On peut donner au mot « délivrance » un sens général, indiquant toute confrontation avec le démon pour surmonter son influence.
Cependant l’on peut dire, d’une façon plus précise, que la délivrance s’applique à l’obsession ou à l’oppression diaboliques, tandis que l’exorcisme concerne la possession diabolique. Il faut distinguer la délivrance de la guérison, car celle-ci affecte l’homme dans son état psychosomatique et sa cause est naturelle. De plus, la prière pour la délivrance est radicalement différente de la prière pour la guérison.
En effet, pour la guérison, on adresse à Dieu une demande, bien que, pour une personne qui a le charisme de la foi, une telle prière puisse devenir un commandement, comme le fit saint Pierre, pour la guérison d’un impotent :
« De l’argent et de l’or, je n’en ai pas, mais ce que j’ai, je te le donne : au nom de Jésus-Christ le Nazaréen, marche !« (Act 3. 6)
Par ailleurs, dans le cas d’une délivrance, il s’agit d’un ordre adressé aux influences diaboliques, comme le fit saint Paul pour la servante qui avait un esprit divinateur et qui inportunait l’apôtre :
« Je t’ordonne, au nom de Jésus-Christ, de sortir de cette femme » (Act 16. 18).
Quand une personne a besoin d’une réelle délivrance, ni les disciplines psychologiques, ni les techniques orientales ne peuvent l’obtenir. La source véritable d’aide est Jésus. Malheureusement peu de psychothérapeutes comprennent vraiment ce problème. En effet, la psychothérapie s’intéresse à l’homme comme tel, elle est anthropocentrique, tandis que la délivrance est d’inspiration théocentrique.
Son but est de faire retrouver à l’homme la paix avec Dieu. En aucun cas, on ne peut substituer une technique psychologique à la dynamique du Royaume de Dieu, actualisée par la prière et les sacrements. Sans doute, on ne doit pas mépriser les apports valables de la psychothérapie, mais il faut reconnaître que ces dernières techniques sont encore à un état rudimentaire, alors que la médecine et la chirurgie ont fait et continuent de faire des progrès extraordinaires.
Pour pratiquer un exorcisme, il est nécessaire de commencer en implorant la protection contre les esprits mauvais. L’exorcisme est un véritable combat contre les puissances des ténèbres. Il doit toujours prendre la forme impérative, mais ce commandement doit se faire calmement et avec la conviction que l’autorité du Christ va vaincre les forces du mal ; le doute pourrait empêcher l’action divine.
Les prières de l’exorcisme semblent agir à la manière de coups dont on frappe un adversaire ; elles le font souffrir et l’affaiblissent. Le démon tient bon aussi longtemps qu’il le peut, se plaignant parfois de ce que ses chefs le menacent d’un châtiment, s’il n’a pas le courage de continuer la lutte. Il faut découvrir l’identité du démon à chasser ; le charisme du discernement aidera en ce sens, mais il est assez rare. Il ne faut jamais entreprendre un exorcisme à la légère. De plus, il faut éviter de procéder trop hâtivement et il ne faut jamais l’imposer à qui que ce soit.
Il convient aussi de se préparer par la prière et même par le jeûne, quand cela est possible. L’exorcisme doit se faire dans un endroit décent et privé, afin d’être à l’abri des irruptions éventuelles et de la curiosité. Il est préférable que ce ministère ne soit pas fait par une seule personne, mais par une équipe dont l’un des membres sera responsable. Cette équipe aura intérêt à demander, si la chose semble avantageuse, l’aide de personnes expérimentées.
Il est aussi souhaitable qu’un groupe de personnes secondent ce ministère par leurs prières ; ces personnes n’ont pas besoin de connaître les détails d’un tel ministère. Ces sessions pourront être de courte ou de longue durée ; exceptionnellement, elles pourront s’échelonner sur quelques semaines ou même quelques mois. L’exorcisme doit commencer par une prière commune et habituellement par l’aspersion d’eau bénite sur les personnes présentes et autour de la pièce. Il faut ajouter une prière de protection pour chaque personne.
Nous demandons au Christ Jésus de nous couvrir de son très Précieux Sang, afin que nous soyons tous protégés contre les embûches du démon. On peut ensuite demander à la Vierge Marie, Mère de Dieu, à saint Michel archange, à tous les anges et à tous les saints d’intercéder avec nous en faveur de la personne pour laquelle nous prions. Nous demandons à Jésus qu’aucune force mauvaise ne blesse personne dans la pièce ni ailleurs, comme vengeance du démon contre l’exorcisme que nous entreprenons de faire.
