CHAPITRE V : Ce chapitre parlera de Dieu miséricorde
I. L’Océan de la Miséricorde
« Je suis, a dit le Seigneur à la Mère Anne-Marguerite Clément, la grande mer et le vaste océan de miséricorde, sans fond ni rive. Je veux que tu t’abandonnes à moi sans réserve. »
(Vie, 1915, p. 284.)
« Ma miséricorde fait avec ma charité comme le fond de mon être », a-t-Il dit à sainte Marie-Madeleine de Pazzi. (IVe part., ch. X.)
« Ma miséricorde, dit le Père éternel à sainte Catherine de Sienne, est, sans aucune comparaison, beaucoup plus grande envers vous que tu ne peux le voir, car ta vue est imparfaite et finie, tandis que ma miséricorde est infinie et parfaite. Il y a donc entre ton appréciation et la réalité toute la distance du fini à l’infini. » (Dialogue, ch. XXXI.)
II. Le monde perdu. Le monde racheté
Enseignement de Dieu à sainte Catherine de Sienne :
« Je vous ai donné le Verbe, mon Fils unique, parce que le genre humain tout entier était corrompu par le péché du premier homme, et que, sorti de la chair viciée d’Adam, vous ne pouviez plus acquérir la vie éternelle. J’ai voulu unir ma grandeur infinie à la bassesse de votre humanité, afin de vous rendre la grâce qu’avait détruite le péché. Je ne pouvais souffrir comme Dieu la peine que ma justice réclamait pour le péché et l’homme était incapable d’y satisfaire, puisque l’offense était commise contre moi, qui suis la bonté infinie.
C’est pour cela que j’ai envoyé le Verbe, mon Fils, revêtu de votre nature déchue, afin qu’il souffrît dans la chair même qui m’avait offensé, et qu’il endurât la douleur jusqu’à la mort ignominieuse de la croix. Il satisfit ainsi à ma justice et ma miséricorde put pardonner à l’homme et lui rendre encore accessible la félicité suprême pour laquelle il avait été créé.
La nature humaine unie à la nature divine racheta le genre humain, non seulement par la peine qu’elle supporta dans la chair d’Adam, mais par la vertu de la divinité, dont la puissance est infinie. Il ne resta plus de la tache originelle après le baptême qu’un penchant au mal, une faiblesse des sens, qui est dans l’homme comme la cicatrice d’une plaie. »
(Dialogue, ch. XIV.)
III. La miséricorde combat le désespoir, la présomption et l’endurcissement
« C’est ma miséricorde qui fait espérer l’homme en ma miséricorde pendant sa vie. Je ne lui accorde pas cette grâce pour qu’il m’offense, mais pour qu’il se livre à ma charité et à la considération de ma bonté. Il fait le contraire, quand il m’offense, parce qu’il compte sur ma miséricorde. Cependant, je le conserve dans l’espérance de ma miséricorde, afin qu’au moment de sa mort il puisse s’y attacher, et qu’il ne périsse pas en tombant dans le désespoir, car ce qui est le plus odieux pour moi et le plus malheureux pour lui, c’est le désespoir.
Ce dernier péché est plus grand que tous ceux qu’il a commis. Ce qui fait que ce péché m’irrite et lui nuit plus que les autres, c’est qu’il y a dans les autres péchés un certain plaisir, un entraînement des sens, et qu’on peut en avoir un regret qui attire la miséricorde ; mais dans le péché de désespoir, comment prétexter la faiblesse, puisqu’on n’y trouve aucune jouissance, mais au contraire, une peine insupportable ?
Le désespoir est le mépris de ma miséricorde ; il fait croire la faute plus grande que ma miséricorde et ma bonté. Celui qui tombe dans ce péché ne se repent pas et ne pleure pas véritablement de m’avoir outragé, il pleure son malheur et non mon offense ; et c’est pourquoi il tombe dans l’enfer, ou il sera tourmenté pour ce péché et pour tous ceux qu’il a commis.
