Gabrielle Bossis (1874-1950) est une laïque française, née à Nantes dans une famille aisée. Elle fut infirmière à Verdun et resta célibataire en dépit de nombreuses demandes en mariage .
Vivant dans le monde grâce à une fortune familiale, artiste, elle s’occupait de différentes œuvres pieuses et entreprenait des voyages en Amérique du Nord, en Afrique du Nord et au Moyen-Orient, quand on lui proposa en 1923, elle avait alors cinquante ans, d’écrire des saynettes et de les faire jouer par des jeunes filles de patronage, ce qu’elle fit avec beaucoup de succès.
Cette activité théâtrale la conduisit à organiser de nombreuses représentations en France. En 1936, lors d’un voyage sur un transatlantique, Gabrielle Bossis qui avait 62 ans, vécut une expérience mystique. Elle entendit une voix lui dire “Ma petite fille” et sans jamais voir son Interlocuteur, elle a compris et a cru que c’était Jésus qui inaugurait ce jour là une “causerie” qui devait durer 15 années et donner lieu à environ mille pages de dialogue spirituel consigné dans 7 petits ouvrages dont le premier, publié de son vivant en 1948, s’intitule : Lui et moi.
— 22 août 1936. Sur le paquebot.
Pendant le concert classique, je Lui offrais en gerbes les sons et la douceur qui en sortait. Il m’a dit tout doucement, comme une fois [au Fresne] : « Ma petite Fille. »
— 23 août.
On a fait un autel sur le piano, je pensais aux goélands, aux avions qui viennent se poser sur les paquebots: « Cette fois, c’est le Christ. »
Je disais au milieu du roulis : « Vous savez bien que tout est pour Vous, alors, je ne Vous le dis pas. »
Lui : « Il faut Me le dire parce que J’aime l’entendre. Dis-le Moi souvent : quand tu sais que quelqu’un t’aime, tu es contente qu’on te le dise. »
— 24 septembre. Canada.
La chapelle est à la porte de ma chambre, à chaque fois que je passe, je Lui souris. Il m’a dit : « Souris à tous. J’attacherai une Grâce à ton sourire. »
— 3 octobre. Dans le Saskatchewan.
Lui : « Enferme-Moi dans ton coeur par un signe de croix comme derrière deux barreaux. »
— 4 octobre. Montréal.
Lui : « Quand tu ne te recueilles pas, c’est Moi que tu prives » (d’une voix si délicate).
— 25 octobre. Christ-Roi.
Ce matin, à la messe, M. l’abbé ma consacrée à Dieu posant ma formule dans la pale sous l’Hostie. Il m’a dit : « Occupe-toi de Mon Amour… il n’y a pas un orphelin aussi délaissé que Moi. »
— 25 octobre. Près Québec.
Les enfants ayant terminé leurs cantiques, je Lui disais : « Je ne Vous parle plus en musique. »
Il m’a répondu : « Ma musique, c’est ton amour. »
— 1 novembre 1936. Sur le paquebot qui me ramenait d’Amérique.
A la messe. « Crois à la purification infinie de Mon Sang. »
— 3 novembre 1936.
Retour sur l’« Ile-de-France», transatlantique.
«Ne t’arrête pas au détail. Va, le regard fixé sur Mon Amour. Tu tombes? Relève-toi et regarde-Moi de nouveau. »
Je mettais en pensée ma tête sur Son épaule. Il m’a dit: « Est-ce que tu Me la donnes pour toujours? » Une autre fois, Il m’a dit: « Je cherche des affamés. »
Moi: « Seigneur, donne-moi la soif du martyre. »
Lui: « Ne prendre que la vie que Je puisse t’offrir. »
— 4 novembre. Au retour.
Dernière messe sur le pont. Distraite après la communion, j’ai entendu la voix suave qui disait : « J’attends. »
Décembre. En France. Dans la rue. Moi : « Je marche à côté de Vous. » Lui (doucement) : « Mais tu ne Me parles pas beaucoup… »
— Décembre 1936. En France, Nantes.
Clôture de la neuvaine à N.-D. Immaculée, sous la présidence de Mgr Villepelet. Pendant la procession, Il m’a dit de nouveau : « Ma petite fille. » Et comme je remarquais que mon voisin de L’avenue de Launay portait le dais, je Lui disais : « Donnez-lui des grâces pour ma maison. »
Immédiatement, Il m’a répondu : « Est-ce que Je n’y suis pas chaque matin ? »
Et je me suis souvenue que la messe y est dite chaque jour par Mgr C…, et je l’ai remercié.
— 14 décembre.
« Travaille à être à tous Mon sourire. Mon aimable voix. »
— 15 décembre.
