Vierge réformatrice de l’Ordre de Sainte Claire, Sainte Colette de Corbie plut à Dieu et fréquemment il récompensa sa confiance en son amoureuse Providence. Nous la fêtons le 6 mars.
On sait qu’au XVe siècle Dieu suscita dans l’Ordre de Saint François une pléiade de saints, qui eurent pour mission d’y ranimer l’esprit du Séraphique Patriarche et d’y rétablir la pureté primitive de la Règle. Cette œuvre de régénération fut opérée, dans le Premier Ordre, par Saint Bernardin de Sienne, Saint Jean de Capistran, Saint Jacques de la Marche, Saint Pierre Régalât et leurs nombreux disciples.
À la même époque Sainte Colette de Corbie remplissait en France une semblable mission dans l’Ordre de sainte Claire. C’est au sein de la solitude, où elle vivait depuis cinq années, s’immolant pour le salut des pécheurs, que Colette Baylet reçut de Dieu sa mission. Contrainte, malgré son humilité, à obéir à un ordre du ciel, elle le fait reconnaître par le Souverain Pontife, qui l’autorise à fonder des monastères sous la première Règle de sainte Claire, et à rétablir cette même règle dans celles des anciennes communautés de l’Ordre, où l’on suivait la Règle mitigée par Urbain IV.
De son vivant, Colette fonda dix-sept communautés et cette réforme se propagea admirablement après la mort de la Sainte. Le propre des œuvres de Dieu est d’être sujettes à la contradiction. Aussi, les uns traitaient Sainte Colette de Corbie de visionnaire et de fanatique, les autres l’accusaient de porter le trouble dans les consciences. Mais Celui qui l’a envoyée veille sur elle, lui inspire un invincible courage et la maintient toujours à la hauteur de sa mission.
Dieu autorise d’ailleurs son œuvre par les prodiges, qu’elle sème partout sur son passage ; elle guérit les malades, ressuscite les morts, commande aux éléments, ramène à Dieu une multitude de pécheurs. Mais plus elle était comblée des faveurs célestes, plus elle était humble. Il y aurait beaucoup à dire sur l’humilité de Sainte Colette de Corbie. Grâce à cette vertu, elle était redoutable au démon et sortait victorieuse de toutes ses attaques. Le démon la tourmentait tellement de toutes façons, soit en introduisant dans sa cellule des bêtes horribles ou dangereuses, soit en faisant autour d’elle un vacarme affreux pour la distraire de son oraison, soit en la maltraitant même, que plusieurs fois Colette aurait dû succomber sans un secours tout spécial du ciel.
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À l’approche de la nuit, elle disait quelquefois à ses religieuses :
« Vous allez reposer, mes chères filles, pour moi je vais commencer mon martyre ! »
Ce martyre, elle l’augmentait encore d’elle-même par ses propres austérités. Elle porta longtemps une ceinture de fer : lorsque son directeur lui ordonna de la quitter, elle dut l’arracher avec d’indicibles souffrances. Une parole de la Sainte nous révèle sur ce sujet le sentiment intime de son âme ; quelqu’un lui ayant demandé ce qui pourrait lui arriver de plus pénible, Colette répondit :
« Ce serait de passer un seul jour sans avoir à souffrir pour mon Dieu ! »
Ange de pureté et séraphin par l’amour, Sainte Colette de Corbie vivait dans une continuelle oraison, aussi passait-elle de longues heures abimée dans une sublime contemplation. Habituellement elle contemplait les grands mystères de la douloureuse Passion ; le vendredi, elle y consacrait jusqu’à huit et douze heures ; instants fortunés qui voyaient les souffrances du divin Rédempteur se renouveler dans la servante de Dieu.
Pendant la Semaine Sainte elle demeura une fois trois jours et trois nuits dans le ravissement, les yeux et les bras élevés vers le ciel. Dans une autre circonstance, comme elle était à Besançon, elle tomba dans une extase qui ne dura pas moins de quinze jours : la vie des sens paraissait l’avoir tout à fait abandonnée ; néanmoins elle revint à elle sur l’ordre du P. Henri son confesseur.