S’il se fût repenti de l’offense qu’il m’avait faite, s’il avait espéré dans ma miséricorde, il eût trouvé le pardon, car ma miséricorde est infiniment plus grande que tous les péchés que peuvent commettre les créatures. Aussi ceux qui la jugent inférieure à leurs péchés, me déplaisent plus que tous les autres. C’est là le péché qui n’est pardonné ni en cette vie ni en l’autre.
Quand vient l’heure de la mort pour celui qui a vécu dans le désordre et le crime, le désespoir me déplaît tant que je voudrais le faire espérer dans ma miséricorde, c’est pour cela que pendant sa vie je me suis servi d’un doux stratagème en le laissant trop compter sur ma miséricorde ; l’habitude de l’espérance l’expose moins à la perdre au moment de la mort, quand se font entendre les terribles reproches de la conscience.
Cette grâce vient du foyer de mon ineffable charité, mais, parce que l’homme la reçoit avec les ténèbres de l’amour-propre, d’où procède toute faute, il la méconnait, et la douceur de ma miséricorde n’est, pour son coeur, qu’un motif de présomption ; c’est ce que sa conscience lui reproche en présence des démons ; elle lui rappelle la patience et la grandeur de ma miséricorde sur laquelle il comptait.
Il devait se livrer à la charité et à l’amour des vertus, en employant saintement le temps qui lui était donné, et il s’est servi du temps et de l’espérance de ma miséricorde pour m’offenser. »
(Sainte Catherine de Sienne, Dialogue, ch. CXXXII, n° 5, 6,7,8.)
« Celui qui m’offense en s’appuyant sur ma miséricorde ne peut pas dire qu’il espère en ma miséricorde, il est plutôt coupable de présomption, cependant il a la foi en ma miséricorde. Si, quand vient l’heure de la mort, il reconnaît ses fautes et décharge sa conscience par une sainte confession, la présomption cesse, et il ne m’offense plus. La miséricorde lui reste, et, avec cette miséricorde, il peut, s’il le veut, se rattacher à l’espérance. Sans cela il ne pourrait éviter le désespoir, qui l’entraînerait avec les démons dans l’éternelle damnation. » (Ibid., n° 4.)
« Personne ne sera rejeté s’il espère dans le sang de mon Fils et dans ma miséricorde ; mais personne aussi ne doit être assez aveugle et assez insensé pour attendre à ce dernier moment. » (Ibid., ch. CXXIX.)
IV. Providence miséricordieuse de Dieu envers les pécheurs
Voici une instruction donnée par Dieu à sainte Catherine de Sienne :
« Pour ceux qui sont dans la mort du péché, je réveille leur conscience par la douleur de l’aiguillon qu’ils ressentent au fond de leur coeur, par les peines qu’ils éprouvent dans leur coeur et par des moyens si variés que la parole humaine ne saurait les dire ; les remords et les peines qu’ils éprouvent les éloignent bien souvent du mal. Quelquefois aussi, lorsque je vois l’homme qui penche vers le péché mortel et vers l’amour désordonné de la créature, je lui ôte l’occasion et le temps de céder à sa volonté mauvaise; et alors la tristesse qu’il en éprouve le fait rentrer en lui-même, réveille le cri de sa conscience et le guérit de la folie où il était tombé.
Qui me fait agir de la sorte? Ce n’est pas le pécheur qui ne me cherche pas et qui ne demande le secours de ma providence que pour pécher, ou pour jouir des richesses, des plaisirs et des honneurs du monde, c’est mon amour qui me pousse, car je vous ai aimés avant votre naissance.
Je suis aussi forcé d’agir ainsi par les prières des serviteurs fidèles, qui, par la grâce du Saint-Esprit, pour ma gloire et pour l’amour du prochain, demandent avec une ardente charité leur conversion, s’efforçant d’apaiser ma colère et de lier les mains de ma justice, sous les coups de laquelle le pécheur devrait tomber. Leurs larmes et leurs supplications me retiennent et me font violence. Mais qui les pousse à crier ainsi vers moi ? C’est ma Providence qui veille aux besoins de ceux que tue le péché ; car il est écrit : je ne veux pas la mort du pécheur, mais qu’il se convertisse et qu’il vive. »
(Dialogue, ch. CXV.)
