de christianisme qu’à la chapelle, et encore un christianisme vide, de pure forme et comme officiel?
6° Enfin, quand le cours de leurs études est achevé, parmi ceux qui sortent de rhétorique ou de philosophie, faut-il dire combien il en est dont la foi se soit conservée et qui la mettent en pratique? Il en est environ chaque année un par collége. (L’Invariable, 1832.) En entendant ce rapport, on peut connaître l’esprit de tous les établissements universitaires, et ici on peut dire avec le poète : Ab uno disce omnes!

(61) Les lois sur l’observation du dimanche n’étaient point exécutées; l’impiété régnait partout triomphante.

(62) Avec un pareil état de choses, la Restauration n’était plus la Restauration, mais un gouvernement qui marchait dans la voie des révolutions. Aussi n’avait-elle plus sa raison d’être, et Dieu allait renverser le trône de Charles X. Néanmoins, avant de frapper les grands coups de sa colère sur la France coupable, calamités qui sont réservées à nos jours, Dieu veut éprouver, dans sa longanimité, si les hommes reviendront à lui

(63) Dix-huit fois douze lunes donnent un produit de 216 lunes. Cette période de temps, calculée à partir du 4 août 1830, époque de l’abdication de Charles X et de la renonciation du Dauphin à la couronné en faveur du duc de Bordeaux, nous amène à février 1848. C’est le laps de temps que régna Louis-Philippe.

(64) Qui ne verrait la main de Dieu et n’adorerait les secrets de sa justice à la vue de tant de catastrophes politiques accomplies en si peu d’années?

(65) Dieu utilise tout pour purifier ses élus; et les malheurs publics servent à épurer son Eglise, dont le pèlerinage en ce monde n’est qu’une lutte continuelle, et dont le triomphe sera d’autant plus éclatant que ses tribulations auront été plus graves.

(66) Il est des heures où le pouvoir est donné à l’homme ennemi pour dévaster le champ du père de famille, et il est bon de rappeler aux hommes que le Seigneur ne laissera pas toujours impunément la verge des pécheurs s’appesantir sur les justes, de peur que ceux-ci ne tombent eux-mêmes dans l’iniquité. (Psaume 124.) Cet avertissement est surtout nécessaire dans la bouche du prophète au moment où il va raconter le règne de Louis-Philippe, dont la prospérité matérielle couvrait une si grande corruption.

(67) Le prophète s’était interrompu après avoir supputé les années du règne de Louis-Philippe, et le sujet l’avait entraîné à des réflexions morales. Il va reprendre maintenant le fil de l’histoire et raconter la chute de Charles X.

(68) Charles X.

(69) Tout s’embrouillait autour du roi. A peine le libéralisme eut-il obtenu les ordonnances de 1828 qu’il tenta d’autres succès. Les journaux de l’opposition hurlaient toujours de plus en plus fort, et le roi effrayé changea de ministres. Le 8 août 1829, le prince de Polignac devint le chef du ministère. Le nouveau cabinet travailla de suite et de toutes ses forces à arrêter la révolution, mais une force occulte dirigeait tout le plan d’attaque contre la royauté, et la franc- Maçonnerie, se cachant derrière le rideau, et ne trompant que ceux qui ont des yeux pour ne point voir, avait depuis longtemps disposé ses batteries de telle sorte, que les derniers remparts qui protégeaient la royauté devaient s’écrouler à l’heure dite. A cette époque, les feuilles libérales, qui, fidèles au conseil de Voltaire : Mentez, mentez, il en restera toujours quelque chose, avaient déjà dirigé, les années précédentes, un assaut en règle contre les Jésuites, allant jusqu’à affirmer que d’innombrables Jésuites, renfermés dans les caves de Montrouge, y faisaient jour et nuit l’exercice, que le général de la Compagnie y résidait avec sa cour, que des souterrains communiquaient de Montrouge aux Tuileries, et que l’on y érigeait la corruption en principe ( Crétineau-Joly, Histoire des Jésuites, tome VI) ; ces mêmes journaux se sont plu à voir autour de Charles X une petite camarilla de femmes, de dévots et de Jésuites, à la tête de laquelle était le nonce du Pape, harcelant, obsédant sans cesse le vieux roi, et le poussant d’une manière aveugle à des mesures politiques. Mais Crétineau-Joly et Henrion ont démontré la profonde absurdité de ces discours.

(70) Le 3 août 1830., le pauvre vieux sang de la Cap, Charles X sortit de Paris, et s’achemina vers Cherbourg avec toute sa famille à petits pas et au grand jour, avec la dignité d’un roi, accompagné de sa maison militaire et d’un grand nombre de serviteurs dévoués formant une suite de plus de mille hommes armés.

(71) Ce n’est pas sans raison que les fils de Brutus mirent à leur tète Louis-Philippe, car il était fait à leur ressemblance. Il était jeune quand le siècle de Voltaire finissait par la guillotine. Il profita de sa jeunesse pour se faire admettre au club des Jacobins et recevoir la qualité d’huissier du club. Devenu général de la république française, il signait : Louis- Philippe-Egalité, prince français pour son malheur, et jacobin jusqu’au bout des ongles.

(72) Les serviteurs de Dieu crient vers lui, car la franc-maçonnerie, parvenue au pouvoir, ne négligea rien pour blesser au coeur l’Eglise de France; et pour mieux accomplir ses projets, elle fit tous ses efforts pour tarir les vocations au sacerdoce. Plusieurs séminaires, grands et petits, furent violemment fermés; on vit les huit mille demi-bourses créées par une ordonnance du 16 juin 1828 en faveur des écoles secondaires et ecclésiastiques supprimées; la célébration des fêtes autres que les quatre consacrées par l’induit du cardinal Caprara fut interdite, la société des missionnaires de France détruite, la procession de l’Assomption pour le vœu de Louis XIII défendue. En même temps le clergé était conspué dans des écrits obscènes, plusieurs évêques ne devaient leur salut qu’à la fuite ; dans un seul diocèse M.Roselly de Lorgues compte seize curés, dans un autre quarante, qui sont en péril de mort et chassés de leur demeure. Des personnes la haine s’étend aux édifices. Outre l’Archevêché de Paris saccagé et démoli de fond en comble, la cathédrale violée, les ornements sacrés traînés sur les boulevards dans une procession dérisoire, l’église de Blois est envahie et souillée ; les maisons religieuses du Saint-Esprit, de Saint-Lazare, du Mont-Valérien, les séminaires de Conflans près Paris, de Perpignan, de Metz, de Nancy, de Pont-à-Mousson, de Verdun, etc., sont ou saccagés ou vidés de force. A Strasbourg, Cahors, Nancy, Autun, Narbonne, Saintes, Dijon, Chartres, etc., des forcenés, comprenant qu’il ne s’agit pas seulement de l’expulsion du roi légitime, mais aussi de celle du Dieu unique qui gêne leur conscience, abattent le signe du salut et ne laissent pas une croix debout. En différents endroits, on fait subir au Christ d’infâmes outrages, et à Paris la croix est précipitée dans la Seine, après le sac de l’Archevêché, aux cris de trois cent mille spectateurs, tandis que l’autorité assiste impassible, l’arme au bras ! Enfin Voltaire reçoit alors les derniers honneurs, et sa statue est élevée des deniers publics au fronton de Sainte-Geneviève, d’où l’on avait arraché la croix.

(73) Mais Dieu, malgré les prières des justes, laissera s’accomplir ces événements et la révolution suivre son cours. (Voir n° 74 et le n° 102.)

(74) Ce n’est point par impuissance ni par manque d’amour pour son Eglise que Dieu agit ainsi. Il est patient parce qu’il est éternel, mais malheur quand sa colère s’allumera! Il restera sourd jusqu’à la chute de Napoléon III comme l’indique la suite de la prophétie. (Voir n° 102.) Durant tout ce temps, sa colère s’accumule, et il aiguise ses flèches pour en transpercer, au jour des vengeances, le sein des mauvais.

(75) La révolution de 1830 n’est donc point un bienfait, comme l’ont prétendu les libéraux ; c’est un malheur pour la France.

(76) Emblème des armes de la maison d’Orléans.

(77) Charles X..La fleur de lys est le symbole de la branche aînée des Bourbons.

(78) Louis-Philippe, duc d’Orléans, avait été nommé lieutenant-général du royaume par le roi le 31 juillet 1830.

(79) Le 7 août, la Chambre des députés déclare le trône vacant, et y appelle Louis-Philippe, qui accepte la couronne le 9 du même mois. Il est dit roi du peuple, car il ne prit pas le titre de roi de France, mais simplement de roi des Français. Appelé au pouvoir par la franc-maçonnerie, il avilit le trône en y portant ses instincts populaciers d’autrefois. On le vit en effet monter sur un balcon, entonner comme un histrion la Marseillaise aux sons d’un clavecin tenu par sa soeur, tandis que la reine battait la mesure, en face d’une multitude avinée qui criait : Bis ! et il recommençait. Il adopta pour gouverner une politique intermédiaire et bâtarde qui reçut le nom de juste milieu. Ce système oblitéra bientôt en France le sentiment de la justice et la rectitude du jugement, en faussant les caractères.

