Tout l’exercice du saint amour s’accomplit et se perfectionne par le mouvement du cœur vers Dieu; c’est en lui qu’il s’écoule d’abord, pour y puiser bientôt l’heureuse transformation qui est le propre de la divine charité.
Il faut donc que l’esprit qui aime approuve le bien qu’il découvre en Dieu, avant de produire les actes généreux de complaisance et de bienveillance, d’où naissent les désirs insatiables que nous allons exposer. La satisfaction qu’il conçoit du bonheur de Dieu verse dans son sein des joies aussi pures que douces. Toute l’attention de l’esprit se réveille donc pour se réjouir et se complaire dans les perfections infinies de Dieu, dans le sentiment de l’abîme incompréhensible de sa souveraine grandeur.
Ce qui le réjouit, ce n’est pas qu’il peut trouver en Dieu une source de consolations ou de puissants secours, mais c’est que toutes les perfections divines sont inhérentes à l’immensité de son Être et inséparables de l’immutabilité de sa nature. S’il contemple sa toute-puissance, il est heureux de proclamer que, par elle, Dieu est exempt de crainte, de douleur et de tristesse; que rien ne peut altérer son bonheur, résister à sa volonté ou entreprendre sur sa gloire ou sur les biens parfaits et inaltérables qu’il possède par lui-même.
Dès lors, Dieu n’a besoin ni des hommes ni des anges, ni d’aucune créature pour être heureux ; l’honneur qu’il en reçoit n’ajoute rien à l’éclat et à la majesté de sa gloire. La pensée que toutes les créatures sont absolument soumises à ses ordres adorables ravit cet esprit. Il voit qu’elles n’ont d’être, de vie, de mouvement et d’opération que dans une dépendance essentielle, nécessaire et très intime de la motion divine. Les efforts présomptueux des démons et des méchants contre le nom de Dieu ne le troublent pas. Il y reconnaît les effets d’une lâche faiblesse.
La vue de la sagesse incréée le jette dans l’admiration. « Ô Dieu! s’écrie-t-il, ô profondeur inscrutable, qui renfermez tous les trésors des connaissances et toutes les merveilles de la science, vivez heureux, parce que rien ne saurait se dérober à votre suprême intelligence ! Devant vous les abîmes sont ouverts et les ténèbres sont illuminées. La nuit s’enfuit devant vos lumières, ô Dieu, et l’ignorance ne trouve pas de place là où vous projetez vos divins rayons. Vous pénétrez jusque dans les plus profonds replis des consciences, et les secrets les plus intimes des cœurs ne sauraient vous être cachés. Vous ne pouvez rien apprendre de personne, puisque vous êtes le soleil de toutes choses, et que vous seul comprenez l’infinité, l’immensité, l’immutabilité et l’éternité de votre être. »
Mais la sagesse, la toute-puissance, la miséricorde, la justice, la simplicité et tous les autres attributs de Dieu sont en lui des propriétés ineffables de sa bonté souveraine; ils en sont des perfections essentielles, dignes de sa grandeur et qui rendent à sa gloire un hommage aussi éclatant qu’incompréhensible.
Aussi l’âme sainte ne se contente-t-elle pas de considérer ces attributs isolément, elle les réunit dans sa pensée en une merveilleuse unité, et forme de l’immensité des biens qu’ils représentent une bonté souveraine et parfaite.
« Voilà ce que vous êtes, ô mon bien-aimé, s’écrie-t-elle alors, et telle est votre perfection. Tous ces biens, vous les possédez, non pas dans une diversité divisible, non pas comme un accident qui puisse se séparer de l’infinité de votre être, non pas comme une propriété qui vous dénomme ou qui vous rende bon par accroissement, mais parce qu’être bon essentiellement est votre nature, et qu’être en vous c’est être une bonté infiniment parfaite. »
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Plus l’âme s’applique à la contemplation des grandeurs divines, mieux elle voit et plus elle sent que ses perfections ne peuvent exister en Dieu comme des ornements, des accessoires, des formes partielles et incomplètes ou encore des lambeaux détachés de perfection qui concourent à faire en Dieu une perfection totale, éminente et souveraine. Elle se rend compte, dès lors, que la divine bonté, incompréhensible en sa simplicité, contient toutes les excellences, toutes les grandeurs de la divinité, et que c’est la faiblesse de tout autre entendement que l’intelligence de Dieu, de les connaître en multipliant et en diversifiant les concepts. Une des choses qui touchent le plus puissamment les âmes saintes, c’est la condescendance que la divine bonté fait paraître dans son immutabilité.
Elle n’est pas sujette au changement, elle demeure partout égale à elle-même. Et, pourtant, combien elle n’est pas accessible et comme elle se laisse facilement gagner! Il n’y a pas de péchés, si énormes et si nombreux qu’ils soient, qui puissent la lasser; point d’ingratitude criminelle qui soit capable de la refroidir. Et ce qui ne laisse pas d’être admirable, c’est qu’elle ne perd pas son caractère jusque dans les châtiments qu’elle inflige.
« Votre justice, ô mon Dieu, disent donc ces âmes, ne fait rien perdre à votre bonté de sa douceur ineffable et de son infinie condescendance. Vous êtes bon avec tant d’excès que vous êtes tout bon pour votre bonté même, et que vous êtes toute bonté pour être souverainement bon. Si vous régnez au sein des Enfers, si votre puissance y donne aux flammes vengeresses je ne sais quelle ardeur violente et comme désespérée, n’est-ce pas parce vous êtes bon? L’inexorable rigueur de votre justice n’est, en effet, que la protectrice de votre adorable bonté; c’est d’elle que naissent les maladies, les persécutions, les martyres, les tentations, les sécheresses, les privations, les autres afflictions de l’esprit et du corps. Mais ces épreuves ne sont, à proprement parler, des malheurs qu’aux yeux et par la perversité de l’homme méchant. »
Et ainsi, parcourant tous les attributs qui se trouvent en l’inscrutable immensité de l’être divin, l’âme sainte se réjouit de ce qu’ils sont souverainement adorables dans la gloire qu’ils procurent à la bonté, de ce qu’ils forment en elle une très simple, absolue, universelle et nécessaire perfection.
Source : La Croix de Jésus – Réverend Père Louis Chardon de l’Ordre de Saint Dominique – 1895
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