Saint Pierre Baptiste, ses cinq compagnons et ses dix-sept Frères sont les premiers martyrs du Japon du Tiers-Ordre en 1597.
Le Japon, évangélisé en 1530 par S. François-Xavier, comptait, vers le milieu du XVIe siècle, de nombreuses chrétientés que cultivaient les Pères de la Compagnie de Jésus. L’empereur du Japon, d’abord favorable à la religion chrétienne, craignant dans la suite que les missionnaires ne soulevassent les chrétiens contre son autorité et n’appelassent les flottes du roi d’Espagne pour s’emparer de ses états, porta un édit de bannissement contre les Jésuites et interdit l’exercice de la religion chrétienne dans toute l’étendue de l’Empire. Sur ces entrefaites, le gouverneur des Philippines recevait du monarque japonais des lettres pleines de menaces, et songeait à lui députer une ambassade afin de conjurer une guerre et conclure un traité de paix ; il apprit en même temps que les chrétiens du Japon, privés du secours des Jésuites par l’édit de proscription, demandaient des religieux de Saint-François pour les soutenir au milieu de la persécution. Le gouverneur jeta alors les yeux sur les Franciscains pour remplir cette ambassade, et choisit, comme chef de la mission, saint Pierre Baptiste, connu par sa science, sa prudence et sa sainteté.
Ce héros, chef de la légion des martyrs du Japon, était né d’une famille distinguée par sa noblesse, au diocèse d’Avila, en Espagne. Après de brillantes études à l’Université de Salamanque, il avait dit adieu aux espérances du siècle pour revêtir le pauvre habit de saint François chez les Observants Déchaussés. Envoyé comme missionnaire au Mexique, il avait évangélisé cette vaste contrée et fondé un grand nombre de couvents. Il était enfin passé dans la mission des Philippines, où la renommée de sa sainteté l’avait déjà précédé. Ses travaux pour la conversion de ce vaste archipel furent immenses et souvent accompagnés de miracles : on le considérait comme l’apôtre et l’ange tutélaire des Philippines.
C’est donc à ce saint apôtre que le gouverneur des Philippines voulut confier la mission qu’il projetait. L’humble religieux s’excusa d’abord et exposa son insuffisance pour traiter une affaire de cette importance ; reconnaissant enfin que telle était la volonté de Dieu, il accepta cette grave mission de laquelle dépendait le bien de sa patrie : il déclara en même temps qu’il irait au Japon, non seulement comme ambassadeur du roi d’Espagne, mais aussi et avant tout, comme ambassadeur du Roi du ciel, pour y travailler au salut des âmes, pour consoler et soutenir ces chrétientés si éprouvées.
Le Saint fit voile, avec quelques compagnons, vers l’empire du Japon, fut accueilli avec honneur par le monarque japonais, conquit bientôt son estime et parvint à conclure un traité de paix honorable et avantageux même à la colonie espagnole des Philippines.
L’empereur, charmé des vertus et de la prudence de notre Saint, l’autorisa à s’établir au Japon, et lui donna un terrain dans sa capitale pour y construire un couvent : le monarque, cédant même à ses instances, consentit à révoquer l’édit de proscription portée contre les jésuites.
L’arrivée des Franciscains au Japon eut donc pour résultat immédiat de conjurer une guerre qui menaçait les Philippines, et de faire cesser la persécution, qui, depuis six ans, désolait ces chrétientés naissantes.
On ne saurait dire la joie des chrétiens du Japon à la nouvelle de l’arrivée des Franciscains et des faveurs obtenues de l’empereur pour le bien de la religion. Les missionnaires, de leur côté, se hâtèrent de mettre la main à l’oeuvre pour récolter de si belles moissons : ils se répandent dans l’empire, consolent et fortifient partout les chrétiens, évangélisent les infidèles qui accourent en foule pour entendre la parole de vie, ils ramènent enfin à la foi, nous dit la légende de l’office, des peuples innombrables.
