Lors d’une énième manifestation de Jésus-Christ à Sainte Brigitte de Suède, ce fut un moment propice pour le Seigneur de prodiguer de nouveaux enseignements à son épouse.
Le Seigneur paraissait en courroux, et il dit à Sainte Brigitte :
J’ai toujours été et serai éternellement le même, l’espace des jours et des années n’est que pour les mortels. Tout le temps qu’a duré et durera encore ce monde est devant moi comme une heure ou un moment. Tout esprit qui me voit comprend en un clin d’œil tout ce qui est en moi, mais vous, mon épouse, dont l’âme est unie à un corps, vous ne pouvez voir et comprendre avec la même étendue et la même rapidité, c’est pourquoi je vais vous faire connaître en détail ce qui vient de se passer en un moment. J’étais assis sur mon tribunal pour juger une âme criminelle qui se présenta à moi, car la puissance de juger tous les hommes m’a été donnée. «
Le Père dit au coupable :
« Malheur à toi d’être un jour né ! »
Ce n’est pas que Dieu se repente de l’avoir créé, mais il semble, en parlant ainsi, compatir à son malheur.
Le fils lui dit :
« J’ai répandu tout mon sang pour toi, j’ai subi pour sauver ton âme les plus douloureux supplices, et tout cela en vain, car tu n’en as profité en aucune manière. »
Le Saint Esprit dit :
« J’ai visité tous les replis de son cœur, j’y ai cherché inutilement quelques traces de sensibilité et d’amour, je l’ai trouvé entièrement froid comme la glace et dur comme la pierre, il n’y a en lui rien de moi. »
Gardez-vous de croire, ô mon épouse, que ces trois différentes voix supposent trois dieux. Ce n’est qu’à cause de vous qu’elles paraissent ici distinctes, car vous n’auriez pu comprendre autrement ce mystère. On entendit ensuite une seule voix, c’était celle du Père, du Fils et du Saint-Esprit, qui dirent ensemble à l’âme réprouvée :
« Le royaume des cieux ne t’est point dû. »
La Mère de miséricorde garda le silence. Les trésors de sa charité ne furent point ouverts au coupable, parce qu’il en était indigne. Tous les saints du ciel s’écrièrent d’une seule voix :
« La justice divine exige, Seigneur, que cette âme soit à jamais bannie de votre royaume et privée de vos délices éternelles. »
Toutes les âmes détenues dans le purgatoire lui dirent ensuite :
« Il n’y a point ici de supplice proportionné à tes crimes : tu dois être à jamais séparée de nous. »
Alors cette âme criminelle s’écria d’une voix horrible :
« Malheur a la nuit où je fus conçu dans le sein de ma mère ! maudit soit à jamais l’instant où mon âme fut réunie à mon corps! maudit soit celui qui m’a donné l’un et l’autre ! maudite soit à jamais l’heure à laquelle je suis sorti du sein de ma mère ! »
Aussitôt se firent entendre du fond des enfers ces paroles épouvantables :
« Viens à nous, âme maudite, viens subir ici une mort éternelle et une vie sans fin. Âme maudite, vide de tout bien, viens à nous, nous allons tous te remplir de notre malice et le faire partager nos angoisses. Viens, âme maudite, pesante comme la pierre qui tombe dans un gouffre et n’en peut atteindre le fond pour s’y reposer, ainsi, tu vas descendre encore plus bas que nous dans le fond de l’abyme. »
Le Seigneur dit ensuite à l’épouse : Je suis comme un mari qui a plusieurs femmes, et dont l’une d’elles s’est pervertie. Il l’abandonne à son malheureux sort, et va se consoler avec celles qui lui sont demeurées fidèles. C’est ainsi qu’après avoir jugé ce misérable, je vais à mes fidèles serviteurs pour me complaire eu eux.
Que cet exemple de ma justice soit pour vous un motif de me servir avec d’autant plus de constance que vous avez reçu plus de grâces. Fuyez donc le monde et toutes ses convoitises. Pensez-vous que j’ai tant souffert parce qu’il n’a pas été en mon pouvoir d’abréger mes souffrances, et de les rendre moins douloureuses ?
Non certainement, mais il a fallu, pour satisfaire entièrement ma justice, que je souffrisse beaucoup dans tous mes membres, parce que l’homme avait beaucoup péché dans tous les siens. J’ai eu pitié de son triste sort, et, attiré par les éminentes vertus d’une vierge, j’ai pris dans son sein un corps et une âme, afin qu’un Dieu expiât lui-même par les souffrances de son humanité les crimes dont l’homme était coupable envers la majesté divine, et qu’il lui était impossible d’expier par les plus grands supplices.
Puis donc que je vous ai aimée jusqu’à porter la peine due à tous vos péchés, demeurez-moi fidèle , imitez l’humilité de mes vrais serviteurs. Comme eux, ne vous laissez jamais ébranler par le respect humain, et ne craignez rien au monde, sinon de me déplaire. Veillez sur vos paroles, et soyez disposée à garder toujours le silence, si telle était ma volonté. Ne vous inquiétez point des biens de ce monde, car ils sont fragiles, et je puis seul enrichir ou appauvrir ceux qu’il me plaît : mettez donc en moi toute votre confiance.
J’ai créé toutes choses pour l’utilité de l’homme, mais il en abuse continuellement, et fait si peu de cas de son Dieu qu’il lui préfère les créatures. Ils me traitent la plupart aussi cruellement que les Juifs. Ceux-ci m’ont flagellé, couronné d’épines et attaché à une croix, ils m’ont insulté et ont blasphémé contre moi, au moment où j’allais donner volontairement ma vie pour eux, et la sainte doctrine que je leur avais enseignée ne leur parut plus que mensonge et imposture.
À lire aussi :
N’est-ce pas ainsi que me traitent aujourd’hui les pécheurs ? C’est pour moi une sorte de flagellation que cette impatience qui les porte à ne pas vouloir supporter la moindre chose pour mon amour. Les épines de leur orgueil me déchirent la tête, car ils veulent être plus grands que moi. Leur volonté habituelle de m’offenser est pour moi aussi pesante que la croix.
L’endurcissement de leur cœur, qui les porte à se glorifier de leurs péchés, est comme un fer qui perce mes mains et mes pieds, et leur constance à m’outrager comme un fiel dont ils m’abreuvent, en reconnaissance de tout ce que j’ai souffert de bon cœur pour eux. Ils me traitent comme un extravagant et un imposteur. Je pourrais, si je le voulais, engloutir tous ces ingrats dans les entrailles de la terre, mais alors qu’arriverait-il ?
Ceux qui resteraient dans le monde, effrayés d’un tel châtiment, ne me serviraient plus que par crainte, ce qui serait contre toute justice : car c’est le devoir de l’homme de me servir par amour. Faudrait-il, pour gagner leurs cœurs, que je leur apparusse visiblement tel que je suis ? Mais les yeux des mortels ne pourraient soutenir l’éclat de ma gloire, ni leurs faibles oreilles le son de ma voix. L’amour que j’ai pour eux est si grand que je donnerais encore une fois ma vie pour les sauver, si cela était possible.
Alors la bienheureuse Vierge Marie parut, et Jésus-Christ lui dit
– Que voulez-vous, ma mère bien-aimée ?
– Mon fils, par l’amour que vous avez pour vos pauvres créatures, ayez pitié d’elles.
– Je vais, leur donner, à cause de vous, de nouvelles preuves de ma grande miséricorde.
Source : Les révélations de Sainte Brigitte – Abbé J.-P.-J. Lesurre – 1834