V. Dieu presse ses amis de prier pour les pécheurs
Notre-Seigneur se présentant à Marguerite-Marie, un jour qu’elle était devant le Saint Sacrement, lui dit
« Ma fille, veux-tu bien me sacrifier les larmes que tu as versées pour laver les pieds de ma bien-aimée, qui s’est rendue coupable en suivant un étranger. »
Mon Seigneur, lui répondit-elle, je vous ai tout sacrifié, ne m’étant réservé ni intérêts, ni prétentions en ce que je ferai, que ceux du bon plaisir de votre Coeur Sacré.
Deux fois Notre-Seigneur lui fit la même demande, lui disant que l’âme de sa bien-aimée, tombée dans le péché, désirait en sortir ; quelle était entrée dans un purgatoire pour se purifier et qu’il lui fallait ce secours. Quelques temps après, Il lui dit que sa bien-aimée c’était la Visitation, qui ne devait avoir qu’un coeur et qu’une âme ; que ce purgatoire était la solitude, (la retraite annuelle), ajoutant :
« Ma fille, donne-leur ce dernier avertissement de ma part : Que chacune rentre en soi-même pour faire profiter la grâce que je lui présente par le moyen de ma sainte Mère, car celles qui n’en profiteront pas demeureront comme des arbres secs qui ne rapportent plus de fruits. Elles pourront encore recevoir quelques lumières de ma sainteté de justice qui, en éclairant le pécheur, l’endurcit, lui fait voir le mauvais état où il est, sans lui donner aucune grâce victorieuse pour l’en retirer, ce qui le jette dans le désespoir ou le rend insensible à son propre malheur. Voilà l’un des plus rigoureux châtiments de ma sainteté de justice, dont elle punit le pécheur impénitent. »
(Ed. Gauthey, II, p.172.)
VI. Personne n’échappe à la main de Dieu
« Apprends, ma fille, dit le Seigneur à sainte Catherine de Sienne, que personne ne peut échapper à mes mains, parce que je suis celui qui suis. Vous n’avez pas l’être par vous-même, mais vous êtes faits par moi, qui suis le Créateur de toutes les choses qui participent à l’être, excepté le péché qui n’est pas (car il n’a pas été fait par moi), et comme il n’est pas en moi, il n’est pas digne d’être aimé.
La créature se rend coupable parce qu’elle aime le péché qu’elle ne devrait pas aimer et parce qu’elle me hait, moi, qu’elle devrait tant aimer puisque je suis le Souverain Bien, et que je lui ai donné l’être avec tant d’amour. Mais elle ne peut m’échapper, car ou elle est punie par ma justice pour ses fautes, ou elle est sauvée par ma miséricorde. Ouvre donc l’oeil de ton intelligence et regarde ma main et tu verras la vérité de ce que je te dis »
Catherine, pour obéir à l’ordre du Père suprême, regarda et vit dans sa main l’univers entier.
– « Ma fille, vois et comprends que personne ne peut m’échapper, tous sont le sujet de ma justice ou de ma miséricorde, car tous ont été créés par moi et je les aime d’un amour ineffable, et malgré leurs iniquités je leur ferai miséricorde par le moyen de mes serviteurs et je t’accorderai ce que tu m’as demandé avec tant d’amour et tant de douleur. »
(Dialogue, ch. XVIII)
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VII. La miséricorde s’étend aux païens comme aux chrétiens
Le Seigneur donna à sainte Brigitte cette consolante instruction :
« Je fais miséricorde aussi bien aux païens qu’aux Juifs et il n’y a aucune créature en dehors de ma miséricorde, car quiconque pense que ce qu’il croit est la vérité, parce qu’il ne lui a jamais été prêché rien de meilleur, et fait de toutes ses forces ce qu’il peut, sera jugé avec miséricorde. Si rien n’a empêché les infidèles de rechercher le vrai Dieu, ni la difficulté, ni la crainte de perdre l’honneur et les biens, mais seulement un empêchement humain, moi qui ait vu Corneille et le Centurion qui n’étaient pas baptisés être grandement récompensés, je sais qu’ils seront rémunérés comme leur foi l’exige. » (Liv. III, ch. XXVI.)