Saint Pierre Baptiste et ses compagnons firent revivre dans ces contrées l’apostolat de saint François-Xavier ; depuis le passage de cet apôtre, l’Église du Japon n’avait pas vu d’époque aussi belle, aussi glorieuse et aussi féconde en conversions.
Les Franciscains avaient établi, à côté de leurs couvents, des hôpitaux destinés à recueillir les malades, les pauvres sans asile et les enfants abandonnés ; ils avaient fondé aussi de nombreuses écoles, où l’on instruisait des milliers d’enfants, tant chrétiens que païens. Ces diverses oeuvres de charité étaient confiées aux membres du Tiers-Ordre, qui se montrèrent toujours les fidèles coopérateurs de l’apostolat des religieux.
A la vue de ces innombrables conquêtes de la foi sur le paganisme, les prêtres des idoles ne cessaient de tramer des complots contre les ministres de l’Évangile ; ils n’osèrent d’abord s’adresser à l’Empereur qu’ils savaient s’être déclaré ouvertement leur protecteur : mais, voyant que leurs complots restaient sans résultat, ils finirent par se présenter devant le souverain pour lui reprocher la protection qu’il accordait aux missionnaires, au grand détriment de la religion officielle de l’empire ; le prince les renvoya avec mépris : de nouvelles tentatives n’obtinrent pas plus de succès.
Malgré ces échecs, les prêtres des idoles n’en poursuivirent pas moins leurs criminels projets. Aidés de quelques officiers de la cour, ennemis acharnés du nom chrétien, ils réussirent enfin à persuader au souverain que, s’il tolérait plus longtemps dans l’empire la religion nouvelle, le roi d’Espagne viendrait s’emparer de ses États et qu’il trouverait un appui certain auprès des missionnaires et des chrétiens.
L’Empereur se laissa gagner par ces calomnies, et saint Pierre Baptiste fut retenu prisonnier, avec cinq de ses religieux : deux jeunes religieux Espagnols qui étaient prêtres, un religieux portugais qui était seulement minoré, et deux frères convers.
L’Empereur ayant ordonné de mettre à mort, avec les religieux, tous les chrétiens qui avaient été leurs coopérateurs, on en porta sur la liste jusqu’à cent soixante-dix, qui appartenaient tous au Tiers-Ordre ; ce nombre ayant paru trop considérable, on résolut de les interroger et de n’envoyer à la mort que ceux qui se déclareraient eux-mêmes auxiliaires des missionnaires. Mais les cent soixante-dix tertiaires déclarèrent tous hautement qu’ils avaient été associés au ministère des religieux ;
« Avec eux, s’écrièrent-ils, nous avons travaillé à répandre l’Évangile, avec eux nous voulons mourir. »
Les officiers de l’Empereur n’osèrent en arrêter un si grand nombre ; dix-sept seulement d’entre eux furent associés au glorieux martyre des missionnaires franciscains. On leur adjoignit aussi un jésuite japonais avec deux domestiques, qui furent admis dans la compagnie de Jésus un peu avant d’aller au martyre. Parmi les dix-sept martyrs du Tiers-Ordre, se trouva un jeune homme, âgé de dix-neuf ans, nommé Gabriel, issu d’une noble et ancienne famille du Japon, qui avait été page à la cour du gouverneur de Méako ; un enfant de quinze ans nommé Thomas, un autre de treize ans nommé
Antoine, et un troisième de onze ans nommé Louis. Ces jeunes et admirables athlètes montrèrent jusqu’à la mort une intrépidité et une constance dont les bourreaux eux-mêmes furent attendris.
