Les principaux moyens de surmonter les tentations que nous suscite notre infernal ennemi.
Lorsque David eut à lutter avec Goliath, il prit dans le torrent cinq pierres bien polies pour en frapper et terrasser le géant ; nous aussi prenons dans l’Ecriture sainte et la Tradition cinq pierres de choix, c’est-à-dire cinq moyens principaux pour battre et vaincre Satan dans les différentes tentations dont il viendra nous assaillir.
Ces moyens sont
– La prière,
– L’invocation de la très sainte Vierge et des Saints,
– La méditation des fins dernières,
– La fréquentation des sacrements de Pénitence et d’Eucharistie
– La fuite des occasions de péché avec la résistance dès le commencement de la tentation.
La prière :
Il est de foi que nous ne pouvons de nous-mêmes faire aucun acte méritoire pour la vie éternelle, bien moins encore pouvons-nous vaincre les tentations de nos ennemis spirituels qui sont de beaucoup plus forts que nous ; nous avons donc besoin, pour cela, de la grâce de Dieu, et le moyen de l’obtenir, cette grâce, c’est surtout la prière, selon l’avertissement de Notre-Seigneur qui nous dit :
« Veillez et priez, afin que vous ne succombiez pas à la tentation, car l’esprit est prompt pour vouloir le bien, mais la chair est faible pour résister au mal. »
Aussi l’Esprit-Saint déclare-t-il bienheureux l’homme qui est toujours dans la crainte d’offenser Dieu. De fait, celui qui craint de succomber à la tentation se défie de ses propres forces, se recommande fréquemment à Dieu et obtient ainsi la grâce nécessaire pour vaincre le tentateur, tandis que celui qui est sans crainte ne songe pas à implorer le secours divin ; mais, comptant sur sa propre vertu, il s’expose à être vaincu par le démon et à se perdre éternellement.
Saint Philippe de Néri, pénétré de la nécessité du secours d’en haut pour persévérer dans la voie du salut, avait coutume de s’adresser à Dieu, chaque matin à son lever, pour lui demander la grâce de ne pas l’offenser dans le courant de la journée :
« O Seigneur, lui disait-il, tenez aujourd’hui votre main sur Philippe ; sinon, Philippe vous trahira. »
Et un jour qu’il passait à travers la ville en réfléchissant sur sa propre misère, il disait et répétait :
« Je désespère, je désespère. »
Un religieux qui l’entendit, croyant qu’il était réellement tenté de désespoir, le reprit et l’exhorta à mettre sa confiance dans la miséricorde divine. Mais le Saint lui répondit aussitôt :
« Je désespère de moi, mais j’ai confiance en Dieu. »
Ainsi, durant cette misérable vie où nous sommes exposés à tant de tentations, à tant de dangers d’offenser Dieu et de perdre son amitié, nous devons nécessairement nous défier sans cesse de notre faiblesse et mettre toute notre confiance dans le Seigneur.
« Il faut, dit saint Liguori, nous recommander à Dieu le matin, le soir, durant la méditation, à la messe, enfin dans tous nos exercices de piété et toujours ; mais surtout lorsque nous sommes tentés, en répétant alors :
« Seigneur, ayez pitié de moi, ne m’abandonnez pas, venez à mon secours, sauvez-moi. »
Quoi de plus facile ? En priant de la sorte, nous obtiendrons de la bonté divine des grâces particulières pour triompher des plus violentes tentations. »
Un moine, nommé Isaac, tourmenté par de terribles tentations de la chair et réduit presque au désespoir, vint trouver saint Jean Climaque et lui fit connaître, en fondant en larmes, les rudes assauts qu’il avait à soutenir.
« Mon fils, lui dit le Saint, ayons recours à Dieu par la prière. »
Aussitôt, ils se prosternèrent et invoquèrent ensemble le secours du ciel. Isaac se releva calme et consolé ; et, depuis ce moment, il cessa d’être en butte aux attaques de l’esprit d’impureté. Telle est l’efficacité merveilleuse de la prière.
« Si nous voulons être sauvés, ajoute saint Liguori, nous devons imiter David qui tenait toujours ses yeux tournés vers Dieu pour implorer son secours et vaincre ses ennemis. Comme le démon nous tend continuellement des pièges pour nous perdre, nous devons aussi avoir continuellement les armes à la main pour nous défendre, et dire avec le Roi-Prophète :
« Je ne cesserai point de combattre jusqu’à ce que j’aie terrassé mes ennemis. »
Mais comment obtenir cette victoire aussi importante et si difficile ? Par la prière, répond saint Augustin, par une prière constante, qui dure autant que le combat. Comme le combat est continuel, dit saint Bonaventure, la prière doit l’être aussi. Malheur à quiconque sur la terre cesse de prier !