(80) Gens (gens, nation en latin) signifie les nations. La révolution de 1830, à cause, comme dit le prophète, de son origine démagogique et des ramifications des sociétés secrètes, eut un contre-coup en Pologne, en Allemagne, en Portugal, en Espagne, en Belgique, qui se sépara de la Hollande, etc. En janvier 1831, Louis-Napoléon et son frère étaient à la tête des insurgés contre le Pape dans la Romagne.

(81) Le 25 juillet 1830, Charles X signa les célèbres ordonnances en vertu de son pouvoir constituant, consigné dans l’article 14 de la Charte; elles expliquaient d’une manière utile et devenue nécessaire les dispositions de la constitution. Il est étrange que le prince de Polignac ait compris l’opportunité de ce coup d’Etat, et n’ait pas compris en même temps qu’il était indispensable de prendre des mesures pour en assurer le succès, tant on est forcé de voir la main de Dieu dans ces événements extraordinaires! Il n’y avait pas six mille hommes de troupes à Paris. Aussi, les. 27, 28 et 29 juillet, une insurrection formidable éclata dans la capitale, sous la direction de Lafayette, nommé commandant de la garde nationale, et un gouvernement provisoire fut installé à l’Hôtel-de-Ville.

(82) Que les méchants ne se réjouissent pas trop de leurs succès; car ils n’ont triomphé qu’avec la permission de Dieu, et leurs jours sont comptés. (Voir nos 83 et 84.)

(83) Voir ci-dessus le n° 72 et plus bas 85.

(84) Car leur temps est court.

(85) On avait cru que sur le terrain de l’impiété on pourrait asseoir les bases d’une entente solide, et que les fondements de l’Etat seraient d’autant mieux à l’abri, qu’ils reposeraient uniquement sur des lois dont Dieu serait banni, sans penser que celles-ci seraient d’autant moins respectées qu’elles n’auraient aucune sanction morale. Le 7 du mois d’août, la Chambre des députés avait modifié la Charte constitutionnelle. L’article 6 ainsi conçu :  » La religion catholique, apostolique et romaine est la religion de l’Etat, est retranché. On se contente de reconnaître un fait, savoir : que cette religion est celle de la majorité des Français. » Depuis lors, dit Mgr Parisis, l’Etat, considéré dans ses lois, dans son gouvernement, n’est plus et ne peut plus être ni catholique, ni protestant, ni chrétien, ni juif; il fut, et, quels que soient les sentiments personnels de ceux qui le composent, il est forcé d’être rationaliste. N’ayant plus pour régner les bases solides et immuables de la justice et de la religion. Louis-Philippe fut obligé de recourir aux expédients. D’abord ils lui réussirent, et le succès de quelques ruses diplomatiques l’aveuglait sur des dangers sérieux auxquels était exposée sa couronne. Il s’était appuyé sur la bourgeoisie qui lui était dévouée ; mais en même temps il proclamait en toute occasion les principes révolutionnaires, et parce qu’il luttait contre leur développement, il s’imaginait qu’il n’avait rien à craindre. Néanmoins des symptômes évidents de dissolution frappaient l’observateur attentif: la religion et la morale étaient négligées, méprisées comme inutiles; tous les penchants destructeurs étaient favorisés, excités. Louis- Philippe croyait avoir fait avec eux un traité d’alliance défensive, mais la logique a des droits imprescriptibles, et les principes révolutionnaires ayant été proclamés, il fallait que les conséquences fussent tirées. L’opposition avait rallié tous les partis. Les chefs étaient presque tous attachés à la dynastie régnante, mais ils voulaient renverser le ministère et arriver au pouvoir sans s’inquiéter des dangers que pouvaient faire naître les moyens qu’ils employaient. Ils demandaient une réforme électorale que le gouvernement s’obstinait à refuser; ils avaient organisé un banquet qui devait servir de démonstration politique et qui devait avoir lieu le 22 février 1848. Le gouvernement refusa de l’autoriser pour prouver qu’il était le maître,

(86) Louis-Philippe se montra, dans son gouvernement faible et chancelant, et ses commencements furent pénibles. Charles X, dans sa chute, avait entraîné les soutiens moraux de l’ordre public. Le trône nouveau avait été proclamé et accepté comme fondé sur le principe révolutionnaire. Les masses que la tempête de 1830 avait soulevées restèrent longtemps agitées. Au mois de février 1831, durant le sac de Saint-Germain l’Auxerrois et de l’Archevêché, l’autorité, impuissante à rien réprimer, demeura tranquille spectatrice de ces odieuses profanations.

(87) Cette situation ne pouvait cependant durer plus longtemps sans exposer la France à une dissolution complète; il fallait d’ailleurs calmer les défiances de l’Europe. Dans ce but, Louis-Philippe appela au ministère Casimir Périer, homme énergique (1831), qui se mit à l’oeuvre avec courage et réussit à arrêter les progrès de l’esprit anarchique. Les démagogues ne cédèrent pas sans essayer une résistance désespérée ; des tentatives insurrectionnelles eurent lieu en différentes villes, notamment à Lyon, à Saint-Etienne et à Paris, et furent comprimées par la force.

(88) Le flot révolutionnaire l’avait porté au pouvoir, et il demandait à des expédients politiques la sécurité qu’on ne trouve que dans les principes de la morale et de la religion. (Voir n°125.)

(89) Tout est dépeint fidèlement dans cette manière dont le prophète annonce la chute de Louis-Philippe; on ne pouvait en faire une description plus exacte en si peu de mots. Louis-Philippe est tombé comme une statue qu’on précipite du piédestal, et dont les débris tombent dans la fange sans que nul n’en prenne souci davantage. Du 22 au 24 février 1848, l’insurrection éclate ; des barricades s’élèvent dans les rues de Paris, et le soulèvement devient général Les troupes, recevant continuellement des ordres et des contre-ordres, restent sans direction. Louis-Philippe, épouvanté et ne sachant quel parti prendre, perd la tète au bruit de la fusillade qui l’environne de toutes parts, et abdique en faveur du comte de Paris. La duchesse d’Orléans se présente à la Chambre des députés, menant ses deux fils par la main pour réclamer la régence; mais en même temps une bande nombreuse d’assassins se précipite dans la salle, couchant en joue les députés dont la plupart prennent la fuite, et les insurgés proclament pêle-mêle, avec ceux qui restent, la déchéance des Bourbons d’Orléans. Louis-Philippe, déguisé en ouvrier, s’échappe par une porte dérobée des Tuileries, et ne s’arrête dans sa fuite que lorsqu’il est hors de France. « Cette insurrection était du genre de celles que décrit Tacite. Peu la conçurent, la plupart la voulaient, tous la souffrirent. » Elle prend Louis-Philippe d’Orléans pour point de mire, et alors elle était une justice du ciel ; car la puissance sans droit est la plus détestable chose qu’on puisse imaginer. L’insurrection éclatait par des moqueries; elle débordait par des jeux de mots ; elle sonnait ses fanfares à coups de sifflet. Le monde a reconnu tout de suite quelle main frappait ; chacun a senti que ce qu’elle abattait ne se relèverait pas. Tous se sont courbés, tant la Providence se manifestait terrible, juste, logique. (Louis VEUILLOT)

(90) Le prophète entend les hurlements des démagogues, les vrais fils de Brutus, qui avaient réussi à saisir le pouvoir. Pendant que Louis-Philippe partait pour l’exil et qu’on proclamait à l’Hôtel-de-Ville le gouvernement provisoire, le roi usurpateur emportait avec lui les dernières épaves de l’autorité. Tout dès lors fut mis en question, les bases mêmes de la société, la famille, le droit de succession, le droit de propriété. Nous devions tous être égaux et de droit et de fait, riches ou pauvres, savants ou ignorants, laborieux ou paresseux, grands ou petits. Rien n’était merveilleux comme d’entendre déraisonner partout sur ces importants sujets, ou de lire ce que les écrivains en disaient. C’est ainsi que la société recueillait le fruit du règne précédent, où, après avoir brisé une fois de plus le principe de l’autorité en renversant une dynastie huit fois séculaire, la bourgeoisie avait cru pouvoir s’endormir avec sécurité dans le naturalisme et dans la possession des biens présents. Le riche, comme dit M. Nicolas, s’était renfermé dans sa fortune, l’industriel dans ses spéculations, l’ambitieux dans son poste, l’homme d’Etat dans son pouvoir, la société tout entière dans la vie matérielle; on croyait en avoir fini avec les vieux dogmes, et on les ensevelissait avec honneur ; on n’avait pas chassé Dieu, mais on n’en tenait à peu près nul compte ; on s’était arrangé entre un certain respect extérieur et un mépris secret ; on se faisait un spectacle des éloquentes protestations de M. de Montalembert, et on les lui passait pour le plaisir de les entendre ; Eugène Sue était lu avec fureur ; on tolérait les réclamations de l’épiscopat, et on donnait le mot d’ordre aux professeurs de philosophie contre la religion, et aux instituteurs de campagne contre les curés. On croyait pouvoir se passer de Dieu et conjurer le désordre par la corruption. Mais on comptait sans les appétits féroces de la populace, qui réclamait elle aussi sa part au festin de la vie, et qui attendait, frémissante et poussant des cris de rage, que son tour arrivât pour savourer à longs traits les joies dont le spectacle avait attisé dans son coeur les feux de la convoitise.