Par un commandement fait au nom de Jésus, il faut lier la puissance des démons, afin qu’ils ne puissent résister aux prières de délivrance. Après une telle prière, la délivrance semble s’opérer plus rapidement et avec moins d’efforts. Jésus disait que pour « pénétrer dans la maison d’un homme fort et emporter ses affaires« , il faut « d’abord ligoter cet homme fort » (Mt 12. 29).
Nous devons ainsi neutraliser la puissance du démon pour libérer ceux qu’il tient captifs. Par l’autorité du Christ donnée à tous les croyants sur le démon (Mt 16. 17), c’est nous qui lions le démon, il ne s’agit donc pas d’une demande faite au Seigneur. Nous pouvons adresser au démon des paroles semblables à celles-ci :
« Au nom de Jésus, je te lie, Satan, afin que tu cesses toute domination sur cette personne« .
On doit ensuite découvrir l’identité du démon qu’il faut chasser. Habituellement, les démons s’identifient par leur activité prédominante, ce qui peut se faire de différentes façons. En effet, la personne qui demande l’exorcisme sait parfois quel démon l’influence et quelle est son activité la plus caractéristique, comme par exemple un esprit d’homosexualité.
Un charisme sûr de discernement peut déterminer pourquoi il faut prier, et c’est le moyen le plus direct et le plus rapide ; cependant ce charisme est relativement rare. On peut aussi commander au démon de s’identifier lui-même ; alors, il répond à cet ordre fait au nom de Jésus par la personne possédée elle-même, ou encore par des images intérieures ou des idées suggérées à la personne ; ici, l’équipe du ministère doit exercer une grande prudence pour opérer un juste discernement.
Lorsqu’une influence diabolique est découverte, la personne doit renoncer à tout péché antécédent relié à cette influence. Si, par exemple, on découvre un esprit de haine, la personne doit pardonner à tous ceux qui lui ont déjà fait quelque tort. Ainsi, on détruira le péché ou la blessure qui avait donné au démon l’occasion d’exercer sur elle une telle influence. De plus, si la personne s’est livrée à des activités superstitieuses ou occultes, elle doit renoncer nommément à chacune de ces activités.
La personne possédée peut encore commander elle-même à Satan, au nom de Jésus, de la quitter, parfois, ce sera suffisant pour réaliser la délivrance. Si la personne n’est pas suffisamment libérée pour commander clairement et fermement au démon, alors le responsable de l’équipe intervient lui-même, en commandant ainsi au démon :
« Au nom de Jésus-Christ (et de son Église si c’est un prêtre), je te commande esprit d…, de quitter cette personne sans faire de bruit ni ici ni ailleurs, sans nuire à qui que ce soit ni ici ni ailleurs, et je te renvoie à Jésus, afin qu’il dispose de toi comme il l’entendra« .
Il sera utile de fournir ici quelques explications concernant ce commandement adressé au démon. Ce n’est pas par notre autorité personnelle que nous pouvons chasser les démons, mais c’est par l’autorité que Jésus nous a déléguée, par le nom de Jésus, devant qui tout « s’agenouille, au plus haut des cieux, sur la terre et dans les enfers » (Phil 2. 10).
C’est ce que rapportèrent à Jésus les soixante-douze disciples, au retour de leur mission :
« Seigneur, même les démons nous sont soumis en ton Nom ! » (Le 10. 17)
Il faut donc faire acte d’autorité sur le démon, au nom de Jésus, et non par une simple prière. La personne qui donne cet ordre peut parler calmement, mais elle doit croire vraiment que l’autorité du Christ qu’elle exerce va déraciner les forces du mal. Souvent, l’exorcisme est considéré comme étant redoutable, car il fait affronter le démon lui-même. Sans doute le démon dispose de forces préternaturelles, mais celui qui exerce ce ministère ne court habituellement aucun danger réel, s’il agit en communion avec le Seigneur.
Notre-Seigneur ne disait-il pas aux soixante-douze disciples, qui se réjouissaient d’avoir chassé les démons en son Nom :
« Aussi bien vous ai-je donné le pouvoir de fouler aux pieds serpents, scorpions, et toute puissance de l’ennemi, et rien ne pourra vous nuire » (Le 10. 19).
On doit même considérer ce ministère comme une source de grâces précieuses, « comme l’un des plus puissants moyens de sanctification que la Providence puisse nous ménager« . On peut considérer que l’exorcisme a été un succès, quand la personne se sent délivrée, qu’elle éprouve des sentiments de joie et de liberté, même si parfois aucun indice extérieur ne se manifeste aux témoins. Cependant il est bon de noter que les prières de délivrance ne sont pas toujours efficaces, du moins pas complètement, quand il s’agit d’une obsession qui fait partie des purifications passives des sens ou de l’esprit.