VIII. Combien Dieu a hâte de pardonner
« Il n’y a si grand pécheur auquel je ne remette aussitôt, s’il se repent sincèrement, tous ses péchés, et sur qui je n’incline mon Coeur avec autant de clémence et de douceur que s’il n’eût jamais péché. »
– S’il en est ainsi, demanda sainte Mechtilde, comment se fait-il que l’homme misérable n’en ressente rien ?
– Le Seigneur répondit :
« Cela vient de ce qu’il n’a pas encore perdu tout le goût du péché. Si, après sa conversion, l’homme résistait avec force aux vices, de manière à extirper tout le goût et la délectation du péché, sans aucun doute il ressentirait la douceur de l’Esprit divin. »
(IVè part., ch. LVIII.)
IX. La miséricorde, fruit de l’amour, est plus grande que nos infidélités
« Sais-tu bien, ma très chère fille, dit le Seigneur à Madeleine Vigneron, que tu appartiens à ce grand Dieu éternel et tout puissant et qu’Il t’aime plus que tu ne Lui es infidèle. »
(IVe part.,liv. LXII, avril 1667.)
Le Père éternel dit à Soeur Mechtilde :
« Mon Coeur ne peut persister à repousser de moi le pécheur ; c’est pourquoi je le poursuis si longtemps jusqu’à ce que je le saisisse. »
Et l’âme de Jésus dit à son tour :
« Dans la Sainte Trinité, sans interruption, j’offre à tous moments tous les pécheurs de la terre, afin que Dieu ne les laisse pas tomber dans l’éternel abîme. »
(Liv. Ier, ch. XIV.)
Sainte Catherine de Gênes vit un jour un rayon d’amour sortir de la source divine et se diriger vers l’homme pour le faite mourir à lui-même, et il lui fut montré que lorsque ce rayon rencontre des obstacles, il en résulterait une des plus grandes peines que Dieu pût avoir, s’il était possible que Dieu eût de la peine.
Ce rayon entoure l’âme de toutes parts pour entrer en elle ; mais l’âme lorsqu’elle est aveuglée par l’amour propre, ne l’aperçoit pas. Et elle comprit que lorsque Dieu voit une âme se damner sans pouvoir la pénétrer à cause de son obstination, Il semble dire :
« L’amour que je lui porte est si grand que jamais je ne voudrais l’abandonner. »
Quant à l’âme privée de l’amour divin, elle devient quasi aussi méchante que cet amour lui-même est suave et bon. Je dis quasi parce Dieu fait encore quelque miséricorde. Il lui parut que le Seigneur disait encore :
« Par ma volonté je ne voudrais jamais que tu puisses te damner ; l’amour que je ressens pour toi est tel que, s’il m’était possible de souffrir à ta place, je le ferais avec joie, mais si tu pèches, l’amour ne pouvant demeurer avec le péché, je suis forcé de t’abandonner. Unie à moi, tu serais capable de toute béatitude, mais séparée de moi, tu deviens capable de toute espèce de mal. »
(Dialogue, Ire part., ch. VIII.)
X. Jésus et les pécheurs
Le Seigneur apparaissant à Mechtilde avec un vêtement ensanglanté, lui dit :
« De même que mon humanité s’est présentée, avec un amour ineffable à Dieu le Père, toute couverte de sang, en victime, sur l’autel de la croix, ainsi, dans le même sentiment d’amour je m’offre au Père céleste pour les pécheurs, en Lui représentant tous les divers tourments de la passion ; et ce que je désire le plus est que le pécheur se convertisse et qu’il vive. »
(IVe part., ch. LI.)
