La mortification et la patience du Bienheureux Grégoire Lopez, ce grand serviteur de Dieu allaient jusqu’à un tel point que ceux qui ne regardent les choses spirituelles qu’avec des yeux corporels sont incapables de comprendre combien elles étaient admirables.
Au moment où il fut arrivé dans la solitude, il mit les genoux en terre, prenant sa discipline, il commença comme un vaillant soldat de Jésus-Christ qu’il était à maltraiter et châtier son corps. Mais son Capitaine, dont la sagesse est infinie, ne lui permit pas de laisser emporter à sa ferveur.
Il lui dit :
« Un autre vous ceindra et vous mènera où vous ne voudrez pas aller« .
Lui faisant entendre par ces paroles qu’il tenait les chaînons de cette discipline pour en user comme il lui plairait, et non pas comme il le voudrait ; et il le fit bien voir en lui donnant à pleines mains de quoi mériter non seulement extérieurement par de continuelles maladies et des travaux qu’il supporta avec un courage extraordinaire, mais intérieurement dans l’esprit par des peines incomparablement plus grandes.
Dieu commença par l’exercer intérieurement dans des choses si pénibles qu’il eut besoin d’une patience aussi extraordinaire que celle qu’il lui donna. Car cela alla jusqu’à une telle extrémité qu’il me dit qu’il ne croyait pas qu’elle pût être plus grande, qu’il ne pouvait s’en souvenir sans trembler, et qu’il n’en dirait jamais les particularités. Mais même si nous ne les connaissions pas, il est facile de juger par les réponses qu’il donnait à ceux qui venaient le consulter sur leurs peines intérieures qu’il les avait éprouvées. Car il leur répondait si précisément qu’ils reconnaissaient qu’il en parlait par expérience et se consolaient en le voyant arrivé si heureusement au port après avoir été battu de tant de tempêtes.
Lorsque je lui parlais de ses grands travaux et lui disais qu’ils devaient lui être bien pénibles, il me répondait :
« Il y a des personnes qui portent de beaucoup plus pesants fardeaux que ceux-là« .
D’où l’on peut juger que ce qu’il avait souffert allait beaucoup au-delà de ce qu’il en disait, puisqu’étant comme il était dans un ardent désir de purifier son âme et toujours occupé dans une oraison fervente, quelle peine ne lui donnait pas cette multitude de tentations de la chair, et ces images de choses déshonnêtes que le démon lui faisait voir d’une manière plus vive que les choses mêmes qu’elles représentaient ? Car encore que notre Seigneur lui fit la grâce de surmonter toutes ces tentations, cela n’empêchait pas de lui être une extrême peine et une sensible douleur de voir qu’il aurait par le moindre petit manquement de sa volonté été en péril de consentir, et d’autant plus que Dieu ouvre davantage les yeux à ceux qui sont les plus spirituels, et leur fait mieux connaître le danger où ils se trouvent, afin qu’ils prennent plus garde à ne faire point de faux pas dans le chemin si étroit qui conduit au ciel.
On peut juger par là ce que souffrit Grégoire Lopez dans ces rencontres, voyant que sa résistance et sa vertu n’empêchaient pas ses ennemis de lui livrer une continuelle guerre, et qu’ils ne l’attaquaient pas seulement au-dehors, mais en lui-même, pour le porter à faire mal et l’empêcher de bien faire. Mais quelque grands et redoutables que fussent leurs efforts, au lieu de l’étonner, ils augmentèrent sa joie et son assurance, parce que c’était pour la gloire de Dieu qu’il les soutenait.
Il résistait de la même manière à tant de raisons que ces anges de ténèbres lui opposaient contre notre sainte foi, et aux doutes qu’ils s’efforçaient de faire naître sur cela dans son esprit, sachant que comme la foi est le fondement de la vie spirituelle, il n’y a point de tentations qui soient plus pénibles. Mais la fermeté de la foi de ce serviteur de Dieu et sa profonde humilité les mettaient bientôt en fuite. Ils revenaient ensuite au combat pour le troubler dans son recueillement par des pensées de blasphèmes, mais quand on a pris un vol spirituel tel qu’était celui de Grégoire Lopez et que l’on est aussi avancé qu’il l’était dans l’amour de Dieu, on sort toujours avec avantage de ces combats.
Ce n’est pas une petite peine pour ceux qui marchent dans la voie spirituelle qu’une manière de défaillance par laquelle le démon tâche de les arrêter. Car l’âme désire plaire à Dieu et s’avancer dans cette voie, ce relâchement et cette faiblesse dans lesquels elle se trouve font qu’il lui semble impossible d’avancer d’un pas. Et d’ailleurs, comme elle sait qu’il faut avancer avec courage pour plaire à Dieu, cela lui est une grande peine de se voir réduite en cet état, et elle a besoin d’un grand courage pour le pouvoir souffrir avec patience et en profiter. Dieu fit la grâce à son serviteur de lui donner ce courage, et de lui faire connaître en même temps qu’il devait attribuer tout bien qu’il faisait à sa bonté, comme étant l’adorable source de tout bien.