L’âme de notre Sainte était tout embrasée en présence du divin Captif du tabernacle, et dans ses communions ; on pourra en juger par la grâce dont Dieu la favorisa durant son séjour au monastère d’Hesdin.
Un jour, le prêtre termina le saint Sacrifice de la messe et rentra à la sacristie, sans s’être aperçu que la sainte abbesse attendait à la grille du chœur pour recevoir la sainte communion ; Notre-Seigneur apparut tout-à-coup, ouvrit le tabernacle et donna de sa main la communion à sa Sainte épouse : puis, après avoir replacé le ciboire dans le tabernacle et donné sa bénédiction, il disparut, laissant dans l’admiration les religieuses témoins d’une telle merveille.
La servante de Dieu, avons-nous dit, fonda de son vivant dix-sept communautés, et en réforma un grand nombre. Amante passionnée de la pauvreté, sainte Colette fit voir que l’esprit de Saint François et de Sainte Claire s’était vraiment reposé sur elle. Elle porta jusqu’à sa mort la tunique dont elle avait été revêtue à son entrée dans l’Ordre ; ce vêtement avait été tant de fois raccommodé qu’on n’aurait pu y retrouver un seul morceau de la première étoffe : toujours elle allait nu-pieds, sans sandales, sur les routes et dans les voyages, comme dans l’intérieur du monastère.
Son plus vif désir était que la pauvreté brillât du plus pur éclat dans ses communautés, et qu’elle y régnât en souveraine. Un jour que Colette exhortait ses religieuses à marcher sur les traces des apôtres, dans la voie de la pauvreté évangélique, on vit apparaître dans la salle de communauté les douze apôtres, vêtus de blanc, comme pour donner par leur présence une sanction aux enseignements de la Sainte réformatrice : dès que le discours fut terminé, les apôtres s’élevèrent dans les airs, entraînant après eux la fidèle imitatrice de leurs exemples : elle s’éleva si haut que les sœurs la perdirent de vue, et ne revint auprès de ses filles qu’après avoir entrevu, sans doute, le magnifique royaume promis aux pauvres volontaires.
Disons encore que Dieu se plut fréquemment à récompenser la confiance de Sainte Colette en son amoureuse Providence. Par le ministère de ses anges, il lui envoya des pièces d’or, lorsque, faute de ressources, elle ne pouvait continuer ses fondations ; les provisions aussi se multiplièrent souvent entre ses mains. Le Seigneur révéla un jour à sa servante les faveurs qu’il réservait aux bienfaiteurs de l’Ordre ; elle appela ses religieuses et obtint qu’elles pussent jouir de la même vision. Toutes virent une légion de démons qui menaçaient la Sainte Abbesse, et avec elle les bienfaiteurs du monastère ; mais elles virent en même temps les anges prendre leur défense et les protéger contre la malice des esprits de ténèbres ; puis, elles aperçurent une échelle d’or, par où montaient les anges apportant au Ciel les aumônes des pieux bienfaiteurs avec les prières que la reconnaissance dictait aux pauvres filles de Sainte Claire.
L’ouragan révolutionnaire dispersa en France les filles de Sainte Colette ; mais, dès que l’ère de paix religieuse s’ouvrit pour la France, plusieurs de ces communautés dissoutes purent se réunir, dans les anciens monastères ou dans de nouveaux asiles, pour y continuer la vie d’immolation et de prière.
D’autres communautés ont été fondées depuis, et ainsi nous voyons se perpétuer l’esprit de sainte Colette et se réaliser cette parole prophétique de l’illustre Réformatrice :
« Par la protection de la Très Sainte Vierge, la Réforme durera jusqu’à la fin des temps. Ni les révolutions, ni la corruption du siècle, ni la diminution de la foi, ne pourront éteindre ce flambeau allumé par Notre-Seigneur Jésus-Christ ! »
Après quarante années de travaux, sainte Colette avait terminé sa mission et, le 6 mars 1447, son âme virginale quittait cette terre d’exil pour s’envoler vers les demeures éternelles. Pie VII l’a canonisée solennellement en 1807.