(91) Les élections générales eurent lieu le 23 avril. Il en sortit une Assemblée nationale dont le premier soin fut de proclamer la république; mais rien n’était mûr ni préparé pour une semblable forme de gouvernement, qui ne peut point s’accommoder avec une vieille société chez qui on a détruit le principe de l’autorité. Pour le plus grand nombre, la république n’était qu’une tempête politique qui devait causer beaucoup de naufrages dont les épaves pourraient les enrichir. Les flots populaires demeuraient toujours agités ; le 13 mai, un attroupement de factieux fit irruption dans la salle de l’Assemblée des représentants et en chassa les députés. Comprimés parla garde nationale, ils reprirent bientôt les armes et résolurent de faire une tentative suprême pour renverser le pouvoir. La guerre civile ensanglanta les rues de Paris durant quatre jours ; mais enfin l’armée, énergiquement secondée par la garde nationale, triompha sur tous les points (26 juin). Grand nombre de généraux furent tués, quelques uns même assassinés pendant la sanglante collision, où périt aussi Mgr Affre, archevêque de Paris, qui s’était rendu sur les barricades pour prêcher la paix.

(92-92 bis) Le 10 décembre 1848, la présidence fut décernée à Charles-Louis-Napoléon Bonaparte et le 2 décembre 1851, il fit son coup d’Etat, par lequel il prononça la dissolution de l’Assemblée nationale et mangea les fils de Brutus. La démagogie ne se tint pas pour battue ; trente-deux, départements se soulevèrent, mais le mouvement fut comprimé, et le 21 du même mois, la France approuva par son vote cette nouvelle révolution qui venait de s’accomplir. Par crainte des anarchistes, on se jeta dans les bras hypocrites de cet homme dont l’existence n’était déjà qu’un tissu de crimes, et sa main, qui avait manié le poignard en Italie dans les ventes du carbonarisme, où il avait été, durant sa ténébreuse existence, mêlé à toutes les infamies et à tous les complots, devait tenir en France le sceptre du pouvoir. Voilà à quel degré d’humiliation descendait la nation très chrétienne, qui, aux jours de sa foi, avait des souverains glorieux et respectés qu’on appelait dans l’Europe le Roi, comme si tout autre titre ajouté à celui-là avait pu en affaiblir la majesté souveraine. Napoléon ayant quitté l’Angleterre criblé de dettes, avait saisi avec empressement la couronne convoitée par lui, comme l’agioteur qui met la main sur une fortune immense. Il en usa largement avec ses compagnons d’aventure, qui l’avaient suivi dans ses tentatives de Strasbourg et de Boulogne. Tous prirent leur grasse part à l’immense curée de la France, à qui l’on osa même demander son or, et dont on prodigua le sang dans l’expédition du Mexique, entreprise sous de spécieux prétextes, mais qui cachaient un but réel et sordide d’opérations financières !… L’immoralité du souverain et de ses compagnons était pour le pays du plus fatal exemple. Après des commencements qui furent glorieux et qui ne formaient qu’un appât trompeur, on travailla avec une habileté perfide et calculée à pervertir les masses par un débordement inouï de brochures, de romans et de journaux corrupteurs ; on établit des cafés chantants; on multiplia les théâtres obscènes et d’autres écoles toujours ouvertes d’un libertinage éhonté. Tandis que l’Eglise semblait protégée officiellement et, qu’on faisait retentir bien haut les mots de Dieu et de Providence, elle était persécutée sous main, méprisée, paralysée et entravée. Le luxe et les jouissances matérielles descendant tous les jours des marches du trône jusque dans les plus obscures chaumières; le culte de l’or ; la vénalité des consciences exploitée par le gouvernement; l’espionnage érigé en fonction publique ; l’abaissement de la justice ; tout en quelques années a conspiré pour dévorer en France les principes, la famille, les finances, l’honneur et la vitalité de cette race qui avait été la grande nation. Aussi, malgré l’or et l’argent qui ruisselaient de toutes parts et entretenaient à la surface une éblouissante prospérité matérielle, on pouvait sans crainte lui appliquer ces paroles : Nomen habes quod vivas, et mortuus es. « On vous dit vivante, mais vous êtes morte. » (Apocal., ch. III.) Livrée aux bêtes qui la dévoraient en la gouvernant, elle descendait chaque jour les degrés de l’abrutissement !

(93) Le prophète promène ses regards inspirés sur tout ce règne corrupteur; il n’en retient que la fin qui lui arrache un cri d’épouvante. Comme à cette sentinelle avancée dont parle Isaïe et qui veille sur les murailles de Babylone, on peut lui demander aussi : « Qu’avez-vous vu dans la nuit ? » Custos, quid de nocte ?  » Quel bruit d’armes ! » vous répond-il avec effroi. Il a entendu l’appel aux armes de la population virile jusqu’à quarante ans, chez deux grandes nations; ce sont des armées immenses dont l’histoire n’a pas vu les semblables ; c’est le cliquetis des glaives, des chassepots, des canons et mitrailleuses qu’on apprête pour le combat. Quel est ce combat? Il va nous l’apprendre…

(94-95) La plénitude des nombres lunaires forme ce qu’on appelle le cycle lunaire, période de 19 ans, au bout de laquelle les phases lunaires reviennent aux mêmes dates pour le mois, le jour, l’heure, la minute et la seconde que dans le cycle précédent. Donc, depuis que les bêtes ont dévoré les fils de Brutus le 2 décembre 1851, il ne s’est pas encore écoulé un nombre plein de lunes ou 19 ans révolus, et voici venir maints guerroyers. Au mois d’août, quatre mois avant le 2 décembre 1870, époque où tombent les 19 ans révolus (1851+19=1870), des flots innombrables d’Allemands victorieux foulent le sol de la France, semant le désastre, le pillage, la vengeance et la mort sur leur passage.

(96) C’en est fait ! l’heure a sonné pour les vengeances.

(97) La montagne de Dieu, c’est l’Eglise, la nouvelle Sion.

(98) Qui ne connaît les douleurs et les angoisses de l’Eglise depuis cette fameuse guerre d’Italie, où Napoléon prostitua la glorieuse et noble épée de la France au service des projets perfides de la secte qui possédait ses serments ? Tout le monde se rappelle les paroles sinistres de Napoléon aux agents du Piémont à Chambéry : « Allez et faites vite ! » abandonnant ainsi à la rage des sectaires la noble et vaillante armée de Lamoricière, massacrée par Cialdini le 18 septembre 1860 à Castelfidardo; le démembrement, consenti par la France, des Etats de l’Eglise; la privation du titre de citoyen français pour les jeunes gens qui s’étaient enrôlés sous les bannières du Pape, allant défendre avec son trône sacré l’ordre et la civilisation dans le monde ; la spoliation parle Piémont des biens de l’Eglise dans toute l’Italie; les prêtres emprisonnés, fusillés et chassés, les religieux et religieuses dispersés, les autels profanés officiellement; la dérisoire convention du 15 septembre 1864, équivalant à une livraison à échéance, et disposant du patrimoine de saint Pierre en dehors du Pape, au bénéfice de ses ennemis ; l’odieuse invasion de Garibaldi en 1867, soutenue par la connivence du gouvernement de Florence, invasion comprimée par la France à Mentana, parce que l’opinion publique força la main à l’empereur, et parce que le maréchal Niel, ministre de la guerre, animé de sentiments généreux envers le Pape, expédia, sous sa responsabilité personnelle, des ordres de départ à notre flotte qu’un calcul habile retenait incertaine à Toulon, afin de donner au sacrilège le temps de s’accomplir; enfin l’abandon définitif de Rome en août 1870, au moment où l’on avait le plus grand besoin de se rendre le ciel propice, et l’occupation par les troupes italiennes de la capitale du monde catholique. Tout cet ensemble de malheurs contribue bien à légitimer la prophétie que saint Malachie fit de Pie IX dans sa succession des Papes, où il l’appelle « la croix des croix, » crux de cruce.