En effet, Dieu permet cette obsession pour un temps connu de lui, en vue des grands avantages que l’âme doit retirer de cette épreuve. Il arrive que l’ordre d’expulsion s’accompagne de manifestations violentes de la part du démon. Il ne faut pas s’en effrayer, mais prendre quelques précautions, en écartant par exemple tout objet qui pourrait devenir une arme dans la main du démoniaque. Les prières de protection seront habituellement efficaces. Si le démon profère des cris par la bouche du possédé, on lui dit :
« Tais-toi ou je te lie au nom de Jésus. Tu est vaincu par Jésus« .
S’il y a d’autres phénomènes de violence, on commande au démon, au nom de Jésus, de cesser d’agir ainsi et de tourmenter la personne. Dans l’exorcisme, il semble que parmi les démons à chasser, il y en ait un qui soit le plus important, de plus, les démons, comme les vices, semblent agir en groupe.
Quand, par exemple, nous découvrons un esprit de colère, on pourra rencontrer aussi du ressentiment, de la jalousie, du sadisme, etc. Les démons s’identifient habituellement par le nom d’un vice, il faut alors commander à chacun d’eux, au nom de Jésus, de quitter la personne possédée. Certains mauvais esprits peuvent essayer, au début, de faire obstacle aux prières de délivrance, par la raillerie, le mutisme, la confusion.
Ainsi, la personne pourra dire, dans un rire ironique :
« Tu ne peux me chasser, car tu manques d’expérience« .
Ou bien elle ne pourra pas parler ou encore son esprit deviendra tellement confus qu’elle ne pourra plus penser. Ici, il faut éviter de confondre une confusion psychique avec une activité diabolique. Il pourra aussi y avoir perte de conscience ou un certain aveuglement physique. La résistance au démon est conditionnée par les droits qui lui ont été concédés. Ces droits peuvent s’étendre à la personne elle-même, mais aussi aux objets, bijoux, meubles, etc. que l’ouverture au démon ait été faite volontairement ou par ignorance.
De nos jours, par exemple, la principale cause d’asservissement semble résider dans les différentes pratiques occultes. La concession de ces droits peut aboutir à des « liens » avec le démon, liens qui peuvent devenir très sérieux. De tels liens limitent partiellement ou totalement notre liberté d’action. D’une façon plus ou moins consciente, tout homme se trouve impliqué dans un réseau de coutumes, de traditions, de manière de penser et d’agir, qui ne relèvent pas seulement de lui, mais aussi de la famille et de la société dans lesquelles il a grandi ou dans lesquelles il se trouve encore.
Le Christ est venu libérer les hommes, mais ils demeurent encore dans de nombreuses sphères d’influences nuisibles, au point de vue intellectuel et moral. Sans doute, la conversion ou la vie chrétienne devraient nous faire passer « des ténèbres à la lumière et de l’empire de Satan à Dieu » (Act 26. 18), mais la croissance de l’homme nouveau est conditionnée par la rupture de certains liens.
Plusieurs chrétiens vivent dans la grâce de Dieu, mais ils sont encore prisonniers de leurs bandelettes, comme Lazare sorti du tombeau, et que Jésus demanda à ses disciples de délier. La rupture de ces liens constitue moins un combat touchant la chair et le sang qu’un combat contre les puissances des ténèbres.
À lire aussi |
Saint Paul nous décrit ainsi le combat spirituel que chacun doit mener pour atteindre la liberté des enfants de Dieu :
« En définitive, rendez-vous puissants dans le Seigneur et dans la vigueur de sa force. Revêtez l’armure de Dieu pour pouvoir résister aux manœuvres du diable. Car ce n’est pas contre des adversaires de chair et de sang que nous avons à lutter, mais contre les Principautés, contre les Puissances, contre les Régisseurs de ce monde de ténèbres, contre les Esprits du Mal qui habitent les espaces célestes. C’est pour cela qu’il vous faut endosser l’armure de Dieu, afin qu’au jour mauvais vous puissiez résister, et après avoir tout mis en œuvre rester fermes.
Tenez-vous donc debout, continue saint Paul, avec la Vérité pour ceinture, la Justice pour cuirasse, et pour chaussures le Zèle à propager l’Évangile de la paix ; ayez toujours en main le bouclier de la Foi, grâce auquel vous pourrez éteindre tous les traits enflammés du Mauvais ; enfin recevez le casque du Salut et le glaive de l’Esprit, c’est-à-dire la Parole de Dieu. Vivez dans la prière et les supplications ; priez en tout temps, dans l’Esprit ; apportez-y une vigilance inlassable et intercédez pour tous les saints » (Eph 6. 10-18).
Source : Exorcismes et pouvoirs des laïcs – Père Ovila Melançon 1939 /2011 – Diocèse D’Ajaccio