Les parfaits sont sujets à souffrir de très fortes peines parce qu’étant arrivés à un haut degré de charité, ils s’affligent des maux d’autrui comme s’ils étaient les leurs propres. Ainsi, on ne saurait assez dire quelle était la douleur de Grégoire Lopez en voyant l’aveuglement des pécheurs, l’opiniâtreté des hérétiques et la quantité d’âmes qui étaient chaque jour précipitées dans l’enfer. Ce sont véritablement de très grands sujets d’affliction. À cela, il faut ajouter l’extrême déplaisir que lui donnaient la famine, les maladies, les guerres et les autres fléaux dont Dieu châtie les peuples dans sa colère.
Il avait naturellement une grande répugnance aux mauvaises odeurs et ne voulut jamais en avoir de bonnes, ni recevoir aucunes fleurs que très rarement, et ce, pour ne pas attrister ceux qui les lui donnaient. Dès qu’il commença à vivre en solitude, il résolut de ne manger jamais pour satisfaire son goût, mais seulement pour soutenir sa vie, et il observa cela religieusement jusqu’à sa mort. Ainsi, lorsqu’on lui présentait de manger un melon, des raisins ou des figues qui étaient très estimés dans cette région et excellents, il ne mangeait que le melon en disant :
« C’est assez pour cette année. »
Il mangeait seulement un grain de raisin et disait :
« Cela suffit pour cette année. »
Il mangeait la moitié d’une figue et disait la même chose.
Le démon représente à ceux qui aspirent à la perfection, et principalement lorsqu’ils commencent, que tout le monde se lèvera contre eux, comme cela arrive à tous ceux qui ont embrassé la vertu, qu’on les persécutera par des calomnies en leur attribuant les crimes qu’ils abhorrent le plus, et que, s’ils profitent à quelques-uns par l’exemple de leur bonne vie, cet exemple servira de scandale et de chute à plusieurs autres. Or, bien que de telles tentations semblent faciles à négliger, il est certain que lorsque Dieu laisse la bride à notre ennemi pour nous tourmenter, la peine qu’il fait subir de cette manière aux gens de bien est plus dure qu’une pénitence corporelle, même si cela ne semble pas ainsi.
Il est apparu que Dieu avait bien instruit Grégoire Lopez de tous ces artifices, non seulement par la tranquillité avec laquelle il supportait de tels combats, mais aussi par les merveilles qu’il a opérées par lui et en lui. Je veux rapporter ici une chose qui m’a édifié énormément, car elle est très rare. J’ai observé attentivement pendant plusieurs années que cet homme admirable ne se lassait jamais de marcher dans le chemin de la vertu.
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Et bien que je pensais parfois que les actes continus d’amour envers Dieu qu’il accomplissait pouvaient expliquer cette grande attention, je ne pouvais m’empêcher d’en douter jusqu’à ce que Dieu daigne m’ouvrir les yeux pour comprendre que cette persévérance venait du fait que l’amour qu’il avait pour Dieu et pour son prochain à cause de Dieu lui était toujours présent. À cela, il me répondit une fois avec un visage gai et tranquille :
« Il est vrai que je ne saurais prendre de repos tant que mes frères se trouveront engagés dans tant de travaux et de périls, car il n’est pas juste que je pense à me reposer pendant qu’ils y sont exposés. Dieu me garde de faire une telle lâcheté. Il suffit qu’un d’entre eux fasse un pas dans la danse pour que je continue toujours de mener la danse pour lui. »
Ce que j’admirais le plus en lui, c’était qu’il ne jetait jamais les yeux sur les avancements que Dieu accorde si généreusement à ceux qui marchent dans la voie de la piété, en considérant combien il avait déjà progressé, et il ne se réjouissait point en se remémorant les péchés qu’il avait évités et les vertus qu’il avait acquises avec l’aide de Dieu, car il ne pensait qu’au chemin qui lui restait encore à parcourir, et il voulait aller plus loin sans s’arrêter pour se reposer.
C’est ainsi que Dieu, à travers de nouveaux combats, lui faisait toujours gagner de nouvelles couronnes, et il me dit un jour que pendant les trois premières années où il s’exerçait dans cette résignation absolue, Dieu l’avait fait marcher par des chemins bien difficiles.
Source : La vie du Bienheureux Grégoire Lopez – Père François Losa – 1674
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