(99) Toutes les ressources humaines faisant défaut à l’Eglise, Pie IX devait crier vers Dieu, comme nous avons a plus haut Pie VII s’adresser à lui dans l’excès de son affliction, parce qu’il est le défenseur de son Eglise, contre laquelle les dents de fer de ses persécuteurs viendront toujours se briser.

(100) La famille royale de France cria aussi vers Dieu à la vue des malheurs de la patrie. La tribu de Juda était la tribu royale chez les Hébreux, et David en descendait. Ce n’est point sans raison que le prophète compare la famille de nos rois à celle de ce grand prince. « Cette vieille maison de nos rois est, en effet, la plus longue et la plus illustre de l’histoire après la maison de David. » Oraison funèbre des anciens élèves du collège de Saint-François-Xavier morts pour la France, prononcée par M. l’abbé Besson le 27 avril 1871 à Besançon.)

(101) La famille royale est exilée depuis 1830.

(102) Dieu, qui était sourd à toutes les prières depuis la révolution de 1830, se laisse enfin toucher, et va renverser par des coups terribles et inattendus la révolution en France, et ensuite en Italie et dans l’Europe. C’est l’œuvre de la contre-révolution qui commence, et qui va, pour déblayer le terrain, chasser d’abord Napoléon.  » Quand Dieu, dit Bossuet, veut faire voir qu’un ouvrage est tout de sa main, il réduit tout à l’impuissance et au désespoir, puis il agit. » (Voir plus haut, nos 73 et 74.)

(103) Les traits de la colère divine sont enflammés; ouït-on jamais parler de calamités pareilles à celles qui pèsent sur la France depuis les premiers désastres de Wissembourg et de Reichshoffen? Rien n’a été épargné à la France, ni le sang versé, ni les désastres, ni la honte et l’abaissement moral aux yeux de tous les peuples contemplant avec effroi comment une grande nation descend tout à coup du trône pour s’enfoncer dans l’abîme, et cherche encore dans l’agonie à retourner le fer contre son propre sein !

(104) La colère divine, comme nous l’avons vu plus haut (nos 73 et 74), s’amoncelle depuis les derniers jours de la Restauration, où les efforts de la miséricorde pour sauver la France échouèrent devant l’opiniâtreté des méchants; mais elle a été portée à son comble, dans les dernières années, par les attentats odieux dont l’Eglise et la Papauté ont été les victimes. Après s’être emparée d’une partie des Etats du Saint-Siége en 1860, époque où Victor-Emmanuel est proclamé roi d’Italie, la révolution réclame Rome pour capitale de l’unité italienne, et cherche à expulser Dieu du dernier coin de terre qui lui reste encore pour gouverner son Eglise. C’est le 23 mars 1861 que fut prononcée au parlement italien la déchéance de la royauté du Pape, en proclamant Rome capitale de l’Italie. Dix fois six lunes et pas encore dix fois six lunes, font une période un peu inférieure à 10 ans ; mais 10 ans lunaires perdent environ 4 mois sur 10 ans solaires, et égalent environ 416 mois solaires au lieu de 120. Or, si l’on compte depuis le mois de mars 1861 jusqu’au mois d’août 1870, époque où Rome est définitivement abandonnée par la France, on trouvera qu’il s’est réellement écoulé une période de neuf ans et demi, ou de dix fois six lunes et pas encore dix fois six lunes. En ce moment, la colère divine, portée à son comble, commence à déborder de toutes parts, et sur la France d’abord.

(105) Paris est la grande ville à la tête de la révolution ; c’est donc elle qu’il faut frapper. Malheur à toi! Multipliez ses tourments et ses douleurs à proportion de ce qu’elle s’est élevée dans son orgueil et de ce qu’elle s’est plongée dans les délices, parce qu’elle dit dans son coeur : Je suis reine, je ne suis point veuve (mais seulement en divorce avec mon roi légitime), et ne connaîtrai jamais les larmes. C’est pourquoi, en un même jour, les fléaux, la mort, le deuil et la famine fondront sur elle; et elle sera brûlée par le feu, parce que le Seigneur qui la condamne est puissant. Les rois de la terre (les puissants du monde), qui se sont corrompus avec elle en vivant de ses délices et de ses maximes trompeuses, pleureront sur elle Le sang des prophètes et des saints a été trouvé dans ses rues Et on s’écriera en voyant les débris fumants : Quelle ville a jamais égalé cette grande ville? » (Apoc, c.XVIII,pass.)

(106) Les dix rois ou princes régnants ne seraient pas difficiles à trouver dans l’armée allemande qui durant dix fois a fait le siége de Paris; mais le nombre de dix ne doit pas être rigoureusement calculé et veut dire plusieurs.

(107) Ce ne sont point les armées allemandes qui sont chargées de renverser Paris. Après le siège des Prussiens, depuis le mois de mars, il en soutient un second. Et qui sait s’il sera la dernière commotion politique?… Les édifices principaux, les maisons mêmes de certains quartiers sont minées. Tout est à craindre pour Paris coupable s’il n’imite la pénitence de Ninive. La prière seule peut le sauver ou diminuer les malheurs qui le menacent encore. (Comme on le voit, ces lignes étaient écrites avant l’incendie des Tuileries, de l’Hôtel-de-Ville et de ses principaux édifices dont la destruction enlève à Paris sa couronne de reine.)

(108) « Et j’entendis une voix qui disait : Sortez de cette ville, mon peuple, de peur de participer à ses crimes et d’être enveloppé dans son châtiment. » Apocal., C. XVIII,V. 4.

(109) Il est juste que la terre qui a bu le sang du roi martyr soit purifiée de ce crime; et de combien d’autres Babylone n’est-elle point coupable!…

(110-111) La Seine. Depuis le jour où les armées allemandes ont enfermé Paris dans leurs lignes de circonvallation, que de combats acharnés se livrent sans relâche sur les bords de la Seine et rougissent ses flots !… Des lettres particulières de Paris disent qu’en certains points où le combat a été le plus acharné entre les insurgés et les troupes régulières, il y aurait eu jusqu’à un mètre de cadavres entassés!

(112) La France a perdu sa gloire et deux provinces; le pied victorieux d’un ennemi sans cœur et sans merci doit la fouler jusqu’à ce qu’elle ait acquitté jusqu’au dernier centime de l’impôt de guerre le plus exorbitant dont fasse mention l’histoire moderne; l’anarchie, comprimée par la force, aiguise partout ses poignards, et se prépare à une revanche; l’Assemblée n’a entre ses mains qu’un pouvoir chancelant, et les partis ne peuvent s’entendre sur un accord définitif. Mais, dans cette dislocation générale, Dieu, par un moyen inattendu, interviendra tout à coup sur la scène pour que le silence se fasse au sein de la tempête, et que chacun, déposant son orgueil et abaissant son front dans la poussière, s’écrie : « Le doigt de Dieu est là ! »

C’est ce que dit la prophétie de Blois. Pour quiconque a lu avec l’attention qu’elle mérite la brochure de M. l’abbé Richaudeau, aumônier des Ursulines de Blois et professeur de théologie, sur cette intéressante prédiction (cette brochure a été éditée à Tours en 1870), il est clair que le Constitutionnel et autres journaux ont altéré certains faits, et n’ont pas présenté la prophétie sous son véritable jour. Elle ne parle que très-peu de la guerre contre les Prussiens, et on a voulu, bon gré mal gré, appliquer aux événements de l’an passé ce qui regardait nos dissensions intestines et la grande lutte de l’ordre contre la révolution. Elle dit positivement que « le grand combat sera entre les bons et les méchants, il sera épouvantable, on entendra le canon à neuf lieues à la ronde. Les bons étant moins nombreux seront un instant sur le point d’être anéantis; mais, ô puissance de Dieu! ô puissance de Dieu! tous les méchants périront. Oui, ajoute-t-elle, tous les méchants périront, et aussi beaucoup de bons. Pendant quelque temps, on ne saura à qui l’on appartiendra ; mais ce ne sera pas celui que l’on croira qui règnera : ce sera le sauveur accordé à la France, sur lequel elle ne comptait pas.  » (Qui croyait possible le règne d’Henri V du temps de l’empire, et qui même pensait à lui? Et à l’heure actuelle les masses songent-elles à lui offrir la couronne, et n’inclinent-elles pas plutôt vers la branche cadette ?) Il y aura des choses telles que les plus incrédules seront forcés de dire « Le doigt de Dieu est là ! » Tant qu’on priera il n’arrivera rien, mais il viendra un moment où l’on cessera de faire des prières publiques; on dira : Les choses vont rester comme cela.