Ce matin à six heures moins cinq, obligée de faire rapidement le Chemin de la Croix avant la messe. Il m’a dit : « Pense à la hâte que J’avais Moi-même de parcourir la Voie douloureuse afin de mourir pour vous. »
— 15 décembre, en France.
Moi : « Je Vous adore. »
Lui : « Aime-Moi surtout ! »
— 16 décembre.
« Sors de tes mesures habituelles. Aime-Moi davantage. »
17 décembre.
« Commençons le Ciel. Aime-Moi sans cesse tandis que Je t’aime. »
— Un soir.
« Où est toute Beauté et tout Charme, Je suis. »
— 18 décembre. 6 heures moins 10, matin.
A la treizième Station du chemin de Croix, je disais : « Donne-moi Ton corps qui fut déposé sur les genoux de la Sainte Vierge. »
Il me répondit : « Le voilà. » Et la clochette sortant de la sacristie retentit, précédant le Saint Sacrement que nous reçûmes dans la communion.
— 19 décembre.
« Tu doutes quelquefois que c’est Moi qui te parle, tellement cela te semble simple et comme de toi-même. Mais toi et Moi, ne sommes-nous pas Un ? »
— 21 décembre.
Comme je Lui demandais de donner, à moi et aux miens, toutes les grâces qui sont refusées par tant d’âmes, Il m’a dit :
« Mes Grâces sont sur mesure, mais Je suis assez riche pour t’en donner d’autres. Ne suis-Je pas l’Infini ? » «Avec Moi, sois simple comme en famille. »
— 24 décembre.
« Sois dure pour toi et douce aux autres. »
— 25 décembre.
« Cache-toi en Moi. Nourris le monde de tes souffrances. C’est comme cela que tu seras Mon épouse. »
— 26 décembre.
« Ton imagination ? C’est le chien de la maison qui circule tout autour. Est-ce qu’on tient rigueur à un chien qui circule ? Fais comme si toujours tu avais été attentive. »
— 28 décembre.
« Quand tu M’aimes, tu te purifies. » « Sois Ma Grâce à chacun. » « Reviens à Moi comme si tu ne M’avais jamais quitté. Tu me feras plaisir. » « Je change tes prières en Mes Prières mais si tu ne pries pas… Puis-Je faire fleurir une plante si tu ne la sèmes pas ? »
— 1er janvier 1937.
«Purement et simplement, ta devise pour cette année. »
— 2 janvier.
« Qu’il te suffise de M’offrir l’instant qui se présente : ainsi, toute ton année sera à Moi. »
— 3 janvier 1937.
« Quand tu es en voyage, Je M’arrange pour prendre en toi d’autres sacrifices à la place de ceux que tu M’offres dans ta maison. »
— 4 janvier.
« Toi qui tiens à la pensée de tes amis, comment ne comprends-tu pas que Je tienne à la pensée de Mes Créatures ? »
— 5 janvier.
« Fais des actes d’espérance. Sors de toi. Entre en Moi. » « Ne juge pas. Connais-tu son âme ? » « Mets-Moi devant toi. Moi d’abord. Toi, après. » « Fais-leur plaisir pour Mon plaisir. »
— 26 janvier.
« Une épouse qui ne contemplerait pas fréquemment les yeux de son Époux, serait-elle une Epouse ? »
— 29 janvier 1937.
« Commence ton chemin de la Croix en sortant de ta maison, en union avec le trajet que J’ai dû faire depuis le jardin de Mon agonie. »
— 7 février.
« Est-ce que tu peux douter de Mon Amour ? » « D’autres seront célèbres sur scènes, avec bruit ; pour toi, reste cachée. »
— 12 février.
« Bien sûr ! Je connais toutes tes misères puisque tu es Ma petite fille ! » « Si tu savais combien Je suis sensible aux petites choses !… »
— 14 février. Dans un car.
« Tu as vu Ma Bienveillance à travers le visage de cette jeune fille ? Sois ainsi toujours. Si Mes Fidèles étaient bons les uns pour les autres, la face du monde serait changée. » « Mais, tes désirs d’amour, c’est de l’Amour. » « Environne-Moi d’amour. » « Il y a dans ton âme une porte qui s’ouvre sur la Contemplation de Dieu. Mais il faut que tu l’ouvres. »
— 14 février. Dans une chapelle :
« Seigneur, veux-Tu que nous restions ici, tous les deux ? »
Lui : « Où tu seras, nous pouvons être tous les deux. Ne t’occupe pas de ce qu’on dira, fais ce que tu dois. »
— 17 février.
« Ne Me laisse pas sans tes souffrances, elles aident les pécheurs.»
— 19 février. Château de C.
« Tu ne veux pas venir Me recevoir pendant ces trois jours, si loin d’une église. Mais Je te donne des rendez-vous : ce sera chaque matin à ton réveil » Hélas ! le lendemain matin j’allais oublier le rendez-vous, quand un petit roitelet est venu sur ma fenêtre chanter avec une voix si perçante d’insistance, que je me suis souvenue tout à coup…
— [?] février. Angers, à la chapelle, place du Ralliement, où Il était exposé.
