La liturgie catholique proclame à chacune de ses pages la royauté du Christ. Les Psaumes annoncent à plusieurs reprises cette royauté.
Dieu promet à son Fils l’autorité sur les souverains et sur les nations. C’est ce que l’on voit notamment dans le Psaume deuxième, et Bossuet l’invoquait, ce Psaume, quand il rappelait à Louis XIV cette royauté du Christ, qui brise les rois injustes et coupables.
Le temps de l’Avent, qui résume tout l’Ancien Testament et rappelle l’attente des patriarches, nous montre toujours le Roi, le Roi par excellence, comme l’objet de nos désirs et de nos prières. « Le Roi va venir, adorons-le », c’est notre cri de chaque jour pendant l’Avent.
À Noël, c’est l’enfant-roi que l’Église nous présente. Tel est le premier mot de l’office de Noël, celui qui ouvre les Premières Vêpres de la fête :
« Voici le Roi de paix, que toute la terre désire…, qui est exalté au-dessus de tous les souverains de la terre ».
Mais la véritable fête de la royauté du Christ, c’est l’Épiphanie. Ce jour-là, l’Église nomme le Sauveur :
« le Grand Roi ».
Les rois de l’Orient viennent, au nom de toutes les nations, adorer ce Grand Roi. Ils déposent leurs couronnes à ses pieds, ils lui offrent le tribut et le reconnaissent pour leur souverain. La royauté du Christ est affirmée à l’égal de sa divinité et de son sacerdoce. L’Église nous fait lire à l’occasion de cette fête une homélie de saint Grégoire, où il qualifie d’hérétiques ceux qui nient la royauté du Christ, aussi bien que ceux qui nient sa divinité.
Cette fête est donc, dans toute l’Église, la glorification de la royauté du Christ. Mais à Rome, depuis un demi-siècle, et grâce à l’initiative d’un serviteur de Dieu, cet hommage au Grand Roi revêt une solennité et une universalité toute exceptionnelle.
C’est vers 1840 que le vénérable Vincent Pallotti – fondateur des Missionnaires appelés, de son nom, Pallottins – eut la pensée de reproduire annuellement, à Rome, l’hommage que les nations avaient offert au Christ à Bethléem.
Avec l’autorisation du Saint-Père, il convoqua pour une octave solennelle, à la grande église de Saint-André della Valle, les groupes des diverses nationalités représentées à Rome. Les fêtes comprenaient une messe solennelle quotidienne, selon l’un ou l’autre des divers rites admis par l’Église, et notamment des rites orientaux, puis, des sermons dans les diverses langues de l’Europe, et la bénédiction du saint sacrement donnée par quelqu’un des séminaires nationaux. L’idée était heureuse. Elle venait sûrement de Dieu. Le succès dépassa toutes les espérances. Le saint prêtre se chargea de trouver des bienfaiteurs pour assurer par des fondations le retour annuel de cet hommage social au Grand Roi.
Grâces à Dieu, il est encore rendu chaque année au Christ, cet hommage solennel. Alors que tant de pieux usages, tant de fêtes délicieuses ont disparu à Rome, l’octave fondée par le vénérable Vincent Pallotti jouit toujours du même succès. Il n’y a guère de fête plus populaire à Rome. La grande église de Saint-André della Valle est toujours trop petite pour contenir la foule, pendant les beaux jours de l’octave.
La messe est célébrée dans les rites de l’orient : Grec, Slave, Syriaque, Melchite, Arménien, Chaldéen, Maronite. On y entend successivement les mélodies grecques doucement cadencées, les chants simples et gravement religieux des Arméniens et des autres rites asiatiques.
De la chaire de l’église Saint-André, la parole de Dieu se fait entendre pendant ces huit jours, en italien, en français, en anglais, en espagnol, en slave et en allemand. Il se trouve toujours à Rome quelque évêque et quelque prêtre éminent de ces nationalités, qui habite la ville ou qui s’y rencontre de passage, et qui se prête à cette mission solennelle.
Chaque soir de l’octave, les clercs des séminaires étrangers prennent part aux fonctions de la bénédiction du saint sacrement. On y voit successivement ceux de l’Allemagne, des États-Unis, du Canada, de la France, de l’Angleterre, de l’Irlande, de l’Écosse, de la Bohême, de la Pologne, de la Belgique, de l’Amérique du Sud.
Les rites orientaux surtout donnent un grand attrait à ces fêtes et rappellent sensiblement les Mages de l’Orient. Les représentants de ces rites deviennent de jour en jour plus nombreux à Rome. Les Grecs, les Arméniens, les Maronites ont là des séminaires. Serait-ce le présage du retour de l’Orient à la véritable Église ? Il est permis de l’espérer.
L’Église catholique compte déjà environ dix millions d’enfants fidèles qui suivent les rites orientaux. Les séminaires de Rome fourniront des apôtres à la grande œuvre de l’union. Les ruines des glorieuses églises de Constantinople, d’Antioche et d’Alexandrie se relèveront. La Russie elle-même s’ébranlera un jour. Les prières qui se font pour son retour à l’unité verront bientôt sans doute le commencement de leur réalisation. C’est alors que la grande et noble idée du vénérable Pallotti recevra toute son extension. Toutes les nations de l’Orient et de l’Occident présenteront leurs hommages à l’enfant-roi de l’Épiphanie.
Mais il faut pour cela que le Sacré Cœur de Jésus soit prêché à l’Orient. Le rétablissement de l’union sera le fruit de cette dévotion, toute de paix et de charité.
À lire aussi | Des peuples prodigues, et de leur condition misérable
Les missionnaires de l’Orient puiseront à Rome le feu sacré de cette chère dévotion, et l’ardeur de leur zèle ramènera à l’Église les nations dissidentes. L’étoile merveilleuse conduisit les Mages de l’Orient aux pieds du Grand Roi, le soleil resplendissant du Cœur de Jésus y ramènera les peuples de ces mêmes contrées.
Source : Le Règne du Cœur de Jésus – Léon Dehon – 1892