C’est alors « qu’auront lieu les événements. Néanmoins les prières particulières ne cesseront pas. Il faudra quinze à vingt ans pour que la France se relève de ses désastres. Cependant le calme renaîtra, et, depuis ce moment jusqu’à une paix parfaite et jusqu’à ce que la France soit plus florissante et plus tranquille que jamais, il s’écoulera à peu près vingt ans. (La Prophétie de Blois, par l’abbé Richaudeau, passim.) Une des prophéties les plus frappantes sur cette dernière et douloureuse crise qui doit transformer l’ancien monde impie en un nouveau monde croyant, c’est celle du Père Necktou, de la Compagnie de Jésus, ancien recteur au collège de Poitiers, d’où il passa ensuite à Bordeaux. Il y mourut en odeur de sainteté en 1793.

Longtemps avant 1773, il prédit la suppression de son ordre, et annonça les événements détaillés de la première Révolution française. Mgr Lyonnet, archevêque actuel d’Alby, parle des prophéties du Père Necktou dans sa Vie de Mgr d’Aviau, archevêque de Bordeaux. Les prophéties du Père Necktou furent recueillies de sa bouche par son ami, le Père de Raux. Elles sont connues dans l’ouest de la France depuis un demi-siècle, et ont été imprimées dans le Livre de toutes les prophéties, en 1849; c’est de cet ouvrage qu’est tiré l’extrait suivant. Après avoir annoncé la Restauration, qu’il appelle un replâtrage, et l’avènement au pouvoir du gouvernement de Juillet, il ajoute :  » Ce ne sera qu’après cela que se fera la contre-révolution; elle ne se fera pas par les étrangers « (c’est une annonce bien positive de l’invasion allemande), mais il se formera en France deux partis qui se feront la guerre à mort. L’un sera beaucoup plus nombreux que l’autre, mais ce sera le plus faible qui triomphera. Il y aura alors un moment si affreux, qu’on se croira à la fin du monde. Le sang ruissellera dans plusieurs grandes villes. Les éléments seront soulevés ; ce sera Comme un petit jugement. Il périra en cette catastrophe une grande multitude; mais les méchants ne prévaudront pas. Ils auront bien l’intention de ruiner l’Eglise, mais ils n’en auront pas le temps ; car cette crise si épouvantable sera de courte durée, et ce sera au moment où l’on croira tout perdu que tout sera sauvé.

Durant ce bouleversement qui sera général, et non pour la France seulement, Paris sera entièrement détruit. A la suite de cet événement affreux, tout rentrera dans l’ordre, justice sera faite à tout le monde, la contre-révolution sera accomplie, et le triomphe de l’Eglise sera admirable.

(113) Aussitôt la tourmente miraculeusement apaisée, la France renaîtra à l’ordre et à la paix; elle pansera ses blessures qui se cicatriseront bientôt, car Dieu, dans sa miséricorde, lui a dès longtemps préparé le médecin qui versera le baume sur ses plaies profondes, Elle sera enfin guérissable; carie sang impur qui fermentait dans ses veines ayant, trouvé une issue, elle écoutera docilement la voix divine. Ainsi voilà l’œuvre de quatre-vingts ans de révolution abattue ! L’esprit révolutionnaire disparaît écrasé. Une ère nouvelle de régénération s’ouvre pour la France et le monde!… Dieu a vaincu. (Voir plus bas, nos 184 et 194.)

(114) C’est pour rendre la paix à la France, la paix non seulement extérieure, mais surtout celle du dedans, la paix morale, sans laquelle il n’y a pas de bonheur véritable paix que Jésus-Christ souhaitait sans cesse à ses apôtres : Pax vobis ! c’est dans ce but que Dieu avait, en 1814 (voir n° 54), ramené la légitimité. Il voulait qu’elle accomplît la réconciliation de la nation avec le droit, de la terre avec le ciel ; car il n’y a point de paix pour l’impie. Mais comme l’avait annoncé le prophète, après quelques efforts pour la réforme, elle ne put remonter le courant révolutionnaire, et dut suivre elle-même le fil des eaux qui menaient à l’abîme. Cette fois, au contraire, il n’en est plus de même; la place est nette, l’ordre peut s’établir sur des bases solides.

(115-116) Aussi la joie déborde dans l’âme du prophète, et il invite le prince à venir. Venez, dit-il, noble prince, héritier de nos rois, vous qui partîtes si jeune (à dix ans) pour la terre de l’exil (île signifie pays, contrée, dans le style de l’Ecriture sainte); venez dans l’âge mûr nous apporter les principes qui font la jeunesse et la prospérité des peuples. Malgré l’interprétation que nous donnons du mot jeune, on ne peut se dissimuler que cette appellation, appliquée à
un prince qui est né en 1820, offre une certaine difficulté; mais on doit se rappeler ce que nous avons dit dans la première partie sur la confusion des temps, familière aux prophètes, qui peut avoir embrassé d’un même coup d’oeil et confondu l’époque de l’exil avec celle du retour. En second lieu, Henri V apportant à la France, penchant sur la ruine, les principes qui doivent non seulement la régénérer elle-même, mais aussi rajeunir la vieille Europe, est comme l’incarnation de la jeunesse qu’il vient apporter aux peuples. Et si Napoléon Ier. aimait à répéter : « Je suis la révolution faite homme,  »

Henri V pourra bien dire :  » Je personnifie la restauration et la nouvelle jeunesse de la France et du monde ! Croyez-le bien, je serai appelé, non seulement parce que je suis le droit, mais parce que je suis l’ordre, parce que je suis la réforme, parce que je suis le fondé de pouvoir nécessaire pour remettre en sa place ce qui n’y est pas, et gouverner avec la justice et les lois, dans le but de réparer les maux du passé et de préparer enfin un avenir.  » (Lettre d’Henri V à un député, le 8 mai 1871.)

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(117-118) Le lion est le symbole de la force et de la puissance. C’est dans ce sens que ce nom est appliqué à Jésus-Christ, qui est appelé le lion de la tribu de Juda, parce qu’il devait soumettre la terre à sa puissance. Le prophète, en annonçant qu’Henri V unirait le signe de la force à celui de la paix (la fleur blanche), lui donne les deux gloires que peut ambitionner un souverain, qui sont de rendre le pays prospère et pacifique au dedans, puissant et respecté au dehors. La France lavera ses hontes de Metz et de Sedan, ses armées victorieuses rétabliront l’ordre et la paix dans le monde ; car le grand roi ne combattra jamais par ambition, mais uniquement pour le triomphe de la justice. (Voir n°127.)

(119) Depuis longtemps ce grand règne était prédit par les prophètes. Dieu avait multiplié pour l’annoncer les voix de l’avenir (il n’y a pas moins d’une quarantaine de prophéties qui en parlent); mais il attendait son heure pour accomplir sa promesse. « La parole est à la France et l’heure à Dieu. » (Lettre d’Henri V.)

(120-121) « On se dira que j’ai la vieille épée de la « France dans la main, et dans la poitrine ce cœur de roi et de père qui n’a point de parti. Je n’ai ni injure à venger, ni ennemis à écarter, ni fortune à refaire, sauf celle de la France; et je puis choisir partout les ouvriers qui « voudront loyalement s’associer à ce grand ouvrage Je ne ramène que la religion, la concorde et la paix, et je ne veux exercer de dictature que celle de la clémence, parce que dans mes mains, et dans mes mains seulement, la clémence est encore la justice. (Lettre d’Henri V.)

(122-123) Homère appelle les rois des pasteurs d’hommes, et Dieu parlant par la bouche d’Isaïe et appelant Cyrus par son nom cent cinquante ans avant son règne, lui dit : « Vous êtes le pasteur de mon troupeau, et vous accomplirez ma volonté en toute chose. » (Isaïe, C. XLIV, V. 28.) C’est de cette façon qu’Henri V est appelé le pasteur de la Celte-Gaule. Il est dit qu’il sera seul pasteur, car la France ne formera qu’un coeur et qu’une âme pour aimer son roi sans distinction de partis.

« Ce que je demande, vous le savez : c’est de travailler à la régénération du pays; c’est de donner l’essor à toutes ses aspirations légitimes ; c’est, à la tête de toute la maison de France (la branche cadette reconnaît enfin Henri V pour son chef), de présider à ses destinées. » (Lettre d’Henri V.)

(124) Je marcherai devant vous, j’humilierai les grands de la terre, et briserai les portes d’airain et les gonds de fer. Je vous ai pris par la main droite….. J’ouvrirai toutes les portes devant vous sans qu’aucune vous soit fermée. (Isaïe, C. XLIV, V. 1-2.)

(123) Louis-Philippe n’était pas bien assis (voir n° 88), parce qu’il avait pris pour base de son gouvernement les principes révolutionnaires. Et Dieu le jette bas. Sachons reconnaître enfin que l’abandon des principes est la vraie cause de nos désastres. Une nation chrétienne ne peut pas impunément déchirer les pages séculaires de son histoire, rompre la chaîne de ses traditions, inscrire en tête de sa constitution la négation des droits de Dieu, bannir toute pensée religieuse de ses codes et de son enseignement public. Dans ces conditions, elle ne fera jamais qu’une halte dans le désordre; elle oscillera perpétuellement entre le césarisme et l’anarchie, ces deux formes également honteuses des décadences païennes, et n’échappera pas au sort des peuples infidèles à leur mission. (Lettre d’Henri V,ut supra.)

