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Les droits politiques de la femme du peuple sous l’ancien régime

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Pour les élections aux États Généraux, les femmes possèdent des droits de même nature et les exercent dans les mêmes conditions.

Jusqu’aux États de 1614 compris, un assez grand nombre de catégories de femmes pouvaient prendre part aux élections des députés aux États Généraux. C’étaient :

1 : Les communautés religieuses de femmes ;
2 : Les femmes nobles possédant fiefs de leur propre chef ;
3 : Les femmes chefs de famille ;
4 : Les corporations féminines.

Il semble qu’à la veille de la Révolution, les deux dernières catégories de femmes, au moins, tendaient à être à peu près complètement privées de ses droits. Sans doute, les articles 21 et 25 du règlement du 24 janvier 1789 spécifient-ils d’une part que, « dans les paroisses, communautés et bourgs, tous les habitants, âgés de 25 ans, domiciliés et inscrits au rôle des impositions, seront tenus de s’assembler et qu’il en sera de même des corporations », nulle part, il n’est spécifié que les habitants doivent être du sexe mâle.

En fait, nulle part, on ne trouve mention, dans les assemblées préparatoires, de femmes chef de famille. À Paris, il fut spécifié nettement que les femmes ne seraient pas admises aux assemblées de quartier. Quant aux corporations de métier, elles ne prirent qu’une part relativement peu importante à l’élection des députés du Tiers.

La plupart du temps, leurs assemblées préparatoires ne s’ouvrirent qu’aux maîtres, malgré les réclamations des ouvriers, et les femmes ne jouèrent aucun rôle dans leur constitution. C’est ainsi que nous voyons les deux plus importantes corporations de femmes de la capitale, les bouquetières et les marchandes de modes, privées du droit, non seulement de désigner les représentants aux assemblées préparatoires, mais même de faire entendre officiellement leurs doléances.

Pour les élections aux États Généraux, comme pour la comparution aux assemblées de communautés, les droits de la femme du peuple tendaient donc à tomber en désuétude et l’on n’en tenait nul compte lorsqu’il s’agissait d’élaborer des règlements nouveaux. Le droit des femmes nobles possédant fiefs de leur propre chef et des filles réunies en communautés religieuses se trouva, au contraire, officiellement consacré et en fait exercé.

Le même règlement du 21 janvier spécifie (article 11) que « tous les corps et communautés ecclésiastiques des deux sexes, ainsi que les chapitres et communautés de filles, ne pourront être représentés que par un seul député ou procureur fondé, pris dans l’ordre ecclésiastique séculier ou régulier » et que (article 20) « les femmes possédant divisément, les filles et les veuves possédant fiefs, pourront se faire représenter par des procureurs pris dans l’ordre de la noblesse ».

Cet article est, on le voit, extrêmement libéral ; il donne, en effet une compétence électorale, non seulement aux femmes chefs de famille, qui n’ont pas de représentant naturel, mais encore aux femmes mariées, à condition qu’elles possèdent « divisément ». On se préoccupe même d’établir suivant quelle forme devait être libellée la procuration. Des modèles de procuration, valables pour les femmes comme pour les mineurs, circulèrent alors, permettant aux femmes comme aux mineurs d’envoyer, selon les formes, aux assemblées préparatoires de la noblesse, des procureurs qui agiront valablement en leur nom.

En fait, les femmes visées par les articles 11 et 20 du règlement royal du 24 janvier semblent avoir largement leurs droits. Les femmes détentrices de fiefs reçurent des assignations à comparaître aux assemblées préparatoires par procureurs et il en fut de même des abbesses, prieures ou supérieures des communautés de femmes. Parfois réunies, au son de la cloche, en assemblées capitulaires, les religieuses âgées de 25 ans composant la communauté procédèrent, sous la surveillance des supérieures, prieures ou abbesses, à la nomination de leurs procureurs. Parfois, au contraire, la prieure donne directement sa procuration.

Quant aux femmes nobles possédant fiefs, elles constituent, dans les formes prescrites, leur procureur. Celui-ci est, le plus souvent, un membre de la famille, leur mari lorsqu’elles sont mariées et possèdent divisément, leur fils lorsqu’il s’agit de veuves, un frère lorsqu’il s’agit de filles non mariées, parfois encore un petit-fils, un neveu, un cousin.