Autre parole du Seigneur à la même sainte :
« Tant qu’un pécheur reste dans le péché, il me retient comme enchaîné, étendu sur la croix ; mais aussitôt qu’il se convertit, il me délie incontinent, et moi, comme si vraiment je venais d’être détaché de la croix, je tombe sur lui comme autrefois sur Joseph (d’Arimathie), avec ma grâce et ma miséricorde, et me livre en son pouvoir, en sorte qu’il peut faire de moi tout ce qu’il veut. Mais s’il persévère dans le péché jusqu’à la mort, ma justice aura pouvoir sur lui, et alors elle le jugera selon son mérite. »
(IVe part., ch. LVI.)
La prière de Marguerite de Cortone consistait surtout à considérer sa vileté, et elle se demandait comment elle osait communier, s’en trouvant indigne. Mais Notre-Seigneur la consola en lui disant :
« Si j’ai revêtu ton âme de la splendeur de mes grâces, ce n’est pas seulement pour ton profit personnel, mais je veux que l’exemple d’une vocation si gratuite de ma part donne confiance aux pécheurs qui voudront revenir sincèrement à moi, afin qu’ils sachent que le sein de ma miséricorde est toujours ouvert. »
(Vie intime, ch..VIII, § 3.)
Une autre fois, le Seigneur lui dit :
« Ce qui m’attire à toi, c’est que je te destine à être une lumière pour le monde, afin qu’il soit sauvé en imitant ta pénitence. »
(Ibid.,ch. V, § 45.)
Un jour, dit Soeur Marie-Aimée, que je m’étonnai des tendresses de mon Dieu, alors que je Lui avouais mes fautes, Il me dit :
« Comment veux-tu que j’agisse différemment à ton égard. Si le plus grand pécheur du monde se retournait vers moi après ses crimes, comme tu me reviens après tes négligences, je le recevrais incontinent dans les bras de ma miséricorde. »
(Vie, ch. XII.)
Marie-Catherine Putigny eut un jour la vision des deux disciples cheminant sur la route d’Emmaus. Quand toute la scène, telle que la dépeint l’Évangile, eut passé sous ses yeux, le Sauveur lui dit :
« C’est ainsi que j’agis à l’égard du pécheur : mes premières avances sont plus sensibles pour l’aider à sortir de la mauvaise voie, mais loin de l’abandonner ensuite à lui-même, je marche à côté de lui dans la vie ; ma parole s’insinue doucement en son âme, elle y produit la connaissance et l’amour de la vérité. C’est à l’amener à ce but que ma grâce tend incessamment malgré d’apparentes lenteurs. »
(Vie, ch. XXIII.)
XI. Miséricorde disposée à accorder plus qu’on oserait demander
Le Seigneur dit à Gertrude dans une communion :
« Afin que tu saches que mes miséricordes sont au-dessus de tous mes ouvrages, et que rien ne saurait épuiser l’abîme de ma bonté, je suis tout disposé à t’accorder, pour le prix de ce sacrement de vie, beaucoup plus que tu n’oserais jamais me demander. »
(Liv. III, ch. XVIII ; éd. lat., p.161.)
XII. La miséricorde mérite d’être d’autant plus exaltée qu’elle fait du bien à de plus indignes
Gertrude rendant grâces au Seigneur pour les bienfaits dont Il la comblait malgré son indignité, Le vit entouré de tous les saints, qui faisaient résonner des chants mélodieux à la louange du Seigneur, et elle entendit ces paroles :
« Fais attention avec quelle douceur cette louange pénètre les oreilles de ma Majesté et vient toucher jusqu’au fond de mon Coeur plein d’amour ; garde-toi de désirer désormais avec tant d’importunité d’être délivrée des liens de la chair, puisque, telle que tu es, je t’accorde les dons gratuits de mon amour ; car plus celui sur lequel je m’incline est indigne, plus je suis, et avec justice, honoré et exalté par toutes les créatures. »
( Liv. II, ch. XIX.)