(126) « …Je suis le fondé de pouvoir nécessaire pour mettre à sa place ce qui n’y est pas, et gouverner avec la justice et les lois, dans le but de réparer les maux du passé et de préparer enfin un avenir. » (Lettre d’Henri V,ut supra.) Le triomphe de la religion sera tel, que l’on n’a jamais rien vu de semblable : toutes les injustices seront réparées; les lois civiles seront mises en harmonie avec celles de Dieu et de l’Eglise ; l’instruction donnée aux enfants sera éminemment chrétienne. Les corporations seront rétablies. (La Prophétie de Blois. Voir la brochure de M. l’abbé Richaudeau.)

(127) Ecoutons parler le vénérable Barthélemy Holzhauser, mais auparavant disons quelques mots de ce personnage. Ce saint prêtre, curé de Bingen, naquit en 1613, et mourut en 1658 en odeur de sainteté. Il fut, durant sa vie, le restaurateur de la discipline ecclésiastique en Allemagne au XVIIe siècle. Consulté par Charles II, roi d’Angleterre, alors en exil, il prédit que les Anglais, de nouveau convertis (voir n° 133) un jour à la foi catholique, feraient plus pour l’Eglise qu’après leur conversion primitive. Dès 1635, il avait annoncé que le sacrifice éternel, la sainte messe, serait supprimé en Angleterre pendant cent vingt ans ; ce qui nous, rapporte à l’année 1778, où fut aboli le décret de 1658, qui punissait de mort l’exercice du culte catholique dans ce pays. Il a également prédit les ravages du joséphisme, le châtiment des guerres de l’Empire et les destinées de Pie VII, qu’il désigne comme saint Malachie sous le nom d’aigle ravisseur, aquila rapax.

C’est favorisé de communications célestes, au milieu de cruelles épreuves, passant des journées entières dans le jeûne, la prière et la plus grande solitude, qu’il écrivit son Interprétation de l’Apocalypse, qui a eu un retentissement universel. Voici comment il parle de l’époque révolutionnaire à la fin de laquelle nous nous trouvons : Nous ne voyons partout, dit-il, que calamités déplorables; tout est dévasté par la guerre ; les catholiques sont opprimés par les hérétiques et les mauvais chrétiens ; l’Eglise et ses ministres sont rendus tributaires; les principautés sont bouleversées, les monarques mis à mort; les hommes conspirent à ériger des républiques.

Vers la fin du 5e état de l’Eglise (c’est l’époque où nous nous trouvons), lorsque plusieurs abjureront la foi, que le démon paraîtra partout déchaîné, et que la plus grande tribulation règnera sur toute la terre, les ministres attachés à la religion et à leurs devoirs seront méprisés, regardés comme les derniers des hommes; mais Dieu aura enfin égard à leur patience, à leur fermeté et à leur persévérance, et il les récompensera dans le 6e état de l’Eglise par la consolation qu’ils auront de travailler avec fruit à la conversion des pécheurs et des hérétiques.

Le 6e état de l’Eglise (où nous sommes sur le point d’entrer) sera un état florissant pour la religion. Il commencera par le règne du Monarque fort et du Pontife saint, et durera (le 6e état de l’Eglise) jusqu’à la naissance de l’Antéchrist. (Voir ci-dessous, n°135.) En ce temps-là, toutes les nations infidèles retourneront à l’unité de la foi orthodoxe; le clergé se rendra très-recommandable par la pureté de ses, mœurs et la régularité de sa conduite; les fidèles chercheront avec le plus grand soin le royaume de Dieu et sa justice. Il se fera un changement étonnant par la main du Dieu tout puissant, tel que personne ne peut se l’imaginer. Car le Monarque puissant qui viendra comme envoyé de Dieu détruira les républiques de fond en comble; il soumettra tout à son pouvoir, et emploiera son zèle à exalter la vraie Eglise du Christ. Toutes les hérésies seront reléguées en enfer, l’empire ottoman sera ruiné, et le grand Monarque
règnera en Orient et en Occident. (Les traditions allemandes et polonaises sont unanimes à parler d’une guerre générale où l’Orient et le Nord lutteront contre l’Occident et le Midi. L’Occident et le Midi seront victorieux sous la conduite d’un chef qui s’élèvera tout à coup, après quoi une seule religion unira tous les hommes.)

Alors toutes les nations viendront et adoreront le Seigneur leur Dieu dans la vraie foi catholique et romaine. (Voir nos 131 et suivants.) Beaucoup de saints et de docteurs fleuriront sur la terre. Les hommes aimeront le jugement et la justice. La paix règnera dans tout l’univers, parce que la puissance divine liera Satan pour plusieurs années, jusqu’à ce que vienne le fils de perdition, qui le déliera de nouveau. (Interprétation de l’Apocalypse, ou Histoire des sept âges de l’Eglise, par B. Holzhauser, édit.Vivès, 1857.)

Il y a une tradition constante et universelle sur ce grand règne. Le lecteur pourra voir au n° 216 les paroles prophétiques de saint Remy à Clovis la veille de son baptême Hippolyte, évêque sicilien, dit, en rapportant cette prophétie, que le grand Monarque français qui doit soumettre tout l’Orient arrivera vers la fin des temps. L’auteur du livre le Grand Pape et le Grand Roi rapporte que Raban Maur, d’abord abbé de Fulde en 822 et ensuite archevêque de Mayence, disait : « Nos principaux docteurs s’accordent pour annoncer que, vers la fin des temps, un des descendants du roi de France règnera sur tout l’empire romain, et qu’il sera le plus grand des rois de France et le dernier de sa race. » »

Le moine Adson répète cette tradition antique au Xe sièle. (Le Grand Pape et le Grand Roi, p. 47.) C’est de la splendeur de ce règne et de la paix admirable qui fleurira durant son cours, quand le grand Monarque aura triomphé de la révolution et de l’impiété, que parle sainte Hildegarde, contemporaine de saint Bernard (voir ce qui est dit de cette sainte au n° 135), en plongeant son regard prophétique dans la suite des siècles. (Liber divinorum operum simplicis hominis.) Saint Césaire, évêque d’Arles, dont les prédictions furent recueillies et fondues avec d’autres par Jean de Vatiguerro, qui introduisit plusieurs erreurs dans sa compilation, annonce qu’un prince captif dans sa jeunesse (juvenis captivatus) recouvrera la couronne du lys et étendra partout sa domination. En même temps il y aura un grand Pape très-saint et très-parfait en toute perfection, et il sera couronné par les saints anges. Ce Pape aura avec lui ce roi, homme très-vertueux, qui sera des restes du sang très-saint des fois des Français. (Liber mirabilis, édit. de 1524.)

David Pareus, dans son commentaire sur l’Apocalypse (Heidelburg, 1618, p. 390), cite une antique prophétie qui s’accorde avec ces anciens oracles, et parle, comme Holzhauser, de la destruction de l’empire des Turcs par ce même prince. Ce dernier fait est passé à l’état de tradition dans tout l’Orient. Cornelius a Lapide cite, dans le chapitre XVII de son commentaire sur l’Apocalypse, une lettre que saint François de Paule, le fondateur des Minimes, avait écrite le 13 août 1469 à Simon de Limena, seigneur de Montalte, dans laquelle le saint annonce les mêmes événements. Enfin les traditions allemandes que nous avons mentionnées plus haut parlent unanimement du grand Monarque, et les prophéties et traditions polonaises s’accordent à dire que l’époque du rétablissement de la Pologne par un grand monarque français ne saurait être éloignée.

(128) Henri V est le rejeton de Hugues Capet.

(129) A la vue des biens de cette ère de rénovation, le prophète éclate en actions de grâces.

(130) On dit que l’indépendance de la Papauté m’est chère, et que je suis résolu à lui obtenir d’efficaces garanties. On dit vrai. La liberté de l’Eglise est la première condition de la paix des esprits et de l’ordre dans le monde. Protéger le Saint-Siége fut toujours l’honneur de notre patrie et la cause la plus incontestable de sa grandeur parmi les nations. Ce n’est qu’aux époques de ses plus grands malheurs que la France a abandonné ce glorieux patronage. (Lettre d’Henri V, ut supra.) Saint Césaire, dont nous avons parlé au n° 127, après avoir annoncé le grand Monarque et le grand Pape, continue en ces termes : « Ce Pape réformera tout l’univers par sa sainteté, et ramènera à l’ancienne manière de vivre, conformément aux disciples du Christ, tous les ecclésiastiques ; et tous le respecteront à cause de ses éminentes vertus. Il ramènera plusieurs princes au Saint-Siége, en les tirant de leur erreur et de leur vie criminelle; il convertira presque tous les infidèles, mais principalement les juifs, et le grand Monarque l’aidera à réformer l’univers. » (Voir nos 131 et 138)

Ce Pape est appelé par saint Malachie lumen in coelo, la lumière dans le ciel. (Voir note 127.) Au commencement du 6e état de l’Eglise, on célébrera un concile général œcuménique, tel qu’on n’en aura jamais vu; on y reconnaîtra une protection toute puissante du ciel en ce que, par la puissance du grand Monarque et l’autorité du Pontife saint et de tous les princes réunis, toute hérésie, toute impiété et tout athéisme seront bannis pour jamais de dessus la terre. (Voir plus bas les prédictions de la Sœur de la Nativité, nos 189-198.)