Mais lorsqu’il n’y a pas de parent proche, ce procureur est un étranger. La femme mariée séparée de biens nomme également, pour procureur, un autre que son mari. Il arrive assez fréquemment à un procureur de représenter deux ou plusieurs femmes auxquelles le lient des liens de parenté, ou même qui lui sont étrangères.

Enfin, il est assez commun de voir des nobles ajouter, à la voix que leur confère leur propriété, celle que leur donne la qualité de « procureur de leur femme » qui possède divisément. De même, plusieurs communautés de femmes se réunirent souvent pour envoyer, aux assemblées préparatoires du clergé, le même procureur.

Les deux couvents de Carmélites de Paris désignèrent, comme leur procureur, l’abbé de Pinet ; les Ursulines d’Argenteuil, les Filles de la Miséricorde, les Carmélites de la rue Saint-Jacques désignèrent un des vicaires de l’archevêché ; les Annonciades d’Arpajon, les Ursulines de la rue Saint-Jacques, les dames du Saint-Sacrement donnèrent leur voix à un autre vicaire. Un curé de Bailleul représente à la fois les Hospitalières de Cassel et les chanoinesses de Bourgogne.

La répartition des procurations féminines n’est d’ailleurs pas la même sur tous les points du territoire français. Les communautés religieuses furent largement représentées à Paris : 56 d’entre elles envoyèrent des représentants à l’assemblée du clergé de Paris entre les murs. Le clergé féminin fut représenté dans certains bailliages voisins de la capitale, dans celui de Villers-Cotterets et dans celui d’Etampes.

La représentation de la noblesse féminine est plus étendue. Elle varie aussi beaucoup selon les provinces. Dans certaines régions (outre la Bretagne où la noblesse, pas plus que le clergé, ne députa pour les États Généraux), on n’en trouve pas de trace ; ainsi à Paris, en Normandie (hors le bailliage d’Évreux), dans le Dauphiné, en Provence, non qu’une loi formelle s’opposât, dans ces provinces, à la représentation des dames nobles, mais soit parce qu’aucune ne se trouvait dans les conditions prescrites, soit parce qu’elles négligèrent de se faire représenter.

Ces exceptions mises à part, nous voyons, sur presque tous les points du territoire, des femmes nobles députer aux assemblées de leur ordre. En Flandre, un quinzième des comparants à l’ordre de la noblesse sont des comparants de femmes possédant fiefs.

On peut constater qu’il n’est aucune province où la représentation féminine ne fut d’usage et que, seule, la capitale fait exception à la règle. Partout ailleurs, les femmes nobles sont représentées, dans une proportion d’ailleurs variable, par rapport au nombre des comparants. Cette proportion est faible en Alsace et en Lorraine, très forte au contraire dans certaines parties de la Guyenne et de l’Ile-de-France, où elle est parfois d’un sixième ou d’un quart des comparants.

Sans doute, cette proportion est-elle une image de la répartition des fiefs féminins, moins nombreux dans les pays de droit germanique (Alsace et Lorraine), ou de strict droit romain (Normandie), plus nombreux dans le Midi et dans les territoires soumis à la coutume de Paris. Comme nous l’avons vu, les femmes bénéficiaires de ces droits politiques ne s’y montrent pas indifférentes.

Elles les exercent sérieusement. Et c’est à peine si, sur les centaines de femmes qui ont droit à une représentation, on en trouve une dizaine qui manquent à l’appel. À titre de propriétaire du sol, la femme noble jouit donc d’un droit de représentation et l’exerce, par son procureur sans doute, mais en tout cas, effectivement. Et elle prend part ainsi au grand acte qui, en 1780, transforma la France.

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Mais il faut bien apercevoir le caractère de ces droits politiques, ils ne sont pas attachés à la personne, mais à la terre, ils ne sont pas une conquête de l’esprit nouveau, amenée par une évolution des idées favorables au droit de suffrage féminin, mais une survivance de privilèges anciens qui faisaient partie d’un vaste ensemble, le système féodal, et qui tendaient peu à peu à s’effacer à mesure que le système féodal s’écroulait.

On comprend donc que la Révolution, loin de les confirmer, les ait fait disparaître avec les derniers vestiges de la féodalité.

Source : La femme et le féministe avant la révolution – Léon Abensour – 1923

Publié par Napo

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