Enfin, le saint docteur du siècle dernier termine son traité sur la prière par ces paroles remarquables :
« Je dis, et je ne cesserai de répéter, tant que je vivrai, que toute l’affaire du salut dépend de la prière, et qu’ainsi tous les auteurs de livres de piété, tous les prédicateurs dans leurs sermons, tous les confesseurs dans l’administration du sacrement de la Pénitence, ne devraient rien inculquer plus que la prière, en répétant continuellement :
Priez, priez, et ne cessez jamais de prier ; car, si vous priez, votre salut est assuré, mais si vous ne priez pas, votre perte est certaine. En effet, c’est un sentiment reçu dans toutes les écoles catholiques, que quiconque prie, obtient les grâces nécessaires au salut, et se sauve. Mais comme il y a très peu de personnes qui le fassent, bien peu aussi parviennent au port du salut. »
L’invocation de la très sainte Vierge et des Saints :
Tous les chrétiens, qui ont à cœur leur salut éternel, doivent bien se persuader que Marie est, après Dieu, notre principal soutien dans nos conflits avec Satan. Après la chute de nos premiers parents le Seigneur dit au démon qui les avait séduits :
« Je mettrai une inimitié entre toi et la femme, entre ta race et la sienne, et elle te brisera la tête. »
La Vierge Immaculée a réalisé, une première fois, cette divine promesse en donnant naissance au Rédempteur du genre humain ; mais ce n’est pas tout, Marie n’est pas devenue mère seulement d’une manière corporelle, mais encore et spécialement d’une manière spirituelle, parce qu’elle prit alors, plus que toute autre créature, une part volontaire et active dans le grand ouvrage de notre délivrance de l’esclavage de Satan, et que maintenant, elle contribue, plus efficacement que nul autre, à appliquer la grâce de la Rédemption à chacune des âmes dont l’enfer cherche à s’emparer de nouveau.
La charité, qui enlace dans son étreinte tous les enfants de Dieu, règne plus encore dans le ciel que sur la terre. Tous nos frères de l’Église triomphante, loin de nous oublier, viennent à notre secours avec une affectueuse sollicitude dans la lutte que nous avons à soutenir ici-bas ; mais, plus puissante et plus aimante que les autres bienheureux, cette glorieuse Mère nous couvre d’une protection plus efficace.
Enfin, recourons avec confiance à la puissante protection des saints anges ; ne sont-ils pas tous, en effet, des esprits envoyés ici-bas pour exercer leur ministère en faveur de ceux qui doivent être les héritiers du salut ? Mais il y a des anges que Dieu a chargés spécialement de prendre soin de nous et de nous garder, et ces bienheureux esprits, oubliant la supériorité qu’ils ont sur nous, s’acquittent de ces fonctions avec l’affection la plus tendre ; ils prennent un vif intérêt à tout ce qui nous touche ; ils nous aident en mille manières, et nous préservent d’une infinité de dangers ; ils nous assistent dans les événements les plus critiques et dans les tentations les plus délicates ; ils nous portent dans leurs mains, selon l’expression des Livres saints, pour nous faire éviter les scandales et les pièges qui naissent, pour ainsi dire, sous nos pas. Il y a même des anges chargés de veiller sur les empires, sur les nations, sur les provinces ; bien plus, quelques auteurs pensent que chaque ville, chaque paroisse, chaque communauté a son Ange gardien. Quel motif de confiance n’avons-nous pas dans la tendre sollicitude de nos Anges gardiens !
La méditation des fins dernières :
C’est le moyen que nous indique le Sage quand il nous dit :
« Dans toutes vos actions, souvenez-vous de vos fins dernières, et vous ne pécherez jamais. »
Qu’y a-t-il, en effet, de plus horrible que la mort, de plus terrible que le jugement, de plus intolérable que l’enfer ? Et, si le souvenir de ces grandes vérités ne met pas un frein aux passions de l’homme pour lui faire éviter le péché, qu’est-ce qui pourrait le détourner du mal ? Aussi, comme pour sevrer les enfants, on frotte le sein de la mère avec de la moutarde ou de l’absinthe, même le souvenir de la mort, du jugement particulier et des supplices éternels, est bien capable, par son amertume, de détacher les hommes du plaisir qu’ils trouvent dans le péché.