A l’annonce de la persécution, qu’on croyait devoir être générale, et de l’édit qui condamnait les religieux et leurs disciples, les chrétiens du Japon offrirent un spectacle, unique peut-être dans les annales de l’Église. Sur toute l’étendue de l’empire, les fidèles de tout âge, de tout sexe, de toute condition, font éclater leur joie, disposent de leurs biens, se préparent des habits de fête pour le grand jour du martyre. On les voit tous se lever, comme un seul homme, prêts à confesser la foi et à la sceller de leur sang : ils accourent en foule et mettent tout en oeuvre afin que leurs noms soient inscrits sur la liste des martyrs.
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Le Seigneur agréa leurs saints désirs, mais il n’accepta pas cette fois leur sacrifice. Les religieux de Saint-François et les compagnons de leur martyre furent réunis dans la prison de Méako, capitale de l’empire.
Aussitôt qu’on eût mis la main sur les saints confesseurs, des signes de la colère divine se manifestèrent ; une immense comète en forme de croix, semblant venir du côté des Philippines, s’étendit jusqu’à la ville de Nagasaki, où devait avoir lieu le martyre ; la ville de Méako éprouva un épouvantable tremblement de terre qui ruina les temples des idoles, et une inondation qui fit périr une multitude de personnes : on vit la statue de saint François, vénérée dans l’église de Méako, répandre une sueur de sang en présence d’une foule immense frappée de stupéfaction.
De Méako, les martyrs furent conduits à Nagasaki pour être crucifiés sur une montagne voisine de cette ville. Partout les chrétiens et les païens se pressaient en foule sur leurs pas, et partout éclataient des marques de sympathie et d’admiration. Dans leur soif du martyre, une foule de chrétiens demandaient à être associés à la sainte phalange, mais les soldats les repoussaient avec brutalité. Quant aux martyrs, les uns étaient absorbés dans la prière,les autres prêchaient au peuple la foi qu’ils allaient sceller de leur sang.
La foule contemplait surtout avec une vive émotion le spectacle des trois jeunes enfants, qui, les mains liées derrière le dos et le visage rayonnant d’une joie céleste, alternaient entre la récitation de l’Oraison dominicale et le chant de la Salutation angélique.
On ne saurait dire tout ce qu’eurent à souffrir les SS. Martyrs durant un mois que dura leur voyage, ayant à subir les rigueurs de la saison, la faim, la soif et des privations de toutes sortes ; mais, dans la joie dont leur âme surabondait, ils bénissaient le Seigneur, qui les avait jugés dignes de souffrir quelque chose pour son Nom.
Le gouverneur de Nagasaki, chargé de conduire les martyrs au lieu du supplice, était venu à leur rencontre. Son attention se porta sur les trois jeunes enfants ; son coeur se sent ému en les voyant marcher, pleins d’allégresse, à la tête du cortège ; il tente par les promesses et les flatteries d’ébranler leur constance et de leur ravir la palme du martyre ; mais les jeunes champions de la foi repoussent ses offres d’honneurs et de richesses avec mépris et indignation.
« Gardez pour vous vos richesses, je les méprise, lui dit le petit Louis, je n’en veux pas d’autres que celles du ciel. »
Les confesseurs de la foi arrivèrent à Nangazaqui le 5 février; ils devaient être crucifiés sur le sommet d’une montagne qui domine la ville, et qui, en raison de sa forme et des chemins sinueux qui y conduisent, ressemblait à un calvaire.
Dès qu’on apprit dans la ville que les martyrs approchaient, tous les habitants, chrétiens et païens, se portèrent en masse à leur rencontre ; jamais souverain ne fut l’objet d’une manifestation si imposante et si spontanée. Les chrétiens se prosternent devant les martyrs, leur baisent les pieds, et les supplient de ne pas les oublier du haut du ciel, qui va devenir leur partage ; d’autres, en grand nombre, proclament qu’ils sont chrétiens, eux aussi, et supplient le gouverneur de les associer aux captifs.