XIII. Le bras de la miséricorde et le bras de justice
Catherine de Racconigi vit un jour Notre-Seigneur crucifié de telle sorte qu’il avait un bras plus long que l’autre. Jésus lui dit que le bras le plus court représentait sa justice, et le plus long sa miséricorde.
« D’eux même dit-il, ils sont égaux. Mais en ce siècle corrompu, la miséricorde est plus déployée que la justice. »
XIV. Il ne faut jamais désespérer du salut d’un pécheur
La Mère Scazziiga, qui fut la supérieure de Bénigna Consolata a témoigné au procès de béatification que la servante de Dieu avait appris du Seigneur qu’il exerçait sa miséricorde même dans cas les plus désespérés :
« Si une personne enfoncée dans le péché trouvait la mort sous un train ou sous une automobile, que nul ne dise : elle est perdue ; car personne ne peut savoir ce qui se passe en ce moment entre l’âme et Dieu. Je peux donner un tel jet de lumière, capable de susciter une lumière si intense que l’âme passe du fond de l’iniquité à l’étreinte de ma miséricorde. »
(Vie, p. 449.)
XV. Miséricorde triomphant de la justice
Carpus indigné contre deux pécheurs qui refusaient de céder à son zèle se livra à un chagrin irréligieux, priant Dieu de terminer sans pitié, par un coup de foudre, les jours de ces deux hommes.
Alors la vision suivante se déroula à ses yeux :
il voit le sol se creuser en un vaste et ténébreux abîme et ces hommes qu’il avait maudits se tenir en face de lui, à la gueule du gouffre, tremblants d’y tomber. Carpus s’efforçait lui-même de les y précipiter, lorsque Jésus, ému de compassion, quitte son trône du ciel, descend jusqu’à ces hommes, et leur tend la main avec bonté, pendant que les anges les soutiennent.
Notre-Seigneur dit à Carpus :
« De ta main déjà levée, ne frappe plus que moi, je suis prêt à souffrir de nouveau pour le salut des hommes et cela me serait doux si l’on pouvait me crucifier sans commettre un crime. Au reste, vois si tu aimes mieux demeurer avec les serpents dans l’abîme, qu’habiter avec Dieu et les anges si bons et si amis des hommes. »
(Denys le mystique, lettre VIII.)
Un jour que saint Dominique prolongeait sa veille dans l’église, il vit le Fils de Dieu, assis à la droite de son Père, prêt à frapper tous les pécheurs. Sa main était armée de trois épées : de l’une il abattait les têtes altières des orgueilleux ; il plongeait l’autre dans les entrailles des avares ; et avec la troisième il transperçait la chair des voluptueux. Tout à coup, la douce Vierge, sa Mère se présente à Lui et embrasse ses pieds, en le conjurant de tempérer la justice par la miséricorde.
« Vous qui connaissez tout, lui dit-elle, vous savez que c’est la voie par laquelle vous les ramènerez. J’ai un serviteur fidèle que vous enverrez leur annoncer votre parole et ils reviendront à Vous, le Sauveur de tous les hommes. J’en ai encore un autre que je lui donnerai pour aide, et qui travaillera de même. »
« Votre doux visage apaise ma colère, répond le Sauveur, mais montrez-moi les ouvriers que vous proposez pour cette oeuvre divine. »
Alors la Vierge Marie présente, tour à tour, à son fils saint Dominique et saint François, et le Seigneur Jésus dit à sa Mère sur chacun d’eux
« Qu’il fasse avec zèle et fidélité ce que vous avez dit. »
XVI. Miséricorde faite à un homme dont toute la vie avait été coupable
Le fils de Dieu parla à Brigitte, son épouse, disant :
« Celui qui est malade et pour lequel tu pries, a été fort lâche à mon endroit et toute sa vie a été contraire à la mienne. Mais fais-lui dire que s’il est résolu, au cas où il vivrait, à se corriger, je lui donnerai la gloire. Qu’on l’avertisse donc de s’amender, car je compatis à ses maux avec une grande miséricorde. »
Or, comme ce malade mourait avant le premier chant du coq, Notre-Seigneur apparut de nouveau à son épouse et lui dit :
« Vois ce qu’est ma justice : celui qui était si malade a été jugé, et bien qu’à cause de sa bonne volonté je lui aie fait grâce, cependant avant qu’il soit entièrement purifié, son âme endurera en purgatoire un supplice si cuisant qu’il n’y a mortel qui le puisse comprendre. Hélas ! Que n’auront pas à souffrir ceux qui sont attachés au monde et qui ne sont affligés d’aucune tribulation ? »
(Liv. VI, ch II.)
