Les fidèles doivent croire sans hésiter et très fermement que Jésus-Christ, après avoir achevé et terminé le mystère de notre rédemption, monta au ciel, comme homme, en corps et en âme.
Comme Dieu, jamais, il n’avait cessé d’y être, puisque, par sa divinité, il est partout et remplit tous les lieux.
« Or, il y est monté par sa propre vertu, et non par une force étrangère, comme Elie, qui fut enlevé dans le ciel sur un char de feu, ou comme le prophète Habacuc et le diacre Philippe, qui furent portés en l’air par une force divine, jusqu’à des distances très éloignées. Et ce n’est pas seulement en tant que Dieu qu’il est monté au ciel par la toute-puissance de sa divinité, c’est encore en tant qu’homme.
Cela n’eut pas lieu par des forces naturelles à l’homme, mais cette vertu, dont était remplie son âme bienheureuse, pouvait transporter son corps où elle voulait, et son corps, déjà en possession de la gloire, obéissait sans peine aux ordres et aux mouvements de l’âme. C’est pourquoi nous croyons que le Christ est monté au ciel par sa propre vertu comme Dieu et comme homme. »
Il est assis à la droite de Dieu
1° Sens métaphorique.
Il y a dans ces mots : être assis à la droite, une figure, c’est-à-dire un changement de signification, comme on en trouve fréquemment dans l’Écriture. Pour s’accommoder à notre manière de concevoir les choses, l’Écriture attribue à Dieu des membres et des affections humaines, quoi qu’en Dieu, il soit impossible de rien concevoir de corporel, puisqu’il est un pur esprit.
Mais, comme nous voyons, parmi les hommes, donner la droite à celui qu’on veut honorer, on a transporté l’idée de cet usage aux choses spirituelles, et pour expliquer la gloire que Jésus s’est acquise, et qui l’élève comme homme, au-dessus de toutes les créatures, on a dit qu’il est assis à la droite de son Père.
Être assis n’exprime pas ici la position du corps, mais signifie la possession certaine et immuable de la puissance, de la gloire royale et souveraine que Jésus a reçue de son Père. Car c’est son Père, dit l’apôtre, qui « l’a ressuscité des morts et l’a fait asseoir à sa droite dans les cieux, au-dessus de toute principauté, de toute autorité, de toute puissance, de toute dignité et de tout nom qui se peut nommer, non seulement dans le siècle présent, mais encore dans le siècle à venir. Il a mis tout sous ses pieds. »
On voit qu’il s’agit ici d’une gloire singulière et propre au Seigneur, qui ne saurait convenir à aucune autre créature. Ce qui fait dire dans un autre passage :
« Auquel des anges Dieu a-t-il jamais dit :
« Assieds-toi à ma droite ? »
Pour expliquer plus au long le sens de cet article, il n’y a qu’à relire le récit de l’ascension tel que l’a fait saint Luc avec un ordre admirable dans les Actes des apôtres. Il faut remarquer avant tout que les autres mystères se rapportent à l’ascension comme à leur fin, et qu’ils y reçoivent leur dernier accomplissement et leur perfection, car, de même que tous les mystères de notre religion ont commencé par l’incarnation, ainsi son passage parmi nous s’est terminé par l’ascension.
D’ailleurs, les autres articles du symbole nous font connaître son humilité et son abaissement extraordinaire, car on ne peut rien concevoir de plus bas et de plus abject, pour le Fils de Dieu, que de s’être revêtu de notre nature et de notre faiblesse, et d’avoir bien voulu souffrir et mourir. Mais ce que l’article précédent nous enseigne de sa résurrection d’entre les morts, et le sixième de son ascension, par laquelle il est allé s’asseoir à la droite de son Père, est tout ce qu’il y a de plus admirable et de plus propre à nous donner une haute idée de sa gloire souveraine et de sa divine majesté.