« Tu vois bien que, où que tu sois, nous sommes tous les deux. » « Mon Amour est là : compénètre-toi. »
— 1er mars. Dans le Rhône, à la gare.
« Tu regardes avec fixité la direction du train qui doit venir. « De même Mes yeux sont fixés sur toi dans l’attente que tu viennes à Moi. » Dans le train. « Ne reste jamais à ne rien faire, tu M’honoreras dans Mon incessante occupation pour votre salut. »
Devant la Loire inondée. « Sois toujours sereine et calme. La rivière ne reflète le ciel que quand elle est calme. »
— 3 mars. Dans le train.
« Mes soleils couchants » c’est encore de l’amour. « Mes créatures qui les regardent pour M’en louer, sont peu nombreuses… pourtant, c’est de l’Amour. » « Si tu n’avais pas de « petites » épreuves, comment pourrais-Je te donner de « grandes » récompenses ! »
— 3 mars.
« Je suis Celui qui aime le plus. » « Rien n’est petit pour Moi. » « Montre dans ta vie que sur la terre on ne se repose pas. »
— 6 mars 1937. Le Havre.
Comme preuve de la vérité de Sa Parole en moi, Il a permis qu’au confessionnal M. le Curé A…, de Saint-François, me répéta Ses mêmes mots :
« Commencez le Ciel. » « Vivre en famille avec Lui. » « Voyez le Christ dans le prochain. »
— Mi-Carême.
Pendant le défilé je suis entrée dans une église pour Le consoler. A ma surprise, dans les nefs vides, les orgues jouaient. Un artiste avait sans doute profité de cette solitude pour étudier. C’était comme une solennité ineffable. Il m’a dit simplement : « Je t’attendais. » « Vois-Moi en les autres. Cela t’aidera à être plus humble. »
— 9 mars.
Je pensais partir à l’Elévation. « Ne t’en va pas si vite (tendrement). Je ne pourrais pas te donner toutes Mes Grâces… »
— 10 mars, traversant Saint-Nicolas, Nantes.
« Je ne suis plus dans la vie de la terre, alors, remplace-Moi. »
— 15 mars, Revenant de jouer à Brest, je pensais :
« Si les circonstances m’avaient menée à faire du cinéma, ma renommée… », tout de suite, Il m’a interrompue: « Je te garde pour Moi. »
— 16 mars. A Notre-Dame.
« Sois tendre. Dans la tendresse, fais le premier pas vers ton prochain. » Le soir, au salut, Il ma répété : « Fais le premier pas ! » « Et quand ce que tu écris ne ferait réfléchir qu’une seule âme !… »
— Dans le train.
« Ne dis pas : « Gloire au Père, au Fils », d’une manière si vague, mais souhaite cette gloire dans tel ou tel de tes actes. »
— 17 mars. Rue du Calvaire.
« J’ai quelque chose à te dire, mais Je ne peux pas te le dire dans la rue. » J’ai pensé que j’étais trop distraite et je suis entrée à Saint-Nicolas. Il m’a dit que mon devoir était de représenter à tous le charme, être Son charme; le reste, succès, fatigue, importe peu.
A lire aussi | Moyens des philosophes pour séduire les classes prolétaires
— 18 mars.
Dans le Puy-de-Dôme, je portais péniblement mes paquets après une nuit bousculée dans le train, et je disais dans les escaliers du souterrain : « Je porte ma croix avec Toi, mais pour Toi, quelqu’un est venu t’aider. » Et aussitôt derrière moi, un monsieur m’a délivrée d’une valise. Hier chez le dentiste. Il ma dit : « J’ai tant souffert pour toi ! tu ne peux pas supporter ça ?…
— 20 mars. Dans la Lozère.
« Sois aimable, bonne, au-delà de tes habitudes. L’Épouse ressemble à l’Époux. Écoute-les parler. Cela leur fait du bien de parler et d’être écoutées. »
— 23 mars. Gênes, au milieu de langages inconnus.
« Cette semaine, unis-toi à Mes silences. »
Moi: « Alors Seigneur, Tu pourrais m’accorder cette Grâce? »
Lui : « Je suis très riche. Rappelle-toi cela. »
A un bénédicité où j’étais fort distraite, Il m’a dit : « Tu crois que c’est petit ? Pour Moi, c’est grand. »
— Rome. Pâques. Eglise de la Minerva.
Je Le remerciais de ses souffrances. Lui : « Jamais tu ne mettras dans ta reconnaissance autant d’amour et de joie que J’ai mis d’amour et de joie à souffrir pour vous sauver. »
Source : Lui et moi – Gabrielle Bossis