XVII. La miséricorde poursuivant une âme imparfaite jusqu’à ce qu’elle soit toute à Dieu.
La Soeur Marie du Saint-Esprit, du Carmel de Dieppe, raconte ce qui suit : Notre-Seigneur voulant par son infinie bonté me retirer d’un abîme d’infidélités où je m’étais plongée moi-même, par trop d’attache à une prieure, donna connaissance de mon état à Soeur Françoise de la Mère de Dieu, et l’obligea pendant plus d’un an à Le prier pour moi ; ce qu’elle faisait avec une grande persévérance et charité sans que j’en susse rien.
Une grande partie de cette année qui était, ce me semble, 1642, j’étais assaillie de différentes pensées contre cette Soeur, ce qui me portait à m’éloigner toujours d’elle. Pendant ce temps, Notre-Seigneur lui montrait tout ce qui m’empêchait de Lui adhérer intérieurement. Il lui dit que j’aurais un grand compte à Lui rendre au jour du jugement, et que la créature à qui je donnais ce que je Lui dois à Lui, ne Lui rendrait point compte pour moi.
Une autre fois Il lui montra comment Il me poursuivait sans cesse et la résistance que j’y apportais. Quelquefois, lorsqu’elle était en oraison devant le Saint-Sacrement, Il lui indiquait ce que je faisais dans ma cellule; si j’y employais le temps fidèlement, ou si j’en sortais pour aller chercher des distractions ou me satisfaire avec la prieure que j’aimais trop imparfaitement.
Il lui montrait combien les amitiés particulières Lui déplaisent chez les âmes religieuses. Il lui fit voir comment je Le laissais seul, parlant comme s’Il eût voulu me quitter à cause de mes grandes résistances à ses grâces. J’avais en effet un continuel remords de conscience, mais je m’efforçais de rejeter toutes ces inquiétudes, afin de donner plus librement cours à mes inclinations.
La Soeur Françoise priait Notre-Seigneur de ne point me quitter et de me rappeler à Lui. Elle le voyait quelquefois m’attendre avec une patience extrême au bout d’un dortoir où je me rendais, et je lui résistais en ce lieu. Elle voyait comme Il allait au-devant de moi par un autre côté, jusqu’à je fusse revenue à Lui, faisant voir en cela l’excès de sa bonté pour les âmes. Mon ingratitude la touchait extrêmement et lui faisait chercher l’occasion de dire quelque mot qui pût m’aider ; mais Notre-Seigneur lui dit une fois :
« Attendez, il n’est pas encore temps »,
lui insinuant que sa patience infinie voulait attendre que j’eusse achevé quelques ouvrages auxquelles j’étais fort attachée. Il lui dit un jour que quand Il a bien poursuivi une âme et qu’elle ne se rend point, Il se retire et la laisse ; ce qui la faisait prier pour moi avec grande insistance.
La nuit qui précédait la fête de notre sainte Mère Thérèse, Notre-Seigneur la pressait fortement de demander la permission de me parler, lui disant qu’il était temps. J’étais alors touchée d’une si grande crainte des jugements de Dieu, que je n’osais me présenter devant Lui.
Comme j’étais devant le Saint-Sacrement, il me vint en l’esprit que Notre-Seigneur me disait :
« Je vous ai poursuivie longtemps, non pas comme un Dieu de vengeance pour vous accabler sous le joug de ma loi, mais comme Père de miséricorde pour vous vivifier de ma grâce. ».
Cette pensée me rendit la confiance. Ce même jour de la fête de notre sainte Mère, on nous permit de parler ensemble. Alors je connus qu’elle voyait tout mon état, et elle me dit des vérités si puissantes qu’elles produisaient un grand effet sur mon âme et un fort grand désir de me convertir toute à Dieu.
Je fis une confession de plusieurs années, après laquelle Notre-Seigneur chargea Soeur Françoise de me dire ces paroles de l’Évangile :
« Vous êtes pure, ne péchez plus, de crainte qu’il ne vous arrive quelque chose de pire. »
Une autre fois Il l’obligea de me dire que si je voulais me quitter moi-même, mes propres intérêts et satisfactions, je Le pourrais contenter. Une autre fois Il lui fit connaître qu’Il voulait que je Lui donnasse ma liberté, et que ne fisse plus rien que par dépendance de Lui, afin qu’il me tienne de sa main puissante et m’empêche de céder à ma faiblesse. Il lui dit une autre fois qu’Il voulait être seul en moi, et que je Lui donnasse et le soin et l’amour que j’avais pour la prieure; qu’Il voulait que je retranchasse toute la satisfaction que la nature y prenait ; enfin, qu’il me voulait à Lui extrêmement vide et dénuée de l’amour des créatures.
Une autre fois Il lui fit connaître que c’était par grande miséricorde qu’Il m’ôtait le soin d’une personne que j’aimais trop, et Il lui dit :
« Je la connais ; ce soin la ferait retomber dans les fautes passées. »
Un autre jour, comme elle remerciait Notre-Seigneur des miséricordes qu’Il me faisait, Il lui répondit :
« Dites-lui qu’elle prenne garde à elle et qu’elle ne s’échappe pas sous n’importe quel prétexte. »
Il lui fit connaître que par le dépouillement de la créature, Il voulait éprouver si je l’aimais. Un jour de la conversion de saint Paul, durant l’office, elle sentait Notre-Seigneur près d’elle, lui montrant comment Il nous unissait toutes les deux en Lui, et Il l’assura que nous ne nous séparerions jamais. Elle me fit signe que Notre-Seigneur était là. Et le Seigneur continuant de lui parler, ajouta, :
« Dites-lui qu’elle ne s’étonne point de tomber, et ne se lasse point de se relever ; car j’ai toujours les bras ouverts pour la recevoir. Je connais bien l’infirmité de la créature et j’aime qu’elle ait de la peine des manquements qu’elle commet contre moi. En témoignage de quoi je me donne présentement à elle; car je me donne à celui qui me désire. »
(Vie, ch. IX.)
XVIII. La divine miséricorde poursuit le pécheur jusqu’à sa dernière heure
Le 2 décembre 1920, Jésus dit à Marie-Fidèle :
« J’aime les pécheurs et j’ai soif de leurs âmes. Les souffrances que tu as endurées avec ma grâce et dans une union intime avec moi, je les ai unies au sacrifice de la croix, dont elles tirent toute leurs force. Je veux que tu me laisses toujours le choix du pécheur en faveur de qui j’appliquerai le fruit de tes souffrances, et de tes sacrifices, maintenant ou plus tard. Je suis le Seigneur qui règle tout pour le mieux, selon ce qui convient à ma gloire et au salut des âmes. Ce sont les pécheurs en face de la mort qui ont un besoin plus grand de ma miséricorde. Je suis le bon Pasteur à l’égard des pécheurs ; c’est pourquoi envers toi, ma victime j’agis comme un juste juge.
Ne suppose aucune âme perdue jusqu’au dernier moment de sa vie. Mon amour de Rédempteur et ma sollicitude de Pasteur poursuivent le pécheur avec longanimité jusqu’à la mort pour le sauver et le rendre heureux ; car j’aime les pécheurs. »
(Ed. allm., p.164 ; éd. franç., p. 175 .)
Source : Recueil d’Apparitions de Jésus aux Saints et aux Mystiques – Ch V – Abbé Auguste Saudreau.