Cela dit, il faut exposer avec soin pourquoi Jésus-Christ est monté au ciel.
2° Causes et raisons de l’ascension.
Jésus est monté au ciel, d’abord parce que son corps, devenu glorieux et immortel par sa résurrection, réclamait une autre demeure que le séjour bas et obscur de la terre et ne devait plus habiter que dans les hauteurs et les splendeurs du ciel, et cela, non seulement pour y jouir de la gloire et du royaume qu’il avait mérités par son sang, mais encore pour y prendre soin de ce qui regarde notre salut.
Ensuite pour prouver que son royaume n’était réellement pas de ce monde, car les royaumes de ce monde sont terrestres et passagers, ils ne subsistent que par les richesses et par la force. Le royaume du Christ, au contraire, n’est pas un royaume terrestre, tel que les juifs l’attendaient, mais un royaume spirituel et éternel, ne renfermant que des richesses spirituelles, comme il nous l’apprend, en plaçant son trône dans le ciel.
Dans ce royaume, les plus riches, ceux qui possèdent une plus grande abondance de biens, sont ceux qui cherchent avec plus de zèle les choses de Dieu. Aussi lisons-nous dans saint Jacques que « Dieu a choisi ceux qui sont pauvres aux yeux du monde, pour être riches dans la foi et héritiers du royaume qu’il a promis à ceux qui l’aiment. ».
En outre, le Seigneur a voulu exciter dans nos cœurs le désir de le suivre dans son ascension. Comme sa mort et sa résurrection étaient pour nous le modèle d’une mort et d’une résurrection spirituelles, ainsi son ascension nous apprend à nous porter au ciel par la pensée, bien que nous soyons sur la terre, et à reconnaître, comme le dit l’apôtre, que nous ne sommes que des étrangers et des hôtes de passage, que nous cherchons notre patrie, étant de la même cité que les saints et les familiers de la maison de Dieu.
En effet, nous vivons déjà dans le ciel. En ce qui concerne la force et la grandeur des biens inexplicables que Dieu a répandus sur nous par ce mystère, David, d’après l’interprétation de l’apôtre, les avait célébrés longtemps d’avance : « En montant au ciel, il a emmené captifs une foule d’esclaves, et il a répandu ses dons sur les hommes »
En effet, dix jours après son ascension, il envoya l’Esprit-Saint, dont la vertu et les grâces abondantes ont formé cette multitude de chrétiens qui existent aujourd’hui. Ainsi, il accomplit les magnifiques promesses qu’il avait faites à ses apôtres, en leur disant :
« Il vous est bon que je m’en aille, car, si je ne m’en vais pas, le Consolateur ne viendra pas en vous, mais si je m’en vais, je vous l’enverrai. »
Il est encore monté au ciel, suivant l’apôtre, « afin de se tenir désormais pour nous présent devant la face de Dieu » et de remplir, auprès de son Père, la fonction d’avocat.
« Mes petits enfants, écrivait saint Jean, je vous écris ces choses afin que vous ne péchiez pas. Et si quelqu’un a péché, nous avons un avocat auprès du Père, Jésus-Christ, le juste. Il est lui-même une victime de propitiation pour nos péchés. »
Or, il n’y a rien de plus propre à inspirer une joie solide et véritable aux fidèles, que de voir les intérêts de leur salut confiés à la médiation et remis entre les mains de Jésus-Christ, puisqu’il jouit auprès de son Père d’une faveur sans bornes et d’un crédit tout-puissant.
Enfin, comme il nous l’avait promis, Jésus nous a préparé une place dans le ciel, et c’est au nom de tous et comme notre chef qu’il est entré en possession de sa gloire céleste Car, en même temps, il nous a ouvert les portes du ciel fermées par le péché d’Adam, et tracé un chemin sûr pour arriver au bonheur éternel, suivant ce qu’il avait prédit à ses disciples, le jour de la Cène. Et ce fut pour montrer encore mieux la sincérité de ses promesses par les effets, qu’il emmena avec lui dans le séjour de la béatitude éternelle, les âmes des saints qu’il avait délivrées des enfers.