Si donc quelqu’un se sent trop attaché aux biens de ce monde et se voit exposé, par là même, à diverses tentations, qu’il pense à la mort qui l’attend, et son amer souvenir sèvrera son cœur des jouissances de la fortune ; qu’il se rappelle souvent que de tous les biens qu’il aura amassés avec tant de peine, il n’emportera dans la tombe qu’un mauvais linceul et la somme peut-être bien grosse des péchés qu’il aura commis pendant sa vie ; qu’il prenne pour lui cette menace faite dans l’Évangile à l’un de ses pareils :
« Insensé que tu es, on va te redemander la vie cette nuit même : et pour qui sera ce que tu as amassé ? »
Qu’il médite enfin ces paroles qui ont converti les Xavier et tant d’autres :
« Que sert à l’homme de gagner le monde entier en cette vie et de perdre son âme pour l’éternité ? ou, s’il l’a une fois perdue, par quel échange pourra-t-il la racheter. ? »
Ambitieux, venez à votre tour vous désabuser sur le bord de la tombe. Vous ne bornez pas vos prétentions, nous le savons, à vouloir être grands pendant la vie, vous voulez l’être même après la mort, en éternisant votre mémoire parmi les hommes ; vous vous flattez que vos amis, vos parents, le monde entier se souviendra de vous, si vous laissez un beau testament, beaucoup de richesses et de propriétés magnifiques ; si vous laissez à la postérité un témoignage éclatant de votre savoir, de votre habileté, de votre génie. Quelle illusion !
Ne connaissez-vous donc pas encore la loi du monde ? Les vôtres se souviendront de vous tant qu’ils pourront espérer quelque chose de vous ; mais, cette espérance, une fois passée, tout souvenir de vous s’évanouira. À peine aurez-vous fermé les yeux, que, non seulement les étrangers continueront, sans s’inquiéter de votre mort, à s’amuser, à rire, à s’entretenir de nouvelles et de cancans; mais les vôtres eux-mêmes tourneront bientôt ailleurs leurs pensées et leurs affections, vos enfants ne pourront dissimuler leur contentement de se voir enfin maîtres d’eux-mêmes et en possession de vos richesses ; vos autres parents se réjouiront secrètement de votre mort, si elle leur procure quelque avantage, ne fût-ce qu’une minime portion de votre héritage, ou bien, ils vous accableront de malédictions, s’ils voient leur nom omis dans votre testament.
Hélas ! avec cette perspective devant les yeux, quelle folie de se permettre, pour prétendre éterniser son nom, tant d’injustices envers le prochain, tant de négligences envers Dieu, tant de pensées de vaine gloire et d’ambition envers soi-même !
La fréquentation des sacrements de Pénitence et d’Eucharistie :
C’est là un excellent moyen de vaincre le démon et de se conserver dans l’amitié de Dieu, parce que ces deux sacrements nous confèrent une grâce abondante dont le moindre degré suffit, selon saint Thomas, pour nous faire surmonter toutes les tentations. En effet, le sacrement de Pénitence a une vertu spéciale contre les tentations du malin esprit ; la raison en est qu’en découvrant notre cœur et notre conscience à notre père spirituel, nous lui faisons connaître en même temps les tentations dont nous sommes assaillis, ce qui déplaît tellement au démon qu’il n’en faut pas davantage pour le confondre et le mettre en fuite.
Semblable à ces amants impudiques qui exigent, avant tout, le secret de la part des personnes qu’ils veulent corrompre, Satan suggère à l’âme qu’il tente un silence absolu auprès du confesseur ; et dès qu’il voit découvrir en confession ses tentations et ses mauvais conseils, il se croit démasqué et ne peut s’empêcher de prendre la fuite.
Aussitôt que les serpents et les scorpions voient enlever la pierre qui les cache, ils s’enfuient pour éviter les mauvais traitements dont ils sont menacés ; ainsi dès que le démon, ce serpent antique, se trouve découvert par la confession du pénitent qui révèle ses artifices et ses stratagèmes, il est contraint de se retirer et de battre en retraite. En outre, l’humilité, qui accompagne toujours une confession sincère, obtient au pénitent des grâces spéciales de la part de Dieu dont le cœur se complaît dans cette vertu, tandis qu’elle déconcerte le tentateur dont l’orgueil se révolte devant le moindre acte d’une âme humble et obéissante.