Le vrai sens de l’Ecriture ne souffrira plus d’interprétation arbitraire, mais il sera posé clairement et reçu de tout le monde. Quoiqu’il soit dit que le Monarque fort détruira la monarchie des Turcs et soumettra à son empire et à celui de l’Eglise catholique toutes les nations barbares et infidèles, ils conserveront néanmoins une petite partie de leurs possessions, mais sans autorité et sans puissance, jusqu’au règne de l’Antéchrist ou du fils de perdition.

Par un juste jugement de Dieu, la Palestine et la Terre-Sainte formeront cet empire des Turcs, et jamais ces pays ne rentreront dans le bercail de Jésus-Christ, parce que c’est là que doit naître et commencer à régner le fils de perdition. (B. Holzhauser, ut supra. Voir nos 188, 195, 196 et suivants.)

(131) Nombreuses conversions non seulement d’individus qui abjurent leurs erreurs, mais aussi des peuples qui viennent puiser dans la foi véritable les eaux qui rejaillissent jusqu’à la vie éternelle. (Voir n° 127.) (132) Voir n° 127. Le prophète parle sans doute de la Russie, de l’Allemagne protestante et de la Turquie.

(133) L’Angleterre se convertit aussi. Les Iles Britanniques forment ce grand peuple de la mer dont les deux tiers, l’Angleterre et l’Ecosse, ont abandonné l’unité de l’Eglise romaine sous le règne d’Henri VIII, tandis que l’autre tiers, l’Irlande, lui est demeuré fidèle. (Voir n°127.) Nous avons parlé, au n° 112, d’une prophétie du P. Necktou; voici ce qu’elle contient au sujet de l’Angleterre : « L’Angleterre éprouvera à son tour une révolution plus affreuse que la première révolution française, et cette révolution durera assez longtemps pour donner à la France le temps de se rasseoir, et ce sera la France qui aidera l’Angleterre à rentrer dans la paix.« 

Ces paroles du P. Necktou se trouvent confirmées par une antique prophétie de l’abbaye de Prémol, publiée pour la première fois en 1870 par M. de Stenay dans l’Avenir dévoilé, où il a établi son authenticité. Voici le passage où il est parlé de l’Angleterre : « Et toi, ô superbe Tyr (Londres, la Tyr moderne), qui échappes encore à l’orage, ne te réjouis pas dans ton orgueil. L’éruption du volcan qui brûle tes entrailles approche, et tu tomberas plus avant que nous dans le gouffre. L’Angleterre a péché comme nation en persécutant l’Eglise et en se faisant la complice de toutes les révolutions. »(Voir n° 162.) Aussi, en vertu d’une loi rigoureuse de la Providence, qui punit et récompense les peuples, comme peuples, sur cette terre, théâtre de leurs œuvres, elle doit être châtiée au commencement de cette ère nouvelle où le père de famille nettoie son aire et vanne son grain. Mais la miséricorde tempérera la justice, et son châtiment aura pour résultat d’en faire de nouveau l’Ile des Saints. Un document de haute importance sur les projets que la révolution nourrit au sujet de l’Angleterre, ce sont les résolutions votées dans la séance du conseil général de l’Internationale le 1er janvier 1870, et qui ont été publiées par M. Testut.

Quoique l’initiative révolutionnaire, y est-il dit, doive partir de la France, l’Angleterre seule peut servir de levier pour une révolution sérieusement économique. C’est le seul pays où il n’y ait plus de paysans et où la propriété foncière est concentrée en peu de mains ; C’est le seul pays où la forme capitaliste — c’est-à-dire le travail combiné sur une grande échelle sous des maîtres capitalistes — s’est emparée de toute la production; c’est le seul pays où la grande majorité de la population consiste en ouvriers salariés ; c’est le seul pays où la lutte des classes et l’organisation de la classe ouvrière par les Trades-Union ont acquis un certain degré de maturité et d’universalité, à cause de sa domination sur le marché du monde ; c’est le seul pays où chaque changement dans les faits économiques doit immédiatement réagir sur tout le monde. Si le land-lordisme et le capitalisme ont leur siège dans ce pays, par contrecoup les conditions matérielles de leur destruction y sont plus mûries. Le conseil général étant placé dans la condition heureuse d’avoir la main sur ce grand levier de la révolution prolétaire, quelle folie de le laisser tomber entre des mains purement anglaises! La position de l’Association internationale vis-à-vis de la question irlandaise est très-nette. Notre premier besoin est de pousser la révolution en Angleterre; à cet effet, il faut frapper le grand coup en Irlande. Par ordre du conseil général de l’Association internationale des travailleurs, Le Secrétaire correspondant pour la France, Signé : EUGÈNE DUPONT.

(134) Il est téméraire de préciser à l’avance la durée des époques, comme ont voulu le faire quelques auteurs qui se sont presque toujours gravement fourvoyés. Pour qu’un calcul de ce genre soit exact, il faut apprécier non seulement le nombre d’années représentées par les lunes, ce qu’une simple addition ou multiplication fait bientôt connaître, mais encore et surtout (car c’est ici le point essentiel sur lequel on ne saurait trop insister) il faut être instruit de la base sur laquelle doit s’appuyer la supputation, et cette base demeure, jusqu’à l’événement, presque toujours mystérieuse.

(135) Naissance de l’Antéchrist. Par le sacrement du Mariage, l’homme et la femme ne forment plus qu’un seul corps, comme il est dit dans l’Ecriture ; voilà pourquoi le prophète, parlant de la naissance illégitime de l’homme du mal, se sert du terme de deux sangs, comme d’une expression plus chaste et plus voilée. L’expression deux sangs peut signifier aussi qu’il y aura dans l’Antéchrist du sang de deux races. L’opinion commune le fait en effet descendre de la race juive et de la race turque. Plusieurs auteurs placent la naissance du fils de perdition à une époque bien antérieure à celle que désigne la prophétie d’Orval. Il en est de même un certain nombre qui vont jusqu’à prétendre qu’il serait déjà né. Les uns et les autres ont les plus graves autorités contre eux. La prophétie d’Orval touchant l’époque de la naissance de l’Antéchrist se trouve en effet confirmée :

1- Par la révélation de Sainte Hildegarde, abbesse du monastère du mont Saint-Rupert, dans le diocèse de Mayence, contemporaine de saint Bernard, et dont les œuvres ont été examinées et louées au concile de Trèves par le pape Eugène III (Migne les a éditées de nos jours et les a réunies dans le CXCVIIe volume de sa Patrologie.) Or, elle dit positivement que la naissance de l’Antechrist sera accompagnée d’une recrudescence inouïe d’hérésies de toutes sortes, de guerres et de maux de toute nature ; que la foi sera tellement faible, que les hommes en viendront à se demander quel Dieu ils doivent invoquer, et qu’enfin il y aura des signes dans le soleil, la lune, les étoiles et les éléments. Ces tribulations, ajoute-t-elle, suivront une marche progressive jusqu’au jour où le fils de perdition prêchera publiquement sa doctrine perverse. (Edit. Migne, page 1027.) L’Antéchrist n’est donc point né, puisque les malheurs dont parle sainte Hildegarde, sont incompatibles avec la victoire de l’Eglise durant le 6e âge, où nous sommes sur le point d’entrer.

2° La Soeur de la Nativité, dont nous citerons plus loin quelques passages, annonce dans ses révélations célèbres que la naissance de l’Antéchrist sera promise aux méchants par le démon comme une revanche du triomphe de l’Eglise
durant le 6e âge. (Voir le 4e vol. des Révélations de la Soeur de la Nativité.)

3° La Soeur Anne-Catherine Emmerich, née à Flamske, diocèse de Munster, en 1774, et morte en 1824, dont les révélations merveilleuses sur la vie et la passion de Notre Seigneur Jésus-Christ ont eu un retentissement européen, en décrivant la venue de Jésus-Christ dans les limbes le vendredi saint, raconte que celui-ci descendit en vainqueur jusqu’aux enfers, où il fit enchaîner Lucifer; mais il lui fut montré en même temps que ce dernier serait relâché pour un temps, cinquante ou soixante ans avant l’an 2000 du Christ. Or, comme l’Antéchrist ne commencera pas à régner, d’après l’avis des Pères, avant l’âge de trente ans, sa naissance n’aurait pas lieu avant l’an 1910 ou 1920. (La Douloureuse Passion de Jésus-Christ, d’après Anne-Catherine Emmerich, par l’abbé Cazalès.)