A tous ces biens célestes et admirables, se joignent encore plusieurs autres avantages. Et d’abord notre foi en devient infiniment plus méritoire, car la foi a pour objet les choses qui ne se voient pas, et qui sont au dessus de la raison et de l’esprit de l’homme. Aussi le mérite de notre foi eût-il été bien moindre, si le Seigneur ne nous avait point quittés, puisque lui-même a proclamé bienheureux ceux qui n’ont point vu et qui ont cru. Ensuite l’ascension de Notre Seigneur est très propre à affermir l’espérance dans nos cœurs. En effet, puisque nous croyons qu’il est monté au ciel et que sa nature humaine est placée à la droite de son Père, c’est un puissant motif d’espérer que nous, qui sommes ses membres, nous y monterons et que nous nous y réunirons à notre chef.
Lui-même nous a donné cette espérance, quand il a dit :
« Père, ceux que vous m’avez donnés, je veux que là où je suis, ils y soient avec moi ».
Un autre bienfait, et l’un des plus grands de l’ascension, c’est d’avoir porté vers le ciel l’amour de notre cœur et de nous avoir enflammés de l’esprit de Dieu. Car c’est une vérité que là où est notre trésor, là aussi est notre cœur. Par suite, si Jésus demeurait avec nous sur la terre, toutes nos pensées se borneraient à le voir dans son humanité et à vivre avec lui, nous ne regarderions que l’homme de qui nous avons reçu tant de bienfaits, et nous n’aurions pour lui qu’une affection toute naturelle,
Mais, en montant au ciel, il a spiritualisé notre amour, et dès lors, ne pouvant être avec lui que par la pensée, puisqu’il est absent, nous l’honorons et l’aimons comme notre Dieu. C’est ce que nous apprend l’exemple des apôtres. Tant que Jésus fut avec eux, ils n’eurent à son endroit que des sentiments tout humains. C’est ce que nous apprend Notre Seigneur lui-même, quand il leur dit :
« Il vous est bon que je m’en aille. »
Car cet amour imparfait, dont ils l’aimaient quand il était avec eux, avait besoin d’être perfectionné par un amour divin, c’est-à-dire par la descente du Saint-Esprit en eux. Et voilà pourquoi le Seigneur ajoutait :
« Si je ne m’en vais pas, le Consolateur ne viendra pas en vous. ».
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Joignez à tous ces avantages que le mystère de l’ascension a commencé sur la terre l’établissement de la maison de Dieu, c’est-à-dire de son Église, dont le gouvernement et la conduite devaient être dirigés par la vertu du Saint-Esprit. Mais il lui donna Pierre, prince des apôtres, pour pasteur visible et souverain prêtre, puis il établit encore des apôtres, des prophètes, des évangélistes, des pasteurs et des docteurs.
Et, de la droite de son Père où il est assis, il ne cesse de distribuer à chacun les dons qui lui conviennent. Voilà ce qu’enseigne l’apôtre, en disant que la grâce a été donnée à chacun de nous suivant la mesure du don de Jésus-Christ.
Enfin, les fidèles doivent concevoir de l’ascension des idées semblables à celles dont il a été question sur le mystère de la mort et de la résurrection. Quoique nous soyons redevables à sa passion de notre salut et de notre rédemption, quoique ses mérites aient ouvert aux justes l’entrée du ciel, cependant son ascension n’est pas seulement un modèle à contempler pour élever nos pensées et monter au ciel en esprit, elle est encore une source de grâces, et nous pouvons y puiser la force nécessaire pour imiter efficacement ce divin modèle.
Source : Enseignement de la Doctrine Chrétienne – Chanoine Georges Bareille – 1906
Edifiant mais trop long.