Aussi, nous avons déjà vu que le démon, qui apparut à saint Dominique, refusa de l’accompagner au Chapitre et s’en excusa en disant :
« Ce lieu-là m’est un enfer ; car c’est là que les Frères avouent tout le mal que je leur fais faire, qu’ils sont avertis et blâmés de leurs fautes, qu’on les confesse et qu’on leur pardonne. »
La fuite des occasions de péché avec la résistance dès le commencement de la tentation
Il est très important de résister énergiquement aux tentations à l’instant même où elles commencent de nous tourmenter.
« Tuez votre ennemi pendant qu’il est petit, dit saint Jérôme, et étouffez l’iniquité dans son germe. »
D’une étincelle, qui n’est pas éteinte sur-le-champ, il peut se former un vaste incendie :
« Apportez remède au mal dès le principe, disait un ancien poète ; si vous le laissez empirer, le remède sera appliqué trop tard. »
C’est dans le sens de cette maxime que saint Jérôme explique le passage suivant de la sainte Ecriture :
« 15. Prenez-nous les renards, les petits renards, qui ravagent les vignes, car nos vignes sont en fleur. »
C’est-à-dire, prenez les petits des renards qui ravagent les vignes. Dès que vous voyez apparaître dans votre âme la médisance, la vanité, l’orgueil, l’amour déréglé de soi ou des autres, à l’état de pensées ou d’affections naissantes, courez sus, sans perdre un instant, comme sur une génération d’animaux malfaisants ou d’ennemis mortels, et hâtez-vous de les écraser contre la pierre angulaire du salut, qui est Jésus-Christ, en vous armant de ses préceptes et de ses exemples.
Si vous les laissiez grandir, vous les verriez bientôt porter la ruine et la désolation dans la vigne du Seigneur, qui est votre âme. Il ne saurait dépendre de nous d’être exempts de tentations et de pensées mauvaises.
« Heureux, toutefois, celui qui sait les repousser dès leur première apparition »
Il s’attaque à un ennemi faible encore et facile à vaincre, tandis que, s’il le laissait se fortifier, il lui deviendrait bientôt, sinon impossible, du moins fort difficile d’en triompher. Le démon apparut un jour à saint Jérôme sous la figure d’une femme séduisante de beauté.
« Comment, lui dit le Saint, votre malice peut-elle aller jusqu’à vous inspirer de semblables artifices pour tromper les hommes ?
– Comment ? répondit le diable ; c’est que tout dépend du début : pourvu que la première impression réussisse, nous ne sommes plus en peine du succès. C’est une étincelle dont nous avons bientôt fait éclore un incendie. Mais si vous tenez bon contre la première attaque, le coup est manqué, et nous disparaissons comme une vaine fumée. »
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Cette tactique du démon était bien connue de Frère Junipère, de l’Ordre de Saint-François. Un jour que les frères Egide, Simon d’Assise, Rufin et Junipère se trouvaient réunis et qu’ils s’entretenaient des choses de Dieu et du salut de leur âme. Frère Egide dit à ses compagnons :
« Quelle est votre conduite dans les tentations de la chair ?
– Moi, répondit Frère Simon, je fais réflexion sur la laideur et la turpitude de ces sortes de péché, et cette considération produit en moi une haine assez vive pour me les faire éviter.
– Pour moi, dit Frère Rufin, je me jette à genoux quand ces tentations se présentent ; j’implore, ainsi prosterné, la clémence de mon Dieu et le secours de la Mère de Jésus-Christ ; et c’est par ce moyen que je suis délivré.
– Et moi, dit à son tour Frère Junipère, quand je sens les mouvements de la tentation du diable, je cours aussitôt fermer l’entrée de mon cœur, pour m’y tenir bien en sûreté ; je m’occupe de saintes méditations et de pieux désirs, et quand la tentation survient, qu’elle frappe à la porte, je lui réponds : DEHORS ! Les places sont prises, il n’y en a plus pour personne; et c’est ainsi que je me tiens en garde contre toute mauvaise pensée. Alors le diable, se voyant vaincu, s’en va tout honteux, non seulement de mon cœur, mais de toute la contrée. »
Source : Guerre à Satan – Missionnaire apostolique – Approbation Mgr de Pondichéry 1892 – 1892