4° Le V. B. Holzhauser dit catégoriquement(voir n° 127) que le 6e âge de l’Eglise durera jusqu’à l’époque de la naissance de l’Antéchrist. Il est vrai qu’on a voulu s’appuyer sur un calcul qu’avait établi le Vénérable au sujet du nombre mystérieux de 666 (Apocal., XIII, 18) pour prouver que l’Antéchrist était né en 1885, ce qui contredirait le passage précédent. Mais on n’a pas assez remarqué qu’il faut distinguer ce qu’écrivait l’auteur sous la lumière de l’inspiration divine, d’avec les calculs auxquels il lui plaisait de se livrer, et qui n’ont, comme tous ceux que les Pères ont faits à ce sujet, qu’une valeur purement individuelle ; car il ne faut pas croire que les hommes inspirés le soient toujours, en tout et pour tout. Ainsi donc, la contradiction n’est purement qu’apparente.

5° Enfin saint Paul nous avertit que l’apostasie générale doit précéder la venue de l’homme du mal. Nisi venerit DISCESSIO PRIMUM, et revelatus fuerit homo peccati. (II aux Thessalon., C. II, V. 3.) Or, cette apostasie, quoiqu’elle ait commencé à se produire de nos jours, sera entièrement enrayée durant le 6e âge de l’Eglise, et ne recommencera guère à s’introduire chez les nations qu’à l’époque dont parle le prophète d’Orval : Moult mal, guère de bien en ce temps-là.

(136). Sainte Hildegarde a de très-curieux et très-intéressants passages sur cette apostasie.

(136) Décadence des successeurs d’Henri V. Ce prince aura-t-il des héritiers? Nous ne le pensons pas, car la tradition dit que le grand Monarque n’aura pas d’enfants. (Voir n°127.) Après lui la fleur blanche règnera quelque temps encore avec les Bourbons; mais ce sera une époque de décadence universelle. « En ce temps-là, dit sainte Hildegarde, les empereurs qui feront revivre l’ancienne gloire de l’empire romain (le grand Monarque doit être proclamé empereur d’Occident, et ses successeurs hériteront de son titre) perdront la force et la vigueur dont ils avaient d’abord fait preuve dans leur gouvernement. Leur gloire ne sera que faiblesse; de sorte que, par une permission divine, leur pouvoir
diminuera peu à peu et finira par leur échapper, à cause de leur vie tiède, servile, vaine, et de leurs mœurs honteuses.

Aussi perdront-ils l’estime dont le peuple les entourait. C’est pourquoi les rois et les princes d’un grand nombre de nations se sépareront de l’empire romain auquel ils étaient soumis, n’en voulant plus supporter le joug ; et chaque pays et chaque peuple se choisira un roi particulier. Mais lorsque le sceptre impérial aura été ainsi partagé sans retour, la tiare de la dignité apostolique sera déchirée, et tout cela se fera par des guerres et par le conseil des grands. La Sainte parle de plusieurs époques de calamité entremêlées de temps de prospérité de plus en plus courts, qui doivent précéder et préparer le règne de l’Antéchrist. (Liber divinor. operum, édit. Migne. Voir pour ces diverses alternatives n° 201 et la suite. )

(137) Fin de la royauté en France. La grande nation tombe dans l’anarchie et l’obscurcissement.

(138) Une partie des juifs se sera déjà convertie à l’époque de la grande rénovation. En ce moment ils se convertiront en foule et reconnaîtront Jésus-Christ pour leur Dieu.

(139-140) Les deux tiers et demi de la France et des autres nations (gens) n’ont plus de foi. Pensez-vous que lorsque je reviendrai dans ce monde, je retrouve encore la foi ? avait dit Notre-Seigneur à ses apôtres.

(141-141 bis) Enoch et Elie combattent l’Antéchrist et sont mis à mort par lui. C’est ainsi que le combat de l’Eglise se poursuit à travers le temps. Elle est souvent opprimée, mais elle sort toujours victorieuse au moment où on la croit terrassée. Dans sa lutte suprême et dernière, sa ressemblance avec son Chef sera plus parfaite encore. Son ennemi chantera sur son tombeau, qu’il croira scellé à jamais. Réduite à un petit nombre de fidèles fugitifs et dispersés, on la croira anéantie, mais ce sera pour ressusciter à jamais triomphante avec son céleste Epoux. Il n’entre pas dans le cadre de cette deuxième partie de traiter de la fin des temps. Nous ne pouvons néanmoins nous dispenser d’en dire un mot en passant, car ce sujet s’est déjà présenté de lui-même à nous plusieurs fois, notamment dans les notes du n° 127, et se représentera encore dans le cours de cet ouvrage. Parler de la fin du monde est une chose qui fait rire aujourd’hui. Cette incrédulité pour la fin des temps est cependant le meilleur argument que nous ayons de sa proximité ; mais avant de le démontrer rapidement, je veux choisir un autre signe parmi le grand nombre de ceux qui annoncent que l’époque ne saurait être très-reculée.

Le premier, c’est l’extension universelle de la dévotion au Sacré-Coeur de Jésus. La bienheureuse Marguerite-Marie Alacoque, née en 1647 et morte en 1690, dont Dieu s’est miraculeusement servi pour établir cette dévotion, et. qui a été béatifiée en 1864 par Pie IX, dit que Notre-Seigneur; lui fit connaître son dessein de manifester son cœur, aux hommes, et de leur donner dans les derniers temps ce dernier effort de son amour. (Voir sa Vie, p. 234.) Sainte Gertrude raconte lé même fait. On lit dans la Vie de cette sainte qu’un jour, étant favorisée d’une apparition de saint Jean l’évangéliste, elle lui demanda pourquoi, ayant reposé sur le sein de Jésus-Christ durant la cène, il n’avait rien écrit pour notre instruction sur le mouvement de son coeur, et que ce saint lui répondit ces paroles remarquables : « J’étais chargé, d’écrire pour l’Eglise encore naissante la parole du Verbe incréé de Dieu le Père; mais la suavité du mouvement de ce coeur, Dieu s’est réservé de la faire connaître dans les derniers temps, dans la vieillesse du monde, afin de rallumer la charité qui sera notablement refroidie. (Insinuat., 1. IV, C. IV.)

Le deuxième signe, c’est cette incrédulité dont je parlais tantôt. A diverses époques, notamment lors de la destruction de Rome, et plus tard durant les malheurs du Xe siècle, les peuples, frappés de l’évidente conformité de plusieurs des signes annoncés pour la fin du monde (époque à laquelle ils se renouvelleront tous) avec ceux dont ils étaient les témoins, se crurent arrivés à ce moment décisif. Les docteurs, saisis de crainte comme les fidèles, prêchèrent la fin des temps. Dès lors on cessa de vendre et d’acheter, le cours ordinaire de la vie fut suspendu, et l’on attendait l’an 1000 avec épouvante. En conséquence, l’Eglise dut rendre une décision interdisant de traiter dans la chaire ces sujets alarmants. Elle savait en effet, dans sa profonde sagesse, que la meilleure preuve que les temps étaient encore éloignés, c’était cette foi vive qui portait les fidèles à surveiller les signes et à attendre patiemment la réalisation des paroles de l’Evangile. Saint Paul déjà avait dû pareillement avertir les premiers chrétiens que l’époque du fatal dénouement n’était pas encore arrivée, et c’est à ce sujet qu’il leur écrivit ses prédictions sur 1’Antéchrist.

Voici donc quel sera jusqu’au dernier moment le cours des choses ici-bas, malgré tous les signes avant-oureurs auxquels le plus grand nombre ne voudra prêter aucune attention, et qu’il expliquera toujours par des moyens humains : Ce qui est arrivé à l’époque de Noé arrivera pareillement encore dans les jours du Fils de l’homme. On mangeait et on buvait, on se mariait, jusqu’au moment où Noé entra dans l’arche, et alors arriva le déluge qui les perdit tous. Il en sera aussi comme du temps de Loth; on mangeait et on buvait, on achetait et on vendait, on plantait et on bâtissait. Mais le jour où Loth sortit de Sodome, une pluie de feu et de soufre tomba du ciel et les perdit tous. Telle sera la conduite des hommes lorsqu’arrivera le jour de la manifestation du Fils de l’homme. (Saint Luc, C.XVII, , V. 26, 27, 28, 29, 30.) Ainsi, plus on avance vers le terme, plus il faut nécessairement s’attendre à rencontrer de l’incrédulité sur la proximité de ces derniers jours.

Sources : Henri V ( Le Grand Monarque ) Albert De Bec 1871

Publié par Napo

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