Cependant, les champions de la foi gravissent les pentes de leur calvaire : les uns prient, les autres encouragent les chrétiens et prêchent la foi aux infidèles. Dès qu’ils aperçoivent les croix sur lesquelles doit se consommer leur sacrifice, ils se prosternent et chantent tous en choeur le cantique Benedictus.
Puis, chacun des martyrs se rend auprès de sa croix, l’embrasse et la presse sur son coeur avec amour ; les bourreaux approchent et les attachent au bois du sacrifice ; la multitude qui les environne fait entendre des sanglots et des gémissements, les païens eux-mêmes sont attendris.
Les martyrs, du haut de leur gibet, ne cessent de prêcher à tous la foi de Jésus-Christ. Pendant le long trajet de Méako à Nagasaki, saint Pierre-Baptiste avait promis au jeune Antoine qu’une fois sur la croix il lui ferait chanter, ainsi qu’à ses deux petits compagnons, le psaume Laudate pueri Dominum.
Antoine voyant l’exécution commencée ne manqua pas de se tourner vers le P. Commissaire et de lui dire en souriant :
« Père, vous ne vous souvenez donc pas de la promesse que vous nous avez faite, de nous faire chanter le Laudate ? »
Mais le Saint était absorbé en Dieu et ne répondit pas ; alors, les yeux élevés au ciel, Antoine entonna le psaume que les trois enfants chantèrent avec une admirable ferveur. Voyant briller le fer de la lance qui s’apprêtait à les frapper ils s’écrièrent :
« Paradis! Paradis! »
et leurs âmes innocentes s’envolent, avec celles des autres martyrs, vers les choeurs des anges, pour chanter devant le trône de l’Agneau l’hosanna éternel.
Il ne restait plus à immoler que le chef de cette invincible légion, l’ange des îles Philippines, le courageux apôtre du Japon, le saint et glorieux Pierre Baptiste, qui, comme la mère des Machabées, avait vu tous ses enfants immolés sous ses yeux.
Après avoir encouragé les chrétiens et exhorté une dernière fois les païens à embrasser la religion chrétienne, après avoir enfin, à l’exemple de Jésus-Christ, pardonné à ses bourreaux, il expira le sourire sur les lèvres. Dieu glorifia aussitôt ses martyrs par des prodiges inouïs. Leurs corps répandirent un parfum céleste et restèrent pendant deux mois suspendus à leurs croix, en état de parfaite conservation.
On vit apparaître des météores lumineux qui rendaient la nuit aussi claire que le jour et des globes de feu qui venaient reposer sur la tête de chacun des martyrs. La ville de Nagasaki, ne comptant alors que quelques milliers de chrétiens, vit la foi se propager si rapidement que, peu de temps après, elle en comptait jusqu’à trente mille.
Mais il s’opéra encore un prodige bien merveilleux et bien surprenant. Saint Pierre Baptiste, après sa mort, disparut plusieurs fois de sa croix, et une foule de personnes le virent célébrant la messe dans l’église que les Franciscains possédaient à Nagasaki ; il était assisté du jeune Antoine, vêtu de blanc, et l’on entendait de célestes harmonies.
Res mirabilis, dit le procès apostolique, imo et miraculum maximum, du haut de son gibet saint Pierre-Baptiste guérit une païenne et la baptisa. Au pied de cette croix une mère désolée dépose son enfant qui vient d’expirer, elle lui frotte le visage avec la terre imprégnée de sang et l’enfant revient à la vie.
O glorieux héros de l’Évangile, qui, tenant en main les palmes de la victoire, vivez heureux au séjour des éternelles délices, priez pour nous, pauvres étrangers qui errons sur cette terre d’exil ; priez pour cette nation qui vous envoya à la mort ; priez pour l’Ordre franciscain qui vous fut si cher.
Saint-Pierre-Baptiste est ses compagnons seront canonisés en 1862. Érigée canoniquement en 1886 et civilement en 1887.
Source : Par un frère mineur de Montréal – Abrégé de la vie des Saints